Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Mer et la Cathédrale. La pensée musicale chez Baudelaire, Verlaine, Mallarmé
- Pages : 15 à 16
- Collection : Perspectives comparatistes, n° 142
- Série : Inter-médias, n° 5
Préface
Puis nous avons parlé des poètes aimés : Baudelaire, Mallarmé, Verlaine.
Interview à Debussy par A. Adorján, CR, 309
C’est a posteriori qu’on trouve, dans nos intentions, le sens de ce travail, et notamment dans une affirmation de Schönberg que le philosophe Theodor Adorno cite dans sa Philosophie de la nouvelle musique : « la musique a le devoir non pas d’orner mais d’être vraie1 ». Cette vérité, dont l’art musical a été exproprié pendant des siècles, réside tout simplement, à nos yeux, dans ses formes et non pas dans le discours qu’on tient à propos d’elles. Ce discours, d’ailleurs, est souvent une paraphrase des effets de la musique, qui ne satisfait que celui qui en parle après l’avoir écoutée. Si l’influence du wagnérisme sur les arts nous a d’abord amenée à détecter dans ce vaste phénomène la raison du nouveau rôle social joué par la musique (et de son influence conséquente sur la poésie), plus tard force a été de constater que l’emprise que la musique exerce sur la poésie ne se manifeste qu’aux marges de la rhétorique officielle, là où la poésie elle-même se réfugie. Certainspourraient doncs’étonner qu’on évoque si rarement dans ce travail la célèbre Revue wagnérienne2 : nous nous sommes éloigné du discours officiel célébrant Wagner après avoir constaté le peu d’intérêt que le discours célébratif autour du musicien suscite au fond chez les poètes dits « symbolistes ». Ce discours, souvent fondé sur l’esthétique de la réception, ne fait que célébrer la parole au détriment de la musique. Ainsi, la musique reste cantonnée à sa fonction 16traditionnelle de « muse » pour la littérature, continuant à rendre ses services au discours selon la topique convenue de la « musicalité ». Si, en revanche, nous nous nous intéressons à certains procédés formels que Wagner adopte dans le but d’imiter la littérature, nous nous apercevons que ce sont ces derniers qui apportent à la poésie une sève nouvelle. En procédant donc à rebours, et en choisissant comme objet de notre enquête les trois poètes les plus sensibles à la musique (ou, du moins, ceux dont les textes ont été le plus souvent mis en musique)3, nous nous pencherons sur l’influence que la musique elle-même a exercée sur leurs choix formels. Nous remarquerons que ce n’est pas seulement sur le plan thématique (en tant que sujet poétique, passif) que la musique intéresse les poètes, mais plutôt – et surtout – sur le plan formel. C’est sous l’égide des formes musicales que la poésie questionne son statut en retrouvant ainsi, à l’écart du discours littéraire qui la légitime de l’extérieur, son autonomie artistique.
1 Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, traduit de l’allemand par H. Hildenbrand et A. Lindenberg, Paris, Gallimard, « Tel », 1962, p. 52.
2 La Revue wagnérienne (1885-1888), Genève, Slatkine Reprints, 1968 (3 vol.).
3 Dans le Traité du Verbe (TV, 73-74) RenéGhilconsidère Hugo, Baudelaire, Verlaine et Mallarmé comme des poètes-musiciens : « Il me revient que les Trois ont, des instants prophétiques, vers on ne sait quel grand Pays marqué l’espoir on ignore de quels pas : et je gravis désormais, celui qui plus longtemps ne doute de l’assentiment, la voie droite et solitaire, disant : qu’elle multipliera ses Instruments, l’Instrumentation, et que des Voix de plus en plus diverses et voulues hors du balbutiement primordial émergeront, maîtresses esseulées ».
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-16039-7
- EAN : 9782406160397
- ISSN : 2261-5709
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16039-7.p.0015
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/01/2024
- Langue : Français