Conclusion de la première partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Coquette. Naissance et fortune d’un type sociolittéraire (xviie-xviiie siècles)
- Pages : 209 à 210
- Collection : L'Europe des Lumières, n° 90
Conclusion
de la première partie
En cette fin de siècle, le type de la coquette est arrivé à maturation. Les coquettes de la comédie du soleil couchant et les coquettes du théâtre italien sont incarnées par des jeunes filles, de condition bourgeoise, et par leurs suivantes, Colombine et Isabelle. Elles associent la légèreté et la ruse, la frivolité et le calcul, le charme et le cynisme. La coquetterie des personnages féminins est agissante et témoigne de leur force de caractère et de leur volonté d’indépendance. Mais la menace de ce pouvoir au féminin, de l’agentivité de la coquette, est régulée par le rire cathartique. La coquetterie comme voie d’émancipation de la femme et instrumentalisation du masculin est avancée par les auteurs de théâtre mais vite désamorcée.
Le type de la coquette séduit les esprits par sa plasticité étonnante, se pliant aux genres, romanesque, argumentatif ou théâtral, s’adaptant aux mouvements précieux, classique et bientôt rococo, reflétant l’air du temps, galant ou cynique, quittant les salons aristocratiques pour contaminer les maisons bourgeoises et les antichambres. Loin d’être un caractère figé, il s’inscrit dans une perspective évolutionniste. Il est essentiellement l’objet d’un discours masculin, qu’il soit ridiculisé, analysé ou défendu.
Parmi ses invariants à des degrés nuancés figurent l’amour de la parure et le goût du luxe, la recherche des plaisirs et des divertissements, le plaisir de rayonner en société et de régner en sa cour par son esprit, le désir de plaire aux hommes et le goût de la séduction, l’art de mener plusieurs engagements sans en satisfaire aucun, le narcissisme, la parade des mines, le talent de comédienne, le refus de l’amour, le désir de s’émanciper et la volonté de puissance. L’essence du personnage est l’amour-propre et son mode opératoire est l’oscillation entre la promesse et l’esquive.
210La coquette n’est pas une et son type connaît des variations selon les époques, les genres, les sensibilités des auteurs, des nuances de raffinement et d’élégance, de médisance et perfidie, de préciosité et de pédantisme, d’inconstance et de légèreté, de galanterie ou de refus de l’amour, de cupidité et de cynisme. Au verso de la coquetterie blanche, sous le domino de la coquette, sourd une inquiétude, la hantise de l’ennui, la peur de vieillir, l’ombre portée de la coquetterie noire.