![La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (XVIIe-XVIIIe siècles) - Conclusion de la troisième partie](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/LszMS01b.png)
Conclusion de la troisième partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (xviie-xviiie siècles)
- Pages : 439 à 440
- Collection : L'Europe des Lumières, n° 90
Conclusion
de la troisième partie
Des questions restent en effet en suspens après ce tour d’horizon des romans de coquette. La coquetterie est-elle innée ? N’est-elle pas encouragée par l’éducation des fillettes et conditionnée par la société ? D’autre part, cette coquetterie se limite-t-elle à un art de la parure, à une coquetterie de séduction, de manège et de parade ? Le personnage ne peut se résumer à une surface clinquante de signifiants coquets. Que recherche profondément la coquette ? Quel est son conatus ? Georg Simmel a saisi le « jeu instable entre le oui et le non », le balancier entre la promesse et le refus qui fait l’essence de la coquetterie et que nous avons retrouvé actualisé chez toutes les coquettes, petites et grandes. Une coquette galante offre une résistance de façade et son hésitation une concession au jeu mondain de pure forme. Jean Claude Bologne (Histoire de la coquetterie masculine) distingue trois coquetteries, de séduction, de comportement et de parure. Au cours de cette partie, d’autres facettes de la coquetterie nous sont apparues chez ce personnage kaléidoscopique, la clef de voûte de la coquette étant assurément l’amour-propre et ses satellites le narcissisme, l’orgueil et la vanité. Les mobiles de la coquetterie se sont dessinés : désir sensuel et vital de plaire, goût de la parure, narcissisme, désœuvrement ou ennui, contagion ou influence du milieu, rivalité mimétique avec les autres coquettes, nièce, fille ou autres mondaines ou guerre de pouvoir contre les petits-maîtres et libertins, ambition et volonté de puissance, désir d’indépendance, vengeance, peur des autres femmes, des hommes, de la sexualité, de la maternité, de la vieillesse, de la solitude, de la mort, enfin de soi-même. D’autre part, mises à part chez quelques romancières, mesdames Gomez, Genlis, Riccoboni, Benoist, Méheust, Cottin, la coquette est une construction dont l’auctorialité est masculine. Les discours nuancés qui construisent ce type de personnage captieux ne sont pas neutres. Ils réfléchissent une 440réflexion sociopolitique (Montesquieu), philosophique (Rousseau), un esprit satirique (La Morlière, Crébillon fils, Barthe). Mais les narrateurs et leurs auteurs (Rousseau, Marmontel) se laissent charmer par leurs modèles et créatures fictives. La coquette même dangereuse, parce que dangereuse, a le charme d’une sirène et d’une sphinge.
Avant de répondre à ces questions en étendant notre corpus des traités d’éducation des Lumières, des essais philosophiques qui permettront de réfléchir à une anthropologie du féminin et de la coquetterie, problématique qui relève du débat épistémique et épistémologique sur nature et culture, innéisme et empirisme, laissons enfin la parole aux coquettes marivaudiennes qui constituent une société à part dans le royaume de la coquetterie et à Marivaux qui a fait de la coquette un mythe personnel. Le personnage de la coquette trouve en effet son acmé dans son œuvre tant dans ses œuvres de jeunesse, ses journaux, son théâtre et ses romans-mémoires. La plus grâcieuse des coquettes et la plus belle de ses inventions est la jolie Marianne qui fait de la coquetterie une éthique et une poétique. Le regard de Marivaux de ses premiers journaux sur la coquette est plutôt critique. Mais au fil de sa fréquentation, il va tempérer sa critique, l’humaniser et l’approfondir. Sa pensée comme ses personnages ne répondent pas une esthétique fixiste mais à une perspective évolutionniste. Ses caractères de coquette évoluent ; ils sont une matière vivante même si nous allons rencontrer aussi des poupées aux yeux d’émail et des automates. La coquette est une métaphore obsédante dans son œuvre. Elle est aussi essentielle à son marivaudage que les notions de surprise et d’épreuve. Marivaux, précieux confident de la coquette, a su pénétrer ses secrets, écouter le battement de son cœur et faire entendre le vibrato de son inquiétude qu’il est temps de faire résonner.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-16749-5
- EAN : 9782406167495
- ISSN : 2258-1464
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16749-5.p.0439
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/07/2024
- Langue : Français