Introduction à la troisième partie
- Publication type: Book chapter
- Book: La Modernisation de l’État. Une promesse trahie ?
- Pages: 115 to 116
- Collection: Classiques Jaunes (The 'Yellow' Collection), n° 701
- Series: Économies, n° 3
La finance d’entreprise offre un binôme sur lequel la recherche contemporaine s’est forgée et dont la portée est très largement transposable au secteur public : celui du rendement et du risque, ce dernier étant en l’espèce compris comme la variation possible du rendement attendu et commodément assimilé au concept statistique de variance de ce résultat. En effet tout investisseur potentiel sait que la recherche d’un résultat certain, c’est-à-dire non entaché de risque, s’accompagne normalement de l’acceptation par avance d’un rendement faible. L’achat de Bons du trésor ou obligations assimilables du Trésor allemand ou français traduit de la part de l’acheteur un arbitrage au profit de la sûreté du placement et au détriment de l’espérance d’un fort rendement. Inversement les placements les plus aléatoires ne sont acceptés qu’avec une espérance mathématiquement définie de rendement important, espérance qui implique par ailleurs une probabilité forte d’être déçue. Pour sa part, dans la composition de son portefeuille d’activités et de ses choix de croissance, toute entreprise a de manière générale un arbitrage à opérer entre le niveau de rendement qu’elle ambitionne et le niveau de risque qui lui paraît acceptable.
La tension entre la recherche de la performance et l’évitement du risque concerne l’État comme tout autre acteur. Il fait face à des risques de même nature que les entreprises, mais aussi à des risques d’un autre type tels que par exemple ceux liés à des troubles à l’ordre public ou à des comportements de désobéissance civique. Un des risques fondamentaux ressentis par les dirigeants politiques est évidemment la perte d’autorité, de légitimité voire de pouvoir consécutive à un échec électoral.
L’État doit donc gérer à la fois sa performance et l’évitement du risque. Il doit moderniser ses façons de faire dans l’une comme l’autre de ces gestions. Cependant ces modernisations n’ont pas le même statut médiatique. La modernisation des outils de la performance répond en principe aux canons d’une société progressiste. La rénovation de l’évitement du risque ne bénéficie pas de cette aura. Si celle-là est annoncée à grand renfort de cuivres et trompettes dans les opérations transversales de l’État en particulier, celle-ci est peu claironnée et n’est jamais intégrée dans ces grandes opérations. Si les initiés la perçoivent bien, le grand public l’ignore.
116La question qui se pose pourtant est celle de l’importance relative de l’une et de l’autre dans les changements non pas annoncés mais réels de la gestion de l’État. C’est cette importance relative que la présente partie entend éclaircir.
Le lecteur non spécialiste pourrait être décontenancé par l’analyse menée dans les deux chapitres qui suivent, notamment par la technicité du langage gestionnaire. On peut en résumer les apports à deux constats majeurs.
Le premier est que la recherche d’une meilleure performance par la modernisation reste en France modeste : en termes politiquement incorrects, ses résultats sont fort limités.
Le second est que la gestion de l’évitement du risque donne une large part au contrôle interne, qui exprime la défiance traditionnelle du milieu bureaucratique.
Sous ces deux aspects, c’est à l’épreuve de leur mise en œuvre et de leur mode d’appropriation au fil des années que la plus-value des apports novateurs de la modernisation publique est anesthésiée, rendant ces politiques compatibles avec les postures conservatrices.
Une lecture attentive de ces deux chapitres révèle une première série de raisons qui ne facilitent pas la marche vers la recherche de la performance et vers un traitement du risque qui ne soit pas obnubilé par la défiance. Elles seront reprises en détail plus avant dans les quatrième et sixième parties du livre.
- CLIL theme: 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN: 978-2-406-09951-2
- EAN: 9782406099512
- ISSN: 2417-6400
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09951-2.p.0115
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-02-2020
- Language: French