![La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (XVIIe-XVIIIe siècles) - Introduction à la troisième partie](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/LszMS01b.png)
Introduction à la troisième partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (xviie-xviiie siècles)
- Pages : 311 à 313
- Collection : L'Europe des Lumières, n° 90
Introduction
à la troisième partie
Si la coquette, personnage spectaculaire, trouve sa fortune littéraire d’abord au théâtre, elle est aussi représentée dans ce vaste territoire encore à explorer, la littérature narrative qu’il s’agisse d’apologues, de récits, de nouvelles ou d’histoires, de contes féeriques ou galants et enfin de romans. Si nous avons répertorié dans le domaine théâtral, de petites et grandes coquettes, des coquettes de ville et des coquettes des champs, des coquettes néophytes, expérimentées ou pédagogues, des coquettes fixées ou repenties et des coquettes en herbe ou sur le retour, dans le récit d’autres nuances de coquettes et de coquetterie sont décelables. Nous avons choisi de les répertorier par sous-types dont nous tenterons de définir et d’analyser les invariants. Quel titre pouvait convenir le mieux à ce troisième temps de l’analyse ? « Palette de coquettes » pour souligner l’irisation de la coquetterie et le nuancier de coquettes ? Ou plutôt « Académies de coquettes » pour montrer combien chaque sous-type de coquette constitue une société de coquettes particulières avec ses lois, ses règles et ses codes, ses valeurs et ses mœurs, son esthétique et son éthique, sa sémiotique et sa rhétorique.
La figure de la coquette rayonne aussi en Haute et Basse romancie. La taxinomie des types féminins s’infléchit au fil du siècle. Au fond, il est toujours question de prudes et fausses prudes, de galantes et de coquettes, de précieuses et savantes. Mais les schèmes du féminin épousent la courbe des mœurs, se colorent d’esthétique rococo, s’imprègnent de libertinage. Les coquettes chez Crébillon fils, dans La Nuit et le moment ou Le Hasard au coin du feu ou dans Les Bijoux indiscrets de Diderot sont de petites-maîtresses. Elles résistent un temps, pour la forme, et leur figure ne répond plus à ce qui faisait l’essence du type : son oscillation entre le oui et le non qu’expliquaient à la fois la détermination socio-culturelle, attachée à la pudeur et à la vertu des femmes mais aussi les 312mécanismes psychologiques du personnage, régi par l’amour-propre. Peut-être s’agit-il en fait d’un glissement, d’un nouveau dosage des traits définitionnels des types féminins. Ainsi, plutôt que de parler de coquette dans le roman libertin, il faudra parler de « galante » faisant preuve de coquetterie pour attiser le désir de petits-maîtres blasés. Une madame de Lursay dans Les Égarements du cœur et de l’esprit de Crébillon fils, une marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos savent user de coquetterie respectivement avec Meilcour ou Danceny. La femme tendre et naturelle, héritière de la Princesse de Clèves et sœur de la Julie de Rousseau dans la deuxième moitié du siècle, fait preuve de coquetterie inconsciemment ou consciemment. La Marquise de M* dans le roman épistolaire monodique de Crébillon fils, Lettres de la marquise de M* au Comte de R*, la Présidente de Tourvel se font coquettes pour attiser le désir de leurs amants. Et à l’opposé, une courtisane saura user de coquetterie mais en inversant les signes : la femme tendre, quand elle se fait coquette, se rend désirable quand la courtisane se fera pudique et ingénue. Toujours sur la scène romanesque, la coquette s’arme de malfaisance, « fieffée coquette » chez Prévost dans Le Philosophe anglais et Le Doyen de Killerine, redoutable intrigante dans L’Amour plus fort que la nature de madame Gomez, dans La Jolie Femme ou La Femme du jour de Thomas Barthe, l’Histoire du marquis de Cressy de madame Riccoboni, l’anonyme Coquette punie et dans Malvina de Sophie Cottin.
Dans les années 1780, la coquette est toujours présente chez un Mercier dans son Tableau de Paris mais son type s’estompe comme s’il était arrivé en fin de vie. Il s’embourgeoise et se sentimentalise au théâtre, il opère dans les marges du récit et les honneurs actanciels reviennent au personnage de l’épouse, de la femme tendre ou de l’ingénue. Pour exemple, l’anonyme La Coquette punie trompe sur son titre : l’héroïne est la sage Sophie, sœur et rivale de la coquette, reléguée aux utilités. Le titre profite du succès de la coquette mais dévie par rapport à son cahier des charges. Le type de la coquette dans la comédie se définit par ses vocations esthétique et mondaine, son narcissisme et son goût de plaire, son art de la séduction et sa dérobade amoureuse. Ce programme topique sera-t-il toujours respecté dans la littérature narrative ? Quels topoï seront accentués ou infléchis en fonction du genre romanesque. Pour exemple, la théâtralité de la partition coquette s’accordait parfaitement 313au genre de la comédie et donnait lieu à des scènes de comédie dans la comédie, de comédie en abyme. Le genre romanesque ne va-t-il pas profiter au topos de la coquetterie de parure, aux descriptions de toilettes de coquettes ? D’autre part, le sous-genre des mémoires ou pseudo-mémoires va permettre de pénétrer les consciences de coquettes et d’en apprendre plus sur leur psyché.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-16749-5
- EAN : 9782406167495
- ISSN : 2258-1464
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16749-5.p.0311
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/07/2024
- Langue : Français