![La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (XVIIe-XVIIIe siècles) - Introduction à la première partie](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/LszMS01b.png)
Introduction à la première partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (xviie-xviiie siècles)
- Pages : 31 à 32
- Collection : L'Europe des Lumières, n° 90
Introduction
à la première partie
Une épaule ronde qui se devine dans les intermittences d’un négligé fripon ; une main délicate qui, tout en redressant négligemment une coiffe impertinente, amène un bras charmant ; un pied menu qui dévoile sa cambrure au bas d’un jupon mutin ; des cheveux châtains qui se libèrent d’une sage cornette. Telles sont quelques esquisses de la coquette, type socio-littéraire enraciné dans un riche terreau d’archétypes du féminin, bourgeonnant au xviie siècle et florissant au siècle des Lumières.
La figure de la coquette est fille d’Aphrodite, née des gouttes de semence d’Ouranos lors de sa mutilation par Chronos (La Théogonie d’Hésiode), déesse de la Beauté et de la Séduction. Elle est aussi nièce de Narcisse, petite-fille de Diane, sœur des Amazones, disciple de Marie-Madeleine. Femme au miroir, elle est mise au ban de la morale : sa coquetterie est vilipendée comme une œuvre du mal. Elle est la cible de la virulente condamnation des Pères de l’Église et des prédicateurs dans des sermons glaçants tels le Tableau des piperies des femmes mondaines (1632), le Traité contre le luxe des coiffures (1694) de l’abbé Vassetz ou le Traité contre l’amour des parures et le luxe des habits (1780) de l’abbé Gauthier. Le type de la coquette est déjà très présent au xviie siècle, qu’il s’agisse de contes de fées, de romans précieux, de fables ou de maximes et réflexions de moralistes tels La Bruyère ou La Rochefoucauld, Boileau ou madame de Pringy. La coquette est associée aux types de la Précieuse, de la Galante et de la Prude. Critiquée ou encensée, elle ne laisse pas indifférente et sa fortune socio-littéraire est grandissante.
Fascinante, elle fait le bonheur du genre théâtral notamment chez le jeune Corneille dans Mélite ou La Place royale. Personnage spectaculaire, la coquette est en effet une comédienne assumée, maîtresse des signes et des signifiants et nous montrerons sa fortune scénique sur les tréteaux de la comédie dans la deuxième moitié du xviie siècle de la délicieuse et 32acide Célimène dans Le Misanthrope de Molière à la pétillante Colombine de Regnard dans L’Académie des dames. Associée aux types de la Joueuse et de la Parisienne, elle fait aussi la fortune des comédies de Poisson, de Dancourt et de Biancolelli.
Mais avant de faire la connaissance de cette figure réjouissante et merveilleuse du Grand Siècle, il conviendra de procéder à un effeuillage sémantique des promesses étymologiques du terme coquette et à une analyse diachronique et synchronique de ses définitions. Une silhouette se dessine, une fleur de salon charmeuse et charmante, badine et mutine. Une légende est née.