Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Modernité en art
- Pages : 379 à 383
- Collection : Constitution de la modernité, n° 33
Résumés des contributions
Audrey Rieber et Baptiste Tochon-Danguy, « Introduction. Fonctions de la modernité en art »
Parce que les définitions de la modernité comme période historique, style artistique ou attention au présent ne sont pas sans difficultés, il est nécessaire d’interroger les fonctions du concept de modernité dans les discours théoriques sur l’art. Normative, la notion de modernité s’inscrit dans un système d’oppositions qui structurent notre saisie des changements dans l’histoire des arts et de la littérature et interrogent notre compréhension de l’œuvre, de l’artiste et de la temporalité.
Marina Seretti, « La maniera moderna. Liberté de l’artiste et fascination du spectateur à l’époque de la Renaissance »
Lorsqu’à la Renaissance, Vasari entreprend de définir la maniera moderna, il recourt à la notion plastique de « licenza nella regola », liée au parer vivo des œuvres de Léonard de Vinci, Michel-Ange ou Raphaël. Excès dans la mesure, cette notion exprime autant la fureur artistique que le repliement de l’œuvre sur elle-même, organisme détaché de son auteur, mû par sa propre vie. L’expérience de la fascination constituerait alors le signe de la modernité de l’œuvre.
Pierre-Henry Frangne, « Artusi/Monteverdi ou la querelle de la musique moderne (1600-1638) »
Au début du xviie en Italie, une querelle oppose Giovanni Artusi à Claudio Monteverdi autour des opérations et des finalités de la musique comme un art de l’expression et de la mise en mouvement des émotions. À travers cette polémique qui inaugure notre façon actuelle de penser et de ressentir la musique, se joue la naissance d’une conscience critique et théorique profondément historique : l’opposition entre les antichi et les moderni speculativi voit émerger l’idée d’une modernità musicale.
380Gerald Wildgruber, « Sous le masque d’Ossian. Les stratégies de mise en bière du canon classique chez Herder, Goethe et Hölderlin »
Si le déploiement d’un art moderne suppose de renoncer aux formes de l’art classique, alors cette opération s’accomplit, dans l’art et la littérature allemandes de l’époque de Goethe, sous le masque d’Ossian, présumé chantre celte du iiie siècle dont les fragments furent publiés en 1760. Cette fiction d’une Antiquité non grecque fut une école de l’abstraction, dont témoigne Friedrich (Le Moine au bord de la mer), et l’occasion d’une nouvelle Querelle des Anciens et des Modernes (Hölderlin).
Stéphanie Borel-Giraud, « L’œuvre graphique de Grandville (1803-1847). Le manifeste esthétique d’un artiste industriel »
Au moment de l’essor de la presse illustrée sous la monarchie de Juillet, l’illustrateur Grandville explore la nouvelle image de l’artiste et l’idéal libertaire que les romantiques avaient opposés au classicisme, au sensualisme et au rationalisme. Son crayon sert à construire son identité artistique dans le cadre de la culture moderne et populaire, tandis que l’onirisme de ses sujets émancipe l’art, l’ouvrant vers un monde imaginaire, et attirera l’attention des symbolistes et des surréalistes.
Michael F. Zimmermann, « “Milieu” et “modernité” de Courbet à Baudelaire et Manet. Deux figures d’observation participative »
À partir d’une réflexion sur le caractère subjectif, objectif ou participatif du regard de l’observateur sur le monde, et d’une analyse de la notion de milieu avec Canguilhem et Spitzer, on peut élucider le jugement esthétique et moral porté par le public du xixe siècle sur ses contemporains, dont le jugement de Baudelaire sur Manet et sur un dessinateur tombé dans l’oubli, Constantin Guys. Cette lecture culmine dans une réinterprétation de La Musique aux Tuileries de Manet.
Yann Frémy, « “Il faut être absolument moderne.” (Rimbaud, Une saison en enfer). Littéralement et dans tous les sens »
La célèbre formule de Rimbaud a été présentée comme un mot d’ordre par les avant-gardes littéraires, une interprétation en partie ouverte par le 381texte rimbaldien, qui isole la formule en un paragraphe d’une seule ligne. Toutefois, s’interroger sur le locuteur qui prononce cette phrase permet d’en saisir toute l’ambigüité. Dit-elle une soumission au monde tel qu’il est ou une réappropriation par la poésie d’une modernité qui lui a été confisquée par l’idéologie bourgeoise et le scientisme ?
Sarah Troche, « Un œil primitif et raffiné. Jules Laforgue et la sensibilité moderniste »
Les discours des artistes et critiques modernes abondent en références à la naïveté et à l’enfance perceptive. Souvent reprise sans examen ou simplement rejetée, la notion d’« œil innocent » est rarement étudiée dans son contexte d’énonciation. Or chez Jules Laforgue, cette notion interroge la relation entre perception naïve et conventions artistiques et, loin d’être une donnée originaire, elle suppose un raffinement perceptif, un art de l’oubli qui se travaille à même le regard.
Luisa Sampugnaro, « Un art purifié. Logique et histoire du modernisme chez Clement Greenberg »
Greenberg, théoricien américain, chantre du modernisme dans les arts, a proposé de voir dans la succession des avant-gardes un parcours progressif et dialectique aboutissant à une purification des arts, dans un mouvement d’auto-réflexion. Après une mise au point philosophique sur ce récit marqué par une forme essentialiste d’historicisme, est étudiée la façon dont le critique intègre certaines expériences artistiques à une histoire conceptuelle de la peinture, dont le terme est l’abstraction.
Matilde Manara, « “Pressing back against the pressure ofreality”. La pensée lyrique à l’épreuve de la modernité »
Au seuil du xxe siècle se perd la foi en l’identité entre pensée et langage où s’originaient les notions romantiques de sujet et de lyrisme. Les écrivains doivent s’interroger sur la portée cognitive de la littérature, y compris – et c’est le trait le plus emblématique de la poésie dite moderniste – au centre de l’énonciation lyrique elle-même. Exemplaires en sont les poèmes-essais de Wallace Stevens qui jouent avec les frontières des genres et déjouent les distinctions philosophiques classiques.
382François Demont, « Entre littérature et peinture, la modernité comme “effet de discours” chez Ponge et Paulhan »
Jean Paulhan dans La Peinture cubiste (1970) et L’Art informel (1962) et Francis Ponge dans Le Peintre à l’étude (1948) élaborent une notion originale de « modernité », construite autant pour la peinture que pour la littérature et qui dit aussi quelque chose de leurs préoccupations littéraires. De ces discours sur les peintres, il semble ressortir que la « crise de la représentation » vécue par la littérature et la peinture du xxe siècle est définitoire d’une certaine modernité de discours.
Pierre Fargeton, « Le poète et le bûcheron. La modernité et le politique chez deux figures de la critique de jazz en France, Hugues Panassié (1912-1974) et André Hodeir (1921-2011) »
Entre les deux grands critiques de jazz des années 1930, Hugues Panassié, antimoderne et conservateur, et André Hodeir, moderne et progressiste, c’est le premier qui, aujourd’hui, sort peu à peu du purgatoire historiographique tandis que le second tend à y entrer, parce que Hodeir a cantonné le jazz à la sphère esthétique tandis que Panassié en a fait une manière d’être, de vivre et de sentir. Ce clivage est relu à partir de la distinction de Roland Barthes entre le bûcheron et le poète.
Fleur Thaury, « “Modernité” ou “avant-garde”. Le problème de la temporalité dans le Futurisme italien »
Il est usuel de mobiliser un critère temporel pour distinguer « modernité » et « avant-garde », et d’assigner la logique du présent à la modernité et celle du futur à l’avant-garde. Une analyse du « futurisme » (1909-1944) rend pourtant cette distinction caduque, puisque le mouvement fondé par Filippo Tommaso Marinetti – qu’il faut comparer au passéisme et au présentisme – est à la fois une réécriture de la modernité baudelairienne et synonyme d’avant-garde. C’est la crise qui est l’être du temps moderne.
Anne Boissière, « Compter avec la régression. Adorno et la musique »
L’approche adornienne de la modernité est souvent identifiée à l’ouvrage Philosophie de la nouvelle musique et en particulier à la partie sur Arnold Schönberg. 383La modernité serait synonyme de progrès, d’un « aller de l’avant ». Mais c’est court-circuiter la partie sur Igor Stravinsky et la question de la « réaction » et réduire la modernité au critère historique du matériau. L’analyse de la question de l’enfance dont il faut prendre soin restaure la complexité de la dialectique adornienne.
Alice Dupas, « Art moderne et art avant-gardiste. De la conceptualité dans les arts visuels de la rupture »
Peut-on trouver un fondement théorique à la distinction entre art moderne et art contemporain et comment y comprendre la place des avant-gardes ? Il faut pour cela comprendre que dans les arts visuels, le critère de distinction ou d’assimilation est moins temporel que normatif. Les arts d’avant-garde et contemporain ont en partage d’être radicalement conceptualisés et nous ont fait entrer dans une ère post-conceptuelle, à la différence de l’art moderne qui fait une grande part à la subjectivité.
Pierre-François Moreau, « Postface. Art moderne et avant-garde »
La modernité artistique désigne surtout deux périodes, l’une qui va du xvie au xviiie siècle et une autre, plus récente, qui commence à différents moments du xixe siècle selon les arts et critères considérés. Ce qui distingue la seconde, c’est la violence avec laquelle la rupture avec le passé est revendiquée, une culture de la radicalité, d’avant-garde, où la volonté de changement déborde le champ de l’art puisqu’il s’agit, par ce dernier, de changer la politique, le passé et la vie.
- Thème CLIL : 4127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie éthique et politique
- ISBN : 978-2-406-13753-5
- EAN : 9782406137535
- ISSN : 2494-7407
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13753-5.p.0379
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/11/2022
- Langue : Français