Présentation
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: La Littérature et la Vie
- Author: Ippolito (Christophe)
- Pages: 7 to 29
- Collection: Encounters, n° 351
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 32
Article from a collective work: 1/22 Next
Présentation
Vie. Mot « magique1 », écrit Gaston Bachelard dans un chapitre de La Formation de l’esprit scientifique intitulé « L’Obstacle animiste ». Il y souligne que le terme est porteur de valeur2 sans manquer de mettre en garde contre son usage en physique. C’est dans un tout autre domaine qu’on voudrait ici étudier la notion de vie. Au départ, ce livre vient d’une relecture de Julien Gracq et de ses réflexions sur l’allegro stendhalien3, lecture qui en appela d’autres et devint projet. Il s’agissait de réfléchir aux relations entre vie et littérature dans les œuvres littéraires et critiques en français, en anglais et dans d’autres langues, de l’aube de la Révolution industrielle à l’extrême contemporain, aux frontières et implications de la notion de vie en théorie littéraire, aux liens entre réalité, expérience, fiction et mondes possibles, aux récits de vie, à l’esthétique, stylistique et genèse de la vie en littérature, aux liens entre la lecture et la vie enfin. Vaste et riche sujet, dont on comprendra aisément qu’il n’a pas été, ne peut être épuisé, et donc occasion de dialogue et de partage, dans le cas précis sous la forme d’un appel à contributions au printemps 2015. Ce qui suit, livre des autres, est le résultat des réflexions des contributeurs.
Il ne s’agit pas dans cette présentation de faire un état si bref soit-il de la question d’ailleurs bien problématique des rapports de la littérature et de la vie mais tout au plus de rappeler quelques repères4. En grec ancien, il n’y a pas de séparation nette entre bios et zôê. La simple lecture des 8notices du Bailly montre que les deux mots partagent un certain nombre de sens (vie, existence, durée de vie, genre de vie, moyens de vie). On peut cependant faire l’hypothèse qu’ils diffèrent au moins par le point suivant : zôê semble plus de l’ordre du principe de vie en général (mais bios peut aussi signifier « le souffle de vie »), comme ce qui s’oppose à la mort, alors que bios semble plutôt renvoyer à la vie humaine, et par extension a les sens plus spécialisés suivants : le monde où l’on vit, voire le lieu où l’on vit, et la biographie ou récit de vie5. Le latin vita, qui reprend selon le Gaffiot les sens précédents (le lieu où l’on vit mis à part), renvoie aussi notamment à la réalité (le monde où l’on vit), et ajoute les sens suivants : histoire, âme, et objet de l’amour. En français, selon le Littré, le mot « vie » suit son étymon latin, y ajoutant des sens figurés inspirés ou non par le christianisme, ainsi renaissance spirituelle, réputation au-delà de la mort, mais aussi ceci : « Ce qui est dans les compositions des lettres ou des beaux-arts comme la vie dans un corps. » À cette vie-là sont associées les notions de force et d’énergie, mais aussi (en peinture et en sculpture) l’« expression naturelle » qui donne les « apparences de la vie ».
Il faudrait également prendre en compte non seulement la famille de ce mot mais ses combinaisons avec d’autres dans des expressions telles que « vie sociale » ou « vie intellectuelle », et ses équivalents dans d’autres langues, où un ou plusieurs mots expriment les sens ci-dessus, mais c’est là une tâche difficile dans l’espace imparti ici. Et pour ce qui concerne chacune des définitions évoquées ci-dessus, entreprendre une étude de sémantique lexicale qui prenne en compte la diversité des textes et contextes où le mot est employé dans un sens ou un autre ne peut être l’objet de cette courte présentation. Enfin, sans même parler des champs d’investigation qu’ouvrent notamment les notions d’intuition de vie ou d’illusion de vie – ou de ce qui dans le sens du mot au singulier (vie) tend vers l’unité et la totalité, et de ce qui dans le sens de ce même mot au pluriel (vies) tend vers la différence, la diversité et la fragmentation, l’actualisation par l’article compliquant encore le jeu du sens : la vie, une vie, de la vie… –, la polysémie et la métaphoricité du terme sont trop connues pour qu’on y revienne longuement ici. À tout cela répondent les incertitudes générées par les définitions de la littérature et de la littérarité.
9Et si l’on partait plutôt d’aujourd’hui, et d’une absence, en interrogeant un usage du mot qui a disparu ? Comme on sait, la notion de vie n’est plus utilisée en biologie depuis longtemps. Il faut cependant rappeler que cet usage a une histoire, une périodisation et des articulations épistémologiques dont les principales à l’époque moderne se situent sans doute à la fin du xviiie siècle et au milieu du siècle suivant6. C’est à la fin du xviiie siècle que se dessine une ligne de fracture entre vivant et non-vivant avec l’affirmation de formes de vitalisme7. Dans la première partie du xixe siècle, plusieurs scientifiques, ainsi Bichat ou Cuvier, parlent de force de vie ou de principe (interne) de vie (LV, p. 104). Mais ce qui pouvait apparaître auparavant comme nécessité se révèle comme contingence, et les découvertes scientifiques, ainsi avec la synthèse de l’urée (1828), la théorie de l’évolution de Darwin, et les travaux de Pasteur sur les germes qui mettent à bas la doctrine de la génération spontanée8, vont repousser le vitalisme hors des limites de la science (LV, p. 190 et p. 327). Et si « [l’]importance d’un concept se mesure à sa valeur opératoire, au rôle qu’il joue pour diriger l’observation et l’expérience » (LV, p. 19), il devient pour le moins difficile de parler de vie en biologie, si difficile même qu’une définition (scientifique) de la vie est quasi-impossible : si l’on peut étudier, écrit François Jacob, le « processus » ou « l’organisation » de la vie, des recherches sur la vie comme « entité » ou sur « l’idée abstraite de la vie » sont vouées à l’échec9. Et on pourrait multiplier les points de vue concordants. Le concept philosophique quant à lui survit, mais prend quelque chose du discrédit jeté sur son parent « scientifique ». De Schlegel à Nietzsche10 et Bergson, de Husserl à Michel Henry et Deleuze, et encore aujourd’hui, il continue à 10alimenter les débats11, et l’imaginaire qui sous-tend ces débats : qu’en est-il en effet du « scandale d’une pensée séparée de la vie12 » ?
La vie irrigue la littérature comme la littérature irrigue la vie ; en théorie littéraire, la notion de vie resta longtemps centrale, en particulier dans la longue période qui précéda la domination du structuralisme ; encore récemment un numéro de Romantisme cité plus haut a abordé la question du vivant13 ; Gracq, on l’a dit, s’intéressait à l’allegro stendhalien, et nombre d’études stylistiques en particulier se sont intéressées, et s’intéressent encore, à l’illusion du mouvement de la vie : ce qu’on pourrait nommer l’« effet-vie », comme il y a un effet de réel ou un effet-personnage ; et l’on pourrait appeler « littérature-vie » l’ensemble des textes littéraires (œuvres ou parties d’œuvres) qui donnent naissance à l’illusion du mouvement de la vie, étant entendu que cette illusion peut être plus ou moins vive selon les textes, leurs lecteurs et les différentes lectures qui sont faites de ces textes ou rendues possibles par eux. En tout état de cause, pour paraphraser le mot de Blanchot, il est difficile d’envisager le scandale d’une littérature séparée de la vie. Mais alors, comment analyser les liens qui unissent vie et littérature ? Et que faire de la notion de vie en théorie littéraire ? Est-elle seulement nécessaire ? Peut-elle servir à quelque chose ? Ce sont ces questions que cet ouvrage pose, c’est ce type de questionnement qu’il suggère. Les études qu’il réunit n’ont pas de prétention à l’exhaustivité, comment le pourraient-elles ? Et il est difficile de revendiquer une unité dans le cas d’un recueil d’articles proposant dix-sept approches différentes de la notion de vie en littérature et en théorie littéraire, sinon autour du sujet proposé, chaque approche étant singulière. D’autres approches étaient possibles : elles ont été, cette fois-ci du moins, laissées de côté. Les articles sélectionnés 11le furent parce que nous semblait-il ils contribuaient à l’étude des liens conceptuels entre vie et littérature en ouvrant des horizons, et des pistes d’investigation, y compris hors de la littérature française. Mais là encore l’éditeur n’est que le premier lecteur. Il nous faut avant de présenter le détail des contributions souligner un point. Qu’on le comprenne bien, il ne s’agit pas ici de faire une apologie du vitalisme condamné scientifiquement, mais bien de mesurer ce que l’usage de la notion de vie apporte à la littérature et peut apporter à la théorie littéraire.
Un premier groupe d’essais esquisse une brève histoire de la notion de vie en littérature. Une contextualisation de la notion de vie était nécessaire, et c’est ce qui est fait ici, du côté de la théorie littéraire, par l’entremise d’une étude sur la naissance de l’histoire littéraire moderne. Comment l’histoire littéraire se constitue-t-elle comme discipline moderne, se demande Marine Riguet ? En prenant les sciences de la vie comme modèle. Mettant en évidence l’interdisciplinarité qui a caractérisé la formation et le développement des savoirs au xixe siècle, son essai montre comment les nouveaux historiens de la littérature, de Taine à Lanson, construisent dans la deuxième partie du xixe siècle un champ influencé par l’histoire (qui d’abord tentée par le romantisme se constitue peu à peu en science humaine fondée sur l’analyse de documents), et les avancées de la philosophie positive de Descartes et Copernic à Darwin et Spencer, mais aussi et surtout par la biologie et la nouvelle histoire naturelle. De l’histoire naturelle on passe à une histoire des esprits en partie fondée sur celle des œuvres. Il s’agit d’opérer des classements, de chercher un ordre, de donner une valeur à cet ordre et aux éléments qu’il délimite. Le nouveau paradigme des sciences de la vie, à l’articulation de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle, met fin à la fixité, est orienté vers l’analyse de la vie comme mouvement des origines à une finalité. Certes, les instruments du critique et du biologiste ne sont pas les mêmes. Mais le premier emprunte au dernier ses discours, et cite abondamment ses cautions scientifiques, tandis que la vieille critique de goût est reléguée dans les feuilles des journaux. Il s’agit aussi pour le critique d’une question de méthode – une méthode qui serait fondée sur l’expérience et l’observation attentive des phénomènes, et qui, faisant passer de l’invisible au visible, dégagerait ce qui peut s’assimiler à des faits, ainsi les éléments biographiques ou historiques du contexte de production. Dès lors, certaines opérations sont privilégiées : analyser, 12classer pour expliquer dans la visée d’une synthèse (dans le sillage de la taxinomie telle qu’elle a évolué à partir des travaux de Linné). Riguet souligne le rôle central de la nouvelle théorie évolutionniste dans la mise au point de l’histoire littéraire moderne ; dès lors la chronologie finaliste et la volonté de classer peuvent donner naissance à des généalogies, des paléontologies et des géologies de l’histoire littéraire inspirées chez un Bourget ou un Brunetière par un modèle évolutionniste qui chez Darwin n’est pas synonyme de progrès ; mais elles donnent aussi naissance à des dérivations inspirées de l’idéologie du progrès.
C’est sous un angle totalement différent du précédent que Pierre-Héli Monot aborde l’histoire sociale et littéraire de la notion de vie entre 1832 et 1892. Inspiré par les travaux d’Hans Blumenberg sur la fonction épistémologique des métaphores, il procède à une étude métaphorologique du pain au xixe siècle dans cinq textes majeurs, montrant comment les métaphores du pain peuvent chez Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Wilhelm Busch, Frederick Douglass, et Pierre Kropotkine, fournir le cadre d’une compréhension renouvelée de la notion de vie. Emerson, dans sa quête romantique d’une religion vivante, met en question la transsubstantiation opérée par l’intermédiaire du truchement de l’hostie, concrétisation sacramentelle du pain de vie de l’Évangile de Jean. Dans ses écrits où délibérément s’affirme et s’affine l’idée d’une lettre vivante, cette tentative est aussi d’ordre poétique. À sa suite, Thoreau, en réaction à la modernité industrielle, se présente comme la levure du pain qu’est son livre Walden, comme si celui-ci était une œuvre organique s’opposant à un matérialisme industriel mortifère. Il y célèbre une manière de vivre fondée sur un usage délibérément spartiate des ressources nécessaires à la vie, reprenant ainsi deux des sens originels communs à bios et zôê en grec ancien (manières et ressources de vie), ce alors même qu’il problématise ce en quoi le sens de ces deux mots peut différer, opposant ce qui relève du souffle de vie (zôê), et l’incarnation de ce souffle dans une individualité (bios), et au-delà le général et le particulier ; et il introduit la notion de communauté qui peut faire figure de moyen terme entre bios et zôê. Le pain de vie, ce peut aussi être l’accès à la lecture libératrice que dans un tout autre contexte Frederick Douglass, héros de la cause abolitionniste, échangeait jeune, entre vie et survie, contre de la nourriture (le thème de l’émancipation court tout au long de l’article, en filigrane). Ce peuvent être les hosties 13auxquelles chez Wilhelm Busch sont intégrés les restes des petits Max et Moritz, comme ce peut être plus prosaïquement et littéralement, du côté de la dénotation, et chez Pierre Kropotkine, la ressource pour vivre.
C’est à la période qui suit, pleinement moderniste, que s’intéresse Xavier Le Brun, qui part du constat de la coupure moderne entre science et nature telle qu’elle a été observée et commentée par Husserl qui à rebours entreprendra de renouveler le lien entre vie et philosophie. Le modèle phénoménologique husserlien est-il applicable à la littérature, qui relève moins de la réalité que de l’ordre de la représentation ? Est-ce bien de la même vie que littérature et philosophie parlent ? Faut-il repenser le concept de vie pour l’adapter à ce que recouvre le terme de vie en littérature ? Le modernisme donne un rôle nouveau à l’observation et à la mesure de la réalité, qui dès lors n’est plus prise comme une entité autonome. C’est en quelque sorte à partir de positions relatives à une subjectivité que s’appréhende désormais la vie. En littérature et en art, cela se traduit à la manière cubiste par une multiplicité d’éclairages et de projections sur le réel, comme si sans cesse quelque chose du sujet passait dans l’objet en le modifiant, comme si cette interaction même était le nœud de toute entreprise créative, voire de toute vie en tant que création continue et expérience du réel, comme si ce réel même se laissait maintenant définir et délimiter par chaque vie elle-même en tant qu’elle est le lieu d’un regard premier porté sur lui. Ainsi, Virginia Woolf, mettant quasiment sur un même plan les notions de vie et de réalité, donne à la subjectivité où la vie s’incarne un rôle prépondérant dans le rendu du réel. Pas de coupure nette donc, précisément comme dans le monde de la vie (Lebenswelt) husserlien. Et la célébration de l’expérience est inséparable de la revalorisation du sujet. Dans ces conditions, rien n’empêche de mettre en parallèle la notion de monde de la vie comme réponse philosophique et les questions ouvertes de la littérature moderniste en particulier, sans pour cela que ces questions n’apportent cette réponse, ou que cette réponse n’appelle ces questions. En fait, ces questions portées de façon privilégiée par ce qui dans le texte littéraire constitue le tissu de l’implicite entrent dans le domaine du monde de la vie comme des maraudeurs la nuit dans un champ clôturé, fruit de leurs désirs, lieu d’une constitutive recherche du fécond butin de l’étonnement. Et à ce que la conscience saisit la littérature ajoute la possibilité de saisir d’autres réalités, d’autres contours plus vagues, tout 14cela dans l’unité d’un regard. On peut aussi interroger littérairement la réponse donnée par Husserl, et ce faisant mieux cerner le processus réflexif même qui constitue les œuvres littéraires, et les dévoile comme intersections de deux mondes de la vie, dont l’un, l’œuvre, serait autonome, double et second. Incidemment, on mesure ce que la relativité inhérente à la notion husserlienne peut apporter à l’étude de la représentation des points d’incertitude de la réalité, du corps et de l’esprit.
Michael Wiedorn, en étudiant ce qu’il appelle le vitalisme esthétique de Gilles Deleuze, Félix Guattari et Édouard Glissant, reste sur le double terrain de la littérature et de la philosophie en s’attachant à montrer le scepticisme qui caractérise généralement le discours sur le vitalisme. Un certain vitalisme avait, dès la fin du xviiie siècle et au début du siècle suivant, commencé par questionner le mécanisme et au-delà les limites de la science pour l’étude de la vie. Sa validité, on l’a vu plus haut, a vite été contestée par les avancées de l’étude scientifique du vivant. Ce que l’on peut considérer comme la réintroduction du vitalisme en philosophie par Bergson a été maintes fois violemment critiqué, et l’est encore largement aujourd’hui. Au xxe siècle et aujourd’hui, lexicalement, des termes comme « vie », « force » ou « énergie », des métaphores tirées du monde organique constituent des indices de discours vitaliste. Sur le plan du contenu, un terme moderniste comme « flux » dit l’importance de la notion de changement pour le vitalisme. Dans le vitalisme esthétique aux dimensions salvatrices qui pour Michael Wiedorn est celui de Deleuze, Guattari et Glissant, les frontières entre les idées de vivant et de non-vivant peuvent devenir floues. Chez Glissant, la notion délibérément non-systématique et opaque de Relation s’ouvre de toutes parts au mouvement de la vie, et d’abord à ce qui dans ce mouvement même est lieu et histoire d’une poétique, dans sa globalité comme dans ses incarnations individuelles, et ce contre toute les formes intra-mondaines de violence qui pourraient entraver ce mouvement. Autre chose cependant est d’appliquer cette poétique générale aux actes poétiques individuels que met en jeu la littérature. Dans le cas de Deleuze, auteur d’un article intitulé « La littérature et la vie » auquel le titre du présent livre fait écho14, article qui a pu être analysé comme 15présentant l’écrivain comme une sorte de médecin-guide (dans la lignée de Bichat) qui après diagnostic proposerait des solutions alternatives et des outils pour résister aux violences du monde, la littérature comme la vie seraient des formes de résistances, la première ajoutant les siennes propres à celles de la seconde. Et il est selon Deleuze des œuvres – ainsi parmi celles des littératures mineures – où l’opposition entre art et vie tend à s’effacer. Le vitalisme esthétique de Deleuze et de Glissant, qui n’est pas aisément séparable de bon nombre de leurs autres positions, a été fort critiqué, comme ces dernières l’ont été, et comme le vitalisme l’a été en général, y compris dans ses dérives et excroissances politiques et économiques récentes. Car les idéologies qui s’approprient les discours vitalistes, éminemment malléables par nature, ne le font pas, il faut le souligner, toujours à bon escient. Il reste que Deleuze et Guattari comme Glissant ont su recomposer à partir de leurs tris respectifs des débris épars du vitalisme historique les éléments d’un renouvellement de la pensée de la vie, y compris et en particulier comme résistance.
Bien que cet ouvrage soit consacré au premier chef aux articulations modernes et actuelles entre vie et littérature, il est apparu nécessaire d’élargir la perspective historique sur ces notions et domaines par un retour à l’origine, toute nouvelle analyse étant tributaire d’une façon ou d’une autre des analyses originelles de son objet. Du moins dans l’aire occidentale, cette remontée dans le temps invite à une relecture non seulement des œuvres fondatrices d’un Homère ou d’un Virgile (et des commentaires faits à leur propos), mais aussi (si l’on considère avec Barbara Kaszowska-Wandor l’histoire et la profondeur étymologiques du mot même de littérature) des antiques inscriptions « retenant » souvent la vie dans des formes plus ou moins esthétiques de (tentatives de) « survie » – ainsi les formes écrites que sont les listes funéraires laissées à l’attention des générations futures. Si l’on continue à suivre la piste étymologique, on sait que l’espace ouvert par le terme « littérature » a longtemps référé à l’ensemble des textes écrits, et du moins ceux de ces textes qui n’étaient pas explicitement religieux, ou pour le dire autrement où ne s’exerçait pas la performativité d’une parole prescriptive renvoyant à un pouvoir divin. À partir de là, on voit qu’un autre ordre de performativité, de nature essentiellement esthétique (et constitutif au moins partiellement de ce qu’on appelle littérarité), a encore divisé le territoire sémantique originel du mot en deux « côtés » 16grammatico-rhétorique et philosophico-théologique, dont l’un (le premier) est l’atelier où l’on file, fige et transmet, l’autre postulant l’existence d’une essence au-delà de la perception. Quel peut exactement être, dans ce cadre, le statut de la littérature en tant que speculum vitae au regard de la vérité ? Une approximation ? Mais peut-être ce statut même est-il contradictoire, indécidable, ou plutôt chaque fois décidé et décliné par une lecture singulière ? Et qu’en est-il de ce qui en littérature invite à renouveler la pensée de la vie, et par exemple à s’engager dans un dialogue philosophique sur les manières de vivre, ou encore à s’approprier les prérogatives d’une création, d’une fiction qui nécessairement conteste le toujours-déjà-là de ce qui est, ou enfin à s’immerger dans cette fiction au point de ne plus voir la vérité de la réalité ? Augustin condamnant les prestiges illusoires de la fiction ne manque pas de s’interroger sur ce qui chez lui en tant que lecteur est attiré par elle, et ce qui en elle le tente et le séduit vivement. Plus près de nous, la Lebensphilosophie serait-elle un domaine où s’effectuerait un retour à la synousia, au vivre-ensemble pythagoriciens, mais aussi à l’acceptation quasiment inconditionnelle du concept de vie, et ouvrirait-elle la possibilité de considérer le tout de la littérature comme pouvant à la fois contenir et traduire le tout de l’expérience des sujets ? L’interrogation sur les pouvoirs d’empathie de la Lebensphilosophie persiste, ne serait-ce que dans ce qu’elle montre d’infiniment vulnérable dans la vie, et d’infiniment puissant en littérature. On peut aussi voir la littérature, avec W. G. Sebald, et comme dans les antiques inscriptions, comme restitution plutôt qu’institution de la vie. Et cette restitution complexe et multiforme n’est pas de peu de valeur pour les vies qu’elle sert.
Un second groupe d’essais interroge le sujet dans ses rapports avec l’expérience et le vécu en étudiant les formes du récit de vie et du récit de soi, du journal intime à l’autobiographie et à l’autofiction, des biographèmes au récit d’immersion. L’étude de Francesca Belviso sur le journal intime de Cesare Pavese revisite un genre que cet auteur porte bien loin des facilités qui parfois le discréditent (ainsi l’absence d’unité, de continuité, de recul), ce qui donne au Métier de vivre une souveraine singularité d’étoile tombée sur la page ; le genre lui-même en sort comme bousculé. Pavese clôt son texte en cautérisant dans celui-ci les ouvertures qui sont traditionnellement la marque de fabrique du genre du journal intime. Le désordre en particulier y est ramené à un ordre, 17notamment par l’intermédiaire des bilans réflexifs qui y sont introduits, ce peut-être dans la visée de conditionner une certaine lecture d’un texte qui avait été écrit pour être destiné à la publication. La construction de l’œuvre, la mise en place délibérée d’une distance par le narrateur voilent l’accès à ce qu’on pourrait appréhender de la vérité sur l’auteur, mais une image de celle-ci apparaît cependant telle qu’elle est révélée dans la lecture du texte, et particulièrement dans les défauts, les omissions et les interstices – indices d’un je authentique à retrouver, comme dans une enquête policière – qui se font jour dans les voiles de cette construction et de cette mise à distance. Ce que l’écriture perd par l’établissement d’une distance, présente jusque dans le dialogisme caractéristique du système d’énonciation propre au journal intime pavésien, la lecture le gagne par la réintroduction d’une proximité qui flaire les artifices. Si contrat entre lecteur et auteur il y a, c’est encore, peut-être, artifice que le lecteur est invité à dénoncer, pour sous les règles déjouées de ce contrat retrouver les ruses de l’être plutôt que des vérités non incarnées. Pavese était lecteur de profession, son écriture brandit la lecture qu’il fait de sa vie (et particulièrement de son activité d’écrivain et d’éditeur) comme un étendard, une œuvre d’art maîtrisée et achevée, mais ouvre en fait la possibilité d’un éventail de lectures qui ne se satisfont pas de cet accomplissement. Ce que la poétique transforme en unité, la lecture le (re)décompose en éléments, en fragments d’espace, de temps, de soi. Comme si toute tentative d’autobiographie, même la plus réussie, ne pouvait manquer de passer, nécessairement, par une forme d’échec ; mais le sacrifice de pièces peut déterminer le succès de la fin de partie. En fait, le mystère pavésien tel qu’il apparaît dans Le Métier de vivre (on retrouve l’enquête policière) peut se lire en plusieurs sens, y compris à un niveau mythopoétique. Et ici l’intérêt de Pavese pour les mystères de Dionysos, d’Éleusis et leurs parallèles chrétiens peut être une clé de l’exégèse qui dans ces conditions se fait aussi déchiffrement d’images : c’est encore une répétition du même, mais il est vrai sous une forme différente. Comment les traces de ce qui se figure comme même sont-elles appréhendables par le (radicalement) autre que sont les je des lectures qui comme le peintre cubiste regardent leur objet sous plusieurs angles, c’est ce que chaque lecture décide.
Au croisement de l’histoire collective et de l’histoire personnelle, Le Livre brisé de Serge Doubrovsky, étudié ici par Bianca Romaniuc-Boularand, 18réaffirme dans l’autobiographie ce que Sartre considérait comme la dimension temporelle du trucage de l’écriture. Ce qui est en jeu, c’est une temporalité singulière, blessée, transfigurée par la mort d’Ilse, à la fois protagoniste et femme de l’agent de la narration. À présent blessé, passé reste. Mais subsiste un désir nécessairement inaccompli pour ce qui dans le présent est perdu, et corrélativement un retour inlassable du narrateur à ce temps d’abord défini par une perte. Même le passé se décline au présent, la subjectivité narrative délimitant seule, à de certains moments, la nature temporelle de son objet. Et même ainsi le temps délimité n’est pas toujours celui qu’on croit. Il est vrai que si le présent est blessé le passé quant à lui est troué de blancs qui rendent sa représentation problématique. Le rapport privilégié au présent grammatical (ainsi dans le monologue intérieur) ne serait-il pas le signe d’un intérêt pour l’acte même de la remémoration plutôt que pour son contenu ? Ou n’est-il que tentative de gommer ce qui dans le passé en particulier récent peut déstabiliser le personnage du narrateur ? Ce jeu sur la confusion des temps se complique encore quand le texte se fait récit qui refuse les temps traditionnels du récit, et se résorbe parfois en commentaires qui mettent ce récit en abyme. Il semble bien en fait que le passé ne soit pas si facile à rencontrer et raconter, que le moi d’avant soit bien difficile à restituer. De même que le livre est brisé, le va-et-vient temporel constitutif de l’entreprise autobiographique est rompu. Cette rupture et cette brisure coïncident-elles, et toutes deux ne sont-elles que des figurations poétiques de la fêlure d’un moi ? Mais d’où viendrait cette fêlure ? De la grande ombre de l’Holocauste, de la position pour le moins difficile que se ménage Serge, entre regret de ne pas avoir participé alors qu’il était tout jeune aux combats de la guerre et sentiment de culpabilité de survivant ? De la présence déstructurante de l’Holocauste jusque dans le temps de l’écriture, de l’impossibilité de le dépasser, d’en parler, de ne pas en parler ? Comme si dans cette grande ombre l’enfance s’effaçait ; comme s’il ne restait que l’écriture pour soutenir les fondations de la vie. Dans ce contexte chaque épisode du passé est pareillement broyé par la référence absolue à la Shoah, et pour qui veut en remonter le fil les morceaux de la vie s’écroulent les uns après les autres comme des châteaux de cartes. Subsistent cependant des thématiques, des rapports, et (chez Serge du moins) la prescience d’un avenir où ces rapports pourront encore s’actualiser, comme si 19l’écriture s’inscrivait dans une visée prospective. Placée sous le signe de l’absence (de l’autre élu comme partenaire aussi bien que de l’événement), l’entreprise autobiographique révèle cependant quelque chose du narrateur et de son univers, au-delà même des stratégies narratives qu’il se plaît à employer. Des épisodes (beuveries, tentatives de suicide de sa femme) se dégagent de leur gangue. Chez Serge, l’intertexte sartrien (Les Mots) brise à un moment donné le présent du livre et fait comme réapparaître le (système temporel du) passé, quand il conduit à la représentation d’un fantasme d’aveuglement. Alors le récit semble prendre un bref et illusoire envol. C’est le narrateur et non pas Ilse, soulignons-le, qui contrôle ce moment du récit, comme si ce narrateur dérobait subrepticement à sa « première lectrice » Ilse la vue de ce qui lui permettrait de comprendre l’inéluctabilité de sa fin. Pour finir, dans ce qui s’apparente à un transfert, c’est la mise en images de la mort d’Ilse sur fond d’Holocauste qui permettra une nouvelle structuration du moi du narrateur. Le récit autofictionnel rencontre ses fins textuelle et symbolique, la mort réordonnant les mots et les choses.
Laurence Perrigault, quant à elle, évoque le choc d’une prise de conscience qui chez Éric Rondepierre précipite un changement total de regard sur sa vie et son œuvre. L’événement de « l’enlèvement » et du placement subséquent en institution, en « Home », de Rondepierre enfant porte comme chez Doubrovsky une brisure dans le récit autobiographique. Le placement provoque l’évasion dans le refuge de la lecture et du cinéma, contre la vie, hors d’elle. La vérité doit être ailleurs que dans le déracinement qu’il subit, et Rondepierre de chercher un espace où il peut l’entrevoir. Cet espace, ce sera plus tard celui des séries de photogrammes qu’il « sauve » des pellicules de film. L’acte créateur limite délibérément l’intervention au minimum. Tout change avec l’introduction dans les photogrammes de biographèmes tirés de sa propre vie, photogrammes auxquels succèderont plus tard des séries visuelles autobiographiques – ces biographèmes qui ne disent pas leur nom étant engagés dans le mouvement de la fiction qu’ils poussent cependant, à rebours, du côté du réel. De ce double mouvement vont naître des textes qui de simples accompagnements de l’image glissent vers l’autonomie : Rondepierre devient écrivain, d’une écriture autofictionnelle et collectionneuse qui est cette fois plutôt retrait et recul que refuge, et propose différents doubles de ses doubles, différentes versions 20de son histoire et de son image. Ce qui vient du réel, ce qui n’en vient pas, ce qui en reste se mêlent dans l’indécidable qui est la matière de ses récits, dans des personnages savamment dosés et composés qui restent toujours à la lisière de l’approximation. Comme s’il fallait montrer jusque dans la fiction la résistance des blocs de réel, la violence des restes de réel que portent les souvenirs traumatiques d’une enfance déplacée. Comme s’il fallait sertir cette résistance d’incertitudes énonciatives et d’autres difficultés sur le parcours du lecteur. Chasseur de réel, fasciné par l’empreinte que celui-ci laisse jusque dans ses transformations en représentations, prêt même à aller chercher ce qui s’est perdu du côté de la fiction pour mieux le ramener à lui, à ses destinataires, comme une mère cherche son enfant perdu, Rondepierre interroge les limites des domaines où il enquête. Ce qu’a pu lui donner la lente montée en puissance de l’écriture de soi dans son travail, outre sa vertu thérapeutique, c’est un projet, une explication, une règle du jeu pour un je déréglé, ou comme on voudra la possibilité d’un sens à donner à ce qui reste du réel, voire à ce qui peut subsister du réel à naître.
Sous le signe de Roland Barthes, et particulièrement de ses dernières œuvres, Yue Zhuo revient sur la notion de biographème, en termes mallarméens éclat chu du désastre obscur qu’est la vie. La fascination du dernier Barthes pour l’auteur et l’autobiographie, et son engagement sur ce qu’il est généralement convenu d’appeler la voie d’un « retour au sujet », seraient-elles des manifestations d’une volonté de réappropriation de cette vie ? Plus particulièrement à partir de 1973, Barthes s’interroge sur les liens entre la vie d’une part (comme texte, et au-delà comme œuvre) et l’écriture d’autre part, sur les homologies et analogies qui les unissent, sur le tissage d’une matière, d’un flux qui échappent. Mais ces préoccupations s’exprimaient déjà dans des études bien antérieures, que ce soit sur le Journal de Gide, à propos duquel Barthes parle de ce qui est tu, ou sur l’entreprise de Proust qu’il analyse sans cesse, s’intéressant à ce qui dans le vécu passe et surtout ne passe pas dans la vie racontée du roman, et aux degrés de difficulté de ce passage, apparemment facilité par la reconnaissance d’essences idéales communes aux deux ordres. En fait, il conclut à l’existence d’une instance de subjectivité dans l’entre-deux, dans les fissures et les failles qui brisent les correspondances entre narration et biographie, texte et vie ; et une part de cette subjectivité semble venir de l’œuvre même prise comme un tout 21autonome. La première définition du biographème précède de deux ans le tournant de 1973, et s’applique aux œuvres de Sade, Fourier, et Loyola. Que trouve Barthes, nous dit Zhuo ? Des précipités de larmes et de désirs, quelque chose qui donne chair au texte, qui fasse sentir et aimer la (les) subjectivité(s) qu’il porte et qui émanent de lui. Cette définition s’affine au cours du travail d’écriture sur Roland Barthes par Roland Barthes, et s’enrichit de ses associations croisées avec la figure de l’« anamnèse » et la notion jakobsonienne de « shifter ». Ce dernier livre est aussi le lieu d’un dédoublement entre le côté critique et le côté écrivain de Barthes, dédoublement qui fait écho à la division entre tu et dit et à la décomposition figurée des éléments dans ce qui se présente comme un anti-dictionnaire. Est-ce la conscience de cette division, ou celle de la perte, des pertes (et d’abord celle de la mère) qui ont conduit à débuter Vita Nova, projet de « Roman » qui est mentionné dans La préparation du roman ? À la fois ce qui reste et ce qui séduit, comme La Recherche, elle aussi consécutive à la mort d’une mère, ce Roman aurait pu lui aussi plier et replier le temps linéaire des autobiographies consacrées, être le nouveau ciel étoilé grâce auquel le moi aurait pu retrouver même les chemins anciens de ses fantasmes – tout cela à une « voix moyenne » qui aurait déplacé le sujet de l’écriture en l’affectant. Mais cela n’a pas été, seuls quelques feuillets ont été écrits, et d’une certaine façon le Roman a été remplacé par la possibilité d’un Romanesque à même de dire l’engagement sans fin du sujet dans l’aventure d’une écriture, par un vouloir-écrire qui diffère toute actualisation de son projet, par une manière de vivre qui abrite Romanesque et vouloir-écrire sous l’auvent d’un moi idéal.
Éric Le Calvez étudie les biographèmes dans le détail des textes d’un Flaubert qui, passé par l’autobiographie dans sa jeunesse, n’a pas cessé de faire infuser dans son œuvre des parcelles d’un moi bien caché, mais fort présent (et il n’y a pas là de contradiction avec ses préceptes sur l’impersonnalité). C’est particulièrement vrai dans L’Éducation sentimentale où la réalité a inspiré des personnages de fiction, montre Le Calvez. On retrouve, à l’aide de Du Camp, et en recoupant les documents, des morceaux de la vie de Flaubert lui-même dans Frédéric. Dans Un cœur simple c’est l’enfance de Flaubert qui ressurgit, la tristesse qui le caractérisait lorsqu’il écrivit cette œuvre étant transférée sur le personnage de Félicité. Souvent le biographème se fait ponctuel, et on peut s’interroger 22sur ce qu’il engendre d’effet de réel sur le lecteur informé ; il peut, de temps en temps, venir d’un rêve. Il peut se réfugier sous un nom (avec les potentialités ironiques que cela peut impliquer), dans un croisement avec un intertexte, dans un objet, un chant, une histoire racontée en famille, dans le sémantisme évocateur d’un mot, dans la mention d’un lieu pour l’auteur chargé de mémoire, dans un souvenir de voyage qui passe dans un roman, se multiplie dans un personnage. On le retrouve sous des figures de style, dans un comparant. On le devine parfois, ainsi comme ce qui pourrait lier entre eux des détails récurrents dans une description, mais la preuve manque, le document fait défaut. Il peut être signalé par des indices, ainsi un présent gnomique, un motif au croisement du biographique et de la fiction. Et il peut tout simplement faire défaut, ou ne pas donner lieu à une identification. Ailleurs encore il se cache dans les manuscrits, où il peut passer d’un personnage à un autre. Protéiformes, les métamorphoses des biographèmes parsèment les textes flaubertiens.
Qu’arrive-t-il à l’autobiographie à l’orée du biographique ? Hélène Jaccomard cherche une réponse dans des récits d’immersion récents d’Elsa Fayner, de Florence Aubenas et de François Bon. Dans ce genre duel, les situations, les décors, les stratégies et les costumes diffèrent, mais les moyens et les buts sont souvent similaires. Les narrateurs démasquent en se masquant, et les récits-témoignages à la recherche de la vérité, cautionnés par la réalité qu’ils explorent, disent souvent quelque chose des marges de la société, des secrets de la France d’en bas, voire de certaines villes ou régions. Pourquoi aller vers le récit quand le discours pourrait faire l’affaire ? Pour emporter la conviction, faire de l’événement une histoire dont une subjectivité serait porteuse, mais une subjectivité ici nécessairement double (la visible et l’invisible). Et par ailleurs, ainsi chez Fayner, le discours et les documents ne sont pas interdits, au contraire : l’essai envahit le roman. Les rapports entre personnage et narrateur, plutôt singuliers si on les compare à ceux généralement entretenus dans le cadre autobiographique, compliquent encore l’expression de cette subjectivité inscrite dans une tranche de vie, une parenthèse spatiale et temporelle qui ne manque cependant pas de dévoiler ce qu’on pourrait appeler le « hors-parenthèse ». En suivant le parcours du personnage central, qui joue sur l’existence d’un devenir-type mimant des manières de vivre et des situations au sein d’une vie 23elle-même jouée, on peut relever, classer, hiérarchiser les éléments qui le rattachent irréductiblement à sa véritable identité, à la vie qui lui appartient. On pourrait penser que l’objet des enquêtes, le biographique des autres, laisse à ce personnage un espace minimal dans la narration, mais c’est loin d’être toujours le cas. Le succès du Quai d’Ouistreham d’Aubenas auprès du public a surpris, mais il vient pour partie probablement de l’importance que ce récit d’immersion accorde aux détails de la vie de tous les jours de la protagoniste en particulier, comme aux petits faits vrais qui suffisent à brosser l’essentiel des relations de pouvoir et de la subordination des autres et de soi : le réel y est comme nu, le vécu et son ressenti transpirent dans le texte, ce qui donne plus de force à un témoignage qui se refuse au commentaire. Ce succès s’explique aussi par le fait qu’Aubenas a réussi – à l’aide des moyens traditionnels que sont par exemple l’art du suspense ou celui des transitions – à créer un personnage et une histoire dont le lecteur veut connaître la couleur et la fin. Dès lors, aurait-on lu Aubenas pour de « mauvaises » raisons ? C’est la question qu’elle-même paraît parfois se poser. L’entreprise de François Bon est comparable à la sienne sur plusieurs points, dont l’un est essentiel : la volonté de dire le réel, le projet de restituer la vie, et rien d’autre. Mais ceci se fait ici dans le cadre de ce qui est explicitement un roman (auto)biographique (centré sur le narrateur, comme chez Fayner, et non sur le personnage comme chez Aubenas), roman consécutif à une pièce (celle-là uniquement biographique, le travail d’écriture et de « restitution » se situant dès lors à deux niveaux différents) ; roman contraint pourtant, et ce par son respect des blocs de réel qu’il charrie. Les conclusions de Jaccomard soulignent que l’analyse peut trouver dans le dispositif de focalisation un instrument utile pour explorer le genre du récit d’immersion.
La troisième partie regroupe des textes qui s’interrogent sur les représentations de l’existence et de l’expérience en poésie ou en prose. Comment redonner vie aux Idées qui parsèment le Logos, se demande Anne Mounic, sinon par une dialectique existentielle ? Il semble que partir de la mimesis soit nécessaire, comme est nécessaire pour sortir de la contrainte dualiste qu’elle présuppose et revenir à l’Un la postulation d’une absence de rupture entre œuvre et vie – postulation donc d’un lien que l’affirmation de la présence d’un sujet pourrait assurer. C’est par une lecture de l’esthétique du vivant chez Baudelaire qu’Anne Mounic 24cherche à mieux circonscrire ce lien. L’art de l’esthétique du vivant reposerait sur une énergie apte à transformer la matière inerte (comme cette chambre qui devient double) ou à donner au vivant une actualisation esthétique ou une fin (détournée ou non, comme pour ce rat vivant qui devient joujou) ; il s’agirait de donner le spectacle d’une vie en soi aux yeux de qui pourrait dès lors la regarder, l’entendre, la lire ou d’une manière ou d’une autre l’éprouver. Une énergie féconde, liée à une joie souveraine de créer, productrice de devenir, ou à même de faire renaître une vie antérieure. L’ironie, l’envie, les relations de pouvoir et toutes les formes de mise à distance menaceraient la magie de son apparaître et les paradis, les correspondances, les harmonies qu’elle suscite (et cette dernière trilogie n’est pas exclusivement baudelairienne). Née d’un langage qui l’animant la fonde, jaillissant vers le destinataire de l’œuvre qu’elle enveloppe de ses prestiges, l’esthétique du vivant s’inscrit dans un mouvement général de retour sur soi, et c’est dans ce mouvement vers un supplément de subjectivité que le continuum vie-œuvre prend sens, que l’appropriation sous les mots des choses et des êtres, voire du temps et de l’espace eux-mêmes, se dessine. Si le signe fait obstacle, il faut dans une certaine mesure regarder sous le signe, se rendre sensible à la tension qui anime ce qui sous le manteau du signe tend à se figer mais n’est pas encore figé. Cela suppose donc, de la part de l’auteur, du lecteur, du spectateur, de l’auditeur (instances qui peuvent se croiser et interagir), un certain travail où les sens doivent être préparés et entraînés à saisir et retenir dans les rets de leurs mémoires le sens de ce qui dans l’œuvre est tension vers l’œuvre. Dès lors, au-delà des ruptures et des oppositions engendrées par la mimesis, le monde (re)naît de l’œuvre, la parole du langage ; le bleu de la mer devient pleinement, intensément mer, l’esquisse du mouvement d’un bateau devient perception de vie aussi bien que métaphore de la vie, à une harmonie une autre répond.
L’idéal des artistes préraphaélites n’est après tout pas si éloigné de celui de Baudelaire : en somme, il s’agit toujours, dans une perspective qui reste romantique, de lier l’œuvre à la vie par la présence d’un sujet qui puisse éprouver par les sens l’incarnation physique et spirituelle de l’œuvre. La différence, montre Raphaël Rigal, se situerait sur le plan du ressenti, dans un va-et-vient entre les états opposés (mais non contradictoires) qui sont générés par l’œuvre dans son géniteur ou son destinataire quand elle tend vers elle-même, en tant que phénomène 25appréhendé dans le jaillissement originel de son apparaître. Ainsi, dans un tableau, un corps ne serait qu’une actualisation d’ailleurs partielle de l’intensité de ce phénomène pris dans son ensemble : soit ce qui reste de la vie ; et en ce sens l’artiste serait celui qui produit des restes de vie. Retour de l’anima, du pneumos ? De la parole avant qu’elle ne soit figée dans l’éternité du mot ? À tout le moins, intersection entre deux mondes, celui (nouveau) de l’œuvre et celui (ancien, toujours-déjà-là) du vivant, intersection à la fois permise et limitée par la médiation qui les unit – cette médiation, qui fait l’objet de commentaires de la part de Rossetti, ne pouvant être réduite que de quelques degrés (ainsi par l’utilisation de techniques moins développées, par une distanciation moindre), et non pas absolument. Les commentaires de Rossetti portent sur le pouvoir (ou l’impuissance) de (re)créer, voire de « garder » si peu que ce soit de la réalité, et par exemple du corps lui-même considéré comme chez Rossetti comme une médiation de l’âme. La solution serait-elle de défaire l’unité du corps et de l’âme dans la représentation ? Car même si cela pourrait conduire à un aveu d’échec (l’impossibilité de représenter l’Un dans sa totalité), ainsi il serait a priori plus aisé de montrer l’un comme l’autre, chacun de leur côté, et les rapports qui les unissent et les distinguent. En particulier par un dépouillement systématique dans la manière de créer, à la lisière du fantasme d’un art paradoxalement nu, on pourrait alors atteindre quelque chose de l’essentiel, dans une quasi-immédiateté. Mais il serait alors requis que quelque chose passe autrement de la vie à l’œuvre, de sensation à sensation, d’émotion à émotion. Il reste que tel qu’il est représenté dans l’œuvre, le couple âme-corps dans son unité dit quelque chose de la vie qui est loin d’être indifférent, indique au destinataire des chemins pour sa propre recherche, et fait prendre conscience à l’auteur de la nécessité d’une communication qui, au-delà de la simple technique, se fasse sur le contenu sensible de ce qui est communiqué.
L’ambition de Valéry dans ses Cahiers ne peut être la même. Il s’y attelle à réfléchir sur la notion de vie, son origine et son évolution, ou bien use d’analogies biologiques pour parler de son entreprise, les idées contenues dans les notes des Cahiers s’apparentant dans cette perspective, comme le montre Linda Rasoamanana, à des germes transmis au lecteur. Valéry fait des expériences, observe, commente, discute, fasciné par ce qui est invisible à l’œil nu, conscient des limites imposées au biologiste, 26soucieux de ne pas mélanger science et métaphysique. Sa manière de vivre et de travailler est aussi l’objet de son observation. Les questions de définition et d’origine du vivant retiennent particulièrement son attention, et, signe de son temps peut-être, il donne aux interactions du vivant avec son milieu comme aux notions d’énergie et de mouvement une place primordiale. Là encore probablement inspiré par les débats de son temps, il ne cesse de comparer les opérations et fécondations de l’esprit et de l’intelligence à celles de la vie et du corps, et ces comparaisons lui servent aussi à explorer la genèse de son écriture, à s’interroger sur l’efficace de sa poétique et la germination et sélection de ses idées. Cette réflexion n’est pas séparable d’un souci ayant trait à la réception des textes et idées des Cahiers par le lecteur potentiel, lecteur dont l’image projetée par les Cahiers ressemble largement à Valéry lui-même, ou à son portrait en lecteur. Dans ce cadre, l’édition « anthologique » des Cahiers dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade par Judith Robinson-Valéry, si elle peut faciliter la lecture, ajoute une médiation à la linéarité chronologique originelle de l’écriture de l’auteur. Ce faisant, elle brouille les pistes de la genèse de l’écriture sans toutefois porter atteinte à la transmission des germes idéels, parfois mis en texte dans des fragments courts, des blocs qui retiennent la vie intellectuelle qui les irrigue, et qui appellent un travail de lecture créative. Valéry porte ce travail de transmission très haut, et on peut opposer l’estime qu’il en a à la sévérité bien connue dont il témoigne à propos de l’illusion romanesque de vie.
C’est une tout autre relation du langage à l’expérience que Simon Stawski étudie chez l’avant-garde surréaliste des années 1920-1930, en prenant la parole de Desnos comme point de départ – relation où le rêve d’une transparence retrouvée s’oppose à la distance générée par la mise en texte. Où l’on retrouve une méfiance envers le signe qu’un Baudelaire, on l’a vu, entretenait déjà, et une attention à la présence de la parole vivante, dans son immédiateté, en-deçà de la trace qu’elle peut laisser, si travaillée et si belle soit-elle : lutte entre le « grammatologique » et le « pneumatologique » qui organisera le débat sur la poésie jusqu’à aujourd’hui, avance Stawski. Comme si ce qui disparaissait ainsi, dans le rapport avant-gardiste de la littérature à la vie et à son souffle, était la littérature dans sa définition originelle d’inscription, de trace écrite, au profit d’une revalorisation de ce qui vient et reste de la vie, d’une 27forme d’expérience. Cependant, comment partager cette expérience sans la coucher par écrit, comment mesurer la fidélité (ou l’infidélité) inhérente à cette « coucherie », comment garder dans l’écrit le vivant de la parole, telle qu’elle se transmet d’un guide à ses disciples ? Et dès lors que transmettre, et que transmettre en priorité, si l’on considère par exemple qu’un journal intime inédit et posthume peut apporter plus qu’une œuvre travaillée, achevée, mais qui d’une manière ou d’une autre fausserait le rapport à l’expérience originaire, que celle-ci soit d’un sujet en position de maîtrise ou d’un archipel d’îlots-réceptacles à la limite du statut de sujet ? Et qu’implique ce renversement pour le statut de l’écrivain, et la reconnaissance sociale attachée à ce travail dont parfois il fait son métier, si (presque) toutes les expériences se valent ? Dans cette perspective, la seule urgence de transmettre quelque chose à quelqu’un déterminerait le choix de l’écriture, au-delà de toute considération esthétique, au-delà de toute finalité autre que cette transmission. Et derrière l’expérience c’est bien la vie, le vécu que le courant majeur du surréalisme veut laisser jaillir, alors que pour d’autres l’expérience est de l’ordre de l’épreuve y compris comme obstacle à la vie. Dès lors, comment transmettre sans trahir, tel un disciple initié la pensée de son maître, la totalité pure de l’expérience telle qu’elle est éprouvée par une instance quelconque ? Faut-il abandonner la linéarité au profit de la figuration ? Il semble en fait que l’expression puisse tendre vers des formes de traduction codant, décodant et recodant le plus parfaitement possible le matériau de l’expérience – jusqu’aux cris, chuchotements, vagissements et incantations qui la parsèment et peuvent la constituer. Elle peut aussi mêler la littérature aux autres arts, du dessin à la photographie ou au cinéma : mais une telle démarche pourrait aussi être pour la littérature un aveu d’échec.
Peut-être faut-il chercher dans la parole vive de l’Écriture elle-même la possibilité d’une expression fidèle, immédiate de l’expérience, ou plus exactement la croyance à celle-ci ? Mais pour être touché par ce en quoi l’esprit anime la parole sous la lettre, ne faudrait-il pas que le lecteur lui aussi soit un fidèle ? Pas nécessairement. Tout roman peut jouer efficacement sur les « vies » de la parole et celles de l’écrit, et tout lecteur peut apprécier ce jeu. Édouard Marsoin, inspiré par les travaux de Paul Ricœur et d’Antoine Compagnon, démontre que Go Tell It on the Mountain, un roman de James Baldwin sur une communauté religieuse pentecôtiste 28du Harlem de l’entre-deux-guerres, est tout entier bâti sur la présence du texte sacré ; le travail sur les citations (et particulièrement les citations lexicalisées) de l’Écriture suffirait à rendre ces citations vives, comme on parle (Ricœur) d’une métaphore vive. En fait, la matière même du roman, et jusqu’à l’existence des lieux, des personnages et des manières de vivre qu’il dépeint, devient rappel symbolique de l’Écriture, et est structurée par sa présence et ses règles, jusque dans les codes employés pour certaines descriptions. Retour aux vies de saints écrites au Moyen-Âge ? Non certes, mais cadre éthique aussi bien que poétique. Les citations (dans lesquelles il faut inclure les prénoms qui eux aussi renvoient à l’Écriture) ont, dans le roman comme dans le discours religieux où elles forment par exemple l’essence des sermons, une valeur performative qu’elles partagent avec les prières, elles-mêmes souvent serties de citations, et elles aussi lieux d’un équilibre ou d’un déséquilibre entre lettre et esprit. On pourrait se demander si la citation, même vive, ne gomme toutefois pas, particulièrement en ce qu’elle est engagée dans un discours à la fois contraint et contraignant, quelque chose de ce qui n’est pas elle, soit par exemple les manifestations de l’extériorité. Et le non-citationnel ne serait-il pas le signe d’une émancipation qui laisserait le flux de la vie percer de ses rayons les grilles des codes ? Mais c’est plutôt l’usage des citations que le roman de Baldwin problématise en montrant par exemple comment, y compris dans la prière, on peut redonner vie à une citation « morte » ou usée (comme une métaphore est usée), qu’elle soit devenue outil rhétorique ou employée dans un esprit inapproprié, ou encore comment on peut la faire sienne, parfois en la transformant. Et le réseau formé par ces citations vives s’inscrit dès lors dans l’espace ouvert d’un affranchissement des règles qui ne respectent pas l’esprit des textes, et dévoile une autre manière de vivre, vita nova signifiée, mise en texte par la poétique de la citation vive.
Une autre manière de vivre, une autre vie, mais telle qu’elle peut se projeter, contre le présent, jusque dans l’avenir. Le roman est aussi ce qui, pour Milan Kundera et Imre Kertész, offre des modèles, des possibilités d’existence. L’analyse de Mélissa Fox-Muraton suit pas à pas leurs efforts pour montrer ce que l’Histoire (en particulier en ce qu’elle eut de dramatiquement totalitaire de l’autre côté du rideau de fer, mais aussi dans ses déclinaisons modernes en général) peut enlever, dérober au présent de l’existence, et leurs tentatives pour inventer dans le roman 29et par la distance et la liberté qu’il offre une existence qui serait libérée de ses chaînes. Là où l’Histoire a échoué, ils font le pari que le roman peut réussir. Mais quel roman ? Un roman qui puisse apporter ce qui manque : un sens, la liberté, une finalité individuée. Un roman qui soit aussi politique de la vie, reconquête du sujet, ou plus précisément de ce qui dans le sujet a été nié et réduit au silence. Un roman qui prend pour repoussoir ce qui nie la vie. Dans les œuvres des deux auteurs l’on peut aisément voir ce qui n’est pas la vie telle que chacun peut l’espérer ; il s’agit donc de construire une vie qui soit résistance à ce qui n’est pas elle, en construisant un roman qui soit totalement étranger aux codes et aux systèmes imposés par ce que l’Histoire peut avoir de tyrannique, et qui soit à même de critiquer ces codes et ces systèmes, en donnant au lecteur l’image d’un droit à une existence autonome. L’œuvre devient ainsi préparation à l’existence, invention d’une nouvelle vie par un roman nouveau. Dès lors l’on comprend que dans le roman s’accomplit avant tout une recherche de soi, aussi bien au niveau de la lecture qu’à celui de l’écriture. Et ce roman est aussi, nécessairement, le lieu d’un partage, d’une véritable communication, d’un vivre-ensemble dont Kundera comme Kertész soulignent le caractère vital. Des situations, des doubles de l’auteur, des clés d’interprétation, des morceaux de vie charriés par les œuvres littéraires qui ont précédé, des expériences : tout cela circule, tout cela est transmis. Tâche difficile, mais récompensée par le passage d’un peu d’une vie dans une autre.
Christophe Ippolito
Georgia Institute of Technology
Écritures (EA 3943)
1 Gaston Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective (1938), 10e édition, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1977, p. 154. Dorénavant F.
2 F, p. 155. Sur la notion de valeur, voir l’article de Jean-Louis Cabanès, « Les valeurs du vivant au tournant des xixe et xxe siècles », Romantisme, no 154, 4e trimestre 2011, p. 105-122.
3 Cf. Julien Gracq, En lisant en écrivant, Paris, José Corti, 1980, p. 54 et p. 67.
4 Pour une perspective bibliographique sur la question, on peut se reporter à la bibliographie critique générale sur l’usage de la notion de vie en littérature située en fin de volume, bibliographie qui elle-même n’est qu’indicative et ne prend en compte qu’une sélection d’ouvrages, et ce uniquement parmi ceux qui sont cités dans le volume.
5 Cette question reste controversée. Sur les récentes controverses relatives aux sens de ces deux termes, voir la mise au point de Laurent Dubreuil, « De la vie dans la vie : sur une étrange opposition entre zôê et bios », Labyrinthe, no 22, 2005, p. 47-52.
6 Pour une analyse plus systématique de l’évolution historique de la notion fondée sur un recours aux textes essentiels qui ont jalonné cette évolution, d’Aristote à Darwin en passant par Descartes ou Lamarck, on pourra consulter l’ouvrage d’André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1993.
7 François Jacob, La Logique du vivant. Une histoire de l’hérédité (1970), Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2006, p. 42-43, 106. Dorénavant LV.
8 Cf. Louis Pasteur, Écrits scientifiques et médicaux, éd. André Pichot, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1994, p. 162-171.
9 François Jacob, « Qu’est-ce que la vie ? », Qu’est-ce que la vie ? (Université de tous les savoirs, vol. 1), éd. Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 19.
10 Cf. notamment « Troisième dissertation : Quel est le sens de tout idéal ascétique ? », Friedrich Nietzsche, La généalogie de la morale, trad. de Henri Albert, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1964, p. 141-246, et l’interrogation sur « la vie contre la vie » (p. 180).
11 Cf. notamment Martha Nussbaum, Love’s Knowledge. Essays on Philosophy and Literature, Oxford, Oxford University Press, 1990 ; Frédéric Worms, Bergson ou les deux sens de la vie : étude inédite, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2004 ; Jacques Bouveresse, La Connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité & la vie, Marseille, Agone, coll. « Banc d’essais », 2008 ; Manuel Mauer, Foucault et le problème de la vie, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « La philosophie à l’œuvre », 2015.
12 Maurice Blanchot (sur Antonin Artaud), cité in Jacques Derrida, « La parole soufflée », L’écriture et la différence (1967), Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points », 1979, p. 255.
13 Romantisme, no 154, 4e trimestre 2011. Gisèle Séginger a assuré la coordination de ce numéro sur le vivant. Contrairement au nom « vie », le substantif descriptif « vivant », à valeur neutre, qui désigne selon le Trésor de la langue française informatisé « ce qui a les caractères spécifiques de la vie » (par opposition à l’inanimé), continue aujourd’hui comme l’adjectif qui lui correspond à être couramment utilisé en biologie.
14 Cf. Gilles Deleuze, « La littérature et la vie », Critique et clinique, Paris, Éditions de Minuit, 1993, p. 11-17. Le titre de ce livre est une façon de rendre hommage au travail de Deleuze sur la notion de vie.
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- ISBN: 978-2-406-06743-6
- EAN: 9782406067436
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06743-6.p.0007
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-02-2018
- Language: French