Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Invention de la vie privée et le modèle d’Horace
- Pages : 467 à 473
- Collection : Rencontres, n° 261
- Série : Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne, n° 93
Résumés
Marie Ledentu, « Horace et le discours autobiographique. L’empreinte littéraire de l’histoire politique des années 40-30 av. J. C. »
Cet article décrit la figure de l’Horatius priuatus comme une construction non dépourvue d’ancrages historiques, politiques, idéologiques. Il situe Horace dans son contexte, c’est-à-dire dans l’histoire littéraire et politique des années 40-30 av. J. C., période de crise qui porte en elle les mutations à venir du Principat augustéen et une nouvelle manière pour les auteurs d’être dans la cité et de penser leur rapport à l’espace public.
Alain Deremetz, « Horatius personatus »
À l’objectif posé d’une mise en question « de la figure très particulière d’homme et d’auteur qu’Horace incarne dans ses satires », il est montré ici que le poète conforme sa persona à celle qu’exige le genre et que les différentes images de soi qu’il donne sont chargées d’implications poétiques : elles varient en fonction des genres pratiqués au point que l’identité de la personne qu’elles recouvrent, avec le genre de vie qu’elle pratique, a toutes les chances de nous échapper.
Emily Gowers « Rus in urbe : l’intimité urbaine dans la poésie d’Horace »
Horace est un poète mystérieux, qui semble ouvrir une porte sur sa vie privée mais en effet la ferme brusquement. Il préfère se représenter dans les lieux semi-privés : les jardins, les wagons fermés, les bureaux, les portiques. Les normes d’intimité romaines sont constituées par des zones protégées de l’inspection publique. Mais enfin Horace indique que c’est seulement dans les interstices de la cité, au milieu des lieux publics ou de commerce, que l’idéal de disparaître reste possible.
468Mario Citroni, « Images de la vie privée dans les Épîtres d’Horace. Ambigüité d’un modèle éthique »
La forme de l’épître implique l’image d’un poète écrivant dans une solitude méditative et donc dans des conditions qui paraissent les plus appropriées à la représentation de son univers personnel. Les épîtres d’Horace comportent en effet de nombreux éléments d’un portrait complexe et même contradictoire des états d’âme de l’auteur (ou plutôt du personnage de l’auteur) et de ses options morales. Il en ressort en revanche de très rares indications offrant une représentation concrète de sa vie quotidienne.
Bénédicte Delignon, « Dîner avec Mécène. Vie privée et vie publique dans les Satires et dans les Odes »
Horace fait régulièrement l’éloge de la vie privée et semble inaugurer la figure du poète retiré en son for intérieur, préférant à la vie publique la société intime de quelques amis. L’examen de plusieurs scènes de dîner avec Mécène montre cependant que la notion de vie privée ne va de soi et qu’il ne faut pas associer trop systématiquement la figure du poeta priuatus au rejet de la vie publique.
Clément Auger, « Priuatus chez Horace et dans sa première réception, échos d’un mot »
À partir des modalités de traitement du mot priuatus dans les dictionnaires de référence, cet article propose de dégager un balancement dans sa signification allant d’un sens vide (priuatus, « privé de ») à un sens plein (priuatus, « personne privée »). Il s’agit ensuite de voir comment deux commentateurs d’Horace ont travaillé le texte du poète lorsqu’il utilisait ce mot, pour le faire jouer entre ces deux pôles et le faire rendre son sens, voire pour en produire du nouveau.
Perrine Galand, « Jean Salmon Macrin peintre de sa vie privée. De l’imitation d’Horace et d’autres à l’imprévisible découverte de soi. »
Cet article interroge les fonctions de la représentation de la vie privée chez Macrin, en lien avec le modèle horatien. Il analyse d’abord l’opposition entre vie privée et vie aulique, il envisage ensuite sa peinture de la vie personnelle 469comme objet principal du discours poétique. Les odes macriniennes s’avèrent perméables aux réalités les plus précises de l’expérience humaine, au prix toutefois d’un décalage avec la codification traditionnelle des images et même des rythmes du lyrisme horatien.
Jean Lecointe, « Modèle horacien et “privatisation” de la plainte funèbre entre 1530 et 1550. Autour de La Navire de Marguerite de Navarre »
La Navire de Marguerite de Navarre (1547) s’inscrit dans un mouvement, amorcé par le Recueil de vers (…) sur le trespas du Dauphin (1536) et qui aboutit à la remise en cause du genre de la déploration, moins sans doute ici à partir d’une imitation directe d’Horace, que par la contamination du genre de la « déploration » avec celui de la « complainte », orchestrant un « privé » fondé sur le tête-à-tête de l’âme avec son Dieu.
André Bayrou, « La vie privée des serviteurs de l’État. Échos horatiens dans les épîtres de M. de L’Hospital (ca. 1506-1573) »
Après une carrière de magistrat, Michel de L’Hospital a dirigé la justice du royaume de France durant les premières guerres de religion. Sa poésie néolatine montre qu’il privilégie le service de l’État aux dépens de la vie privée, tout en valorisant les moments passés loin du pouvoir où il cultive son autonomie. Au milieu des malheurs du temps, la récriture des vers d’Horace lui offre la possibilité d’élaborer son éthique en précisant les différences et les affinités qui le relient à son modèle.
Bruno Meniel, « Les Regrets et le sermo horatien. Une poésie de l’intime »
La réception des Sermones d’Horace au xvie siècle, dont témoignent les commentaires, permet de comprendre ce que Du Bellay, qui opte dans Les Regrets pour le style bas, une inspiration qui part du quotidien, une poésie qui emprunte ses modèles au journal intime et aux lettres et qui propose un portrait de soi par petites touches, doit au poète latin. L’expérience de l’exil, de la solitude, de la déception, de la confrontation au désordre du monde, favorise la constitution d’un espace intime.
470Nicolas Lombart, « Formes et fonctions de l’autodérision chez Ronsard. Le modèle horatien »
L’article propose une étude des séquences autobiographiques orientées vers l’autodérision du Second livre des Meslanges (1559) et de quelques pièces des Œuvres (1560) de Ronsard où le poète se peint « à la manière d’un cynique ». Chez les deux poètes, l’autoportrait négatif constitue un moment d’arrêt où est posée douloureusement la question de la condition du poète. Chez Ronsard, cet autoportrait au naturel apparaît comme le noyau irréductible de ce qu’est l’être privé, posture provocatrice à l’égard du lecteur.
Marie-Claire Thomine, « Du Fail, Horace et la vie privée »
Les œuvres narratives de Noël Du Fail, Propos Rustiques et Baliverneries d’Eutrapel (1547 et 1548), Contes et discours d’Eutrapel (1585) sont irriguées d’une présence d’Horace qui se manifeste de diverses manières, citations, paraphrases, influences diffuses. La lecture du poète latin a pu nourrir chez le gentilhomme et magistrat rennais un intérêt pour la vie privée et contribuer au choix d’un style « comique et privé », selon les termes de Montaigne.
Bénédicte Boudou, « Le style mêlé dans les Histoires tragiques de la fin du xvie siècle. Boaistuau, Poissenot, Habanc, Belleforest »
On sait que le style mêlé marque profondément l’écriture de la Renaissance. La séparation des trois styles, élevé, moyen et bas, a été subvertie à la fois par la nécessité « de mélanger les trois genres » (Cicéron) et par l’institution d’une polarité entre ce qui relève du sacré et du public, et ce qui appartient au domaine du privé et du profane. Cet article, au travers de plusieurs exemples, montre que ce genre qui s’élabore invente une littérature de la vie privée, retirée loin de la ville et de la cour.
Pascal Debailly, « Lyrisme satirique et sublime de l’intime chez Horace et ses disciples »
Cette contribution s’efforce d’approfondir la relation entre le lyrisme satirique d’Horace, puis de ses disciples, et la mise en valeur de l’espace intime, en évoquant successivement la question de la persona, le corps satirique, le souci de délimiter l’espace privé et l’importance accordée au rire.
471Michel Magnien, « Horace, Montaigne, et l’“arrière boutique” »
Tout comme Horace lors de sa consultation prétendue auprès du jurisconsulte Trebatius invoque Lucilius pour justifier son besoin irrépressible de composer des vers, Montaigne, dès qu’il entend expliquer la légitimité du projet de « se peindre », projet directement suscité par la retraite de 1571, songe à Horace, cite Horace. Cet article montre comment la revendication et l’attitude horatiennes de repli ont pu influer Montaigne, voire nourrir et illustrer la défense « de son oysiveté et de sa cachette ».
Hélène Merlin-Kajman, « Le privé et l’intimité au xviie siècle doivent-ils quelque chose à Horace ? »
La célébration de la vie privée par Horace a-t-elle donné au pôle privé de l’opposition du public et du privé des inflexions, des caractéristiques particulières et repérables comme telles ? Aux xvie et xviie siècles, il y a lieu de distinguer trois termes : le privé, le particulier et l’intimité, tous trois pris dans un système d’oppositions assez délicates à démêler. La maison de campagne est un lieu privé, mais non pas intime. L’intimité s’expérimente plutôt, et se métaphorise, par le cabinet particulier.
Alessandra Villa, « L’Arioste qui voulait être Horace »
L’article se penche sur les raisons et sur les objectifs du choix, effectué par l’Arioste, de façonner son image de poète, de courtisan et d’homme sur le modèle horatien, qu’il imite, qu’il envie, mais auquel il s’oppose aussi, parfois avec ironie, parfois avec amertume. Le choix de placer cette autoreprésentation dans le cadre de la translatio de la satire antique en langue vulgaire participe de l’opération de réinvention des perspectives poétiques et personnelles que l’Arioste entame après 1516.
Clara Marias Martinez, « Imitation of Horace and the Construction of a Private Personality. A Case-Study Diego Hurtado de Mendoza’s Verse Epistles »
Cet article analyse les épîtres en vers de Diego Hurtado de Mendoza pour tenter de déterminer dans quelle mesure ils imitent la persona horatienne dans leur je poétique, ou représentent l’expérience autobiographique du poète. L’analyse porte sur l’importance de Diego Hurtado dans la réception 472des épîtres d’Horace en Espagne et sur les similitudes et différences entre ces épîtres en vers et les épîtres familières en prose du même auteur.
Anne-Marie Miller-Blaise, « Du for privé et de sa publicité. Portraits horatiens de l’artiste dans les Satires de John Donne »
Horace sert doublement de modèle à John Donne le satiriste : modèle poétique et politique. Se peindre en Horace, pour ce poète anglais de la première modernité, n’est pas tant le moyen d’inventer le privé, au sens de la personne privée, que de mettre en scène un moi intime, libre penseur, animé d’un sens de la critique comme de l’autocritique, qui garantit la mesure de ses jugements et son aptitude à intervenir un jour sur la scène publique. La conscience privée pourrait alors coïncider avec la connaissance.
Marie-Alice Belle, « Autour de la question des “communautés de lecteurs”. Discours liminaire et amicitia horatienne chez Jonson et ses contemporains. »
En retraçant la reprise du discours horatien sur l’amicitia chez Ben Jonson et autres traducteurs anglais d’Horace à la Renaissance, l’article montre comment, à l’ère de la diffusion marchande des œuvres imprimées, la construction de l’image d’auteur (et de traducteur) passe par la mise en scène de cercles d’initiés, « communautés de lecteurs » privilégiés que la traduction et l’imitation des œuvres d’Horace permettent d’élargir et de circonscrire tout à la fois.
Line Cottegnies, « Robert Herrick, un Horace anglais ? La voix du poète dans Hesperides (1648) »
Si c’est d’abord Ben Jonson qui mérite le titre d’Horace anglais, parce qu’il se réclame explicitement de lui, le recueil de Robert Herrick, Hesperides (1648), contient aussi de nombreux emprunts à Horace. Leur étude montre comment la référence horatienne permet de penser la construction de l’auctorialité dans une œuvre centrée sur le for intérieur et sur les ruines d’une culture royaliste menacée par la guerre civile, mais avec une conscience forte d’écrire pour la circulation imprimée.
473Christopher de Warenne-Waller, « Horatian Motifs in Andrew Marvell’s Poetry. Public Action and Private Retreat »
Cet article traite de l’appropriation par Andrew Marvell des motifs qui renvoient à la poésie d’Horace, comme celui du général victorieux, l’exécution d’un grand personnage et la retraite pastoral. Ces motifs jouent un rôle significatif dans les tentatives de Marvell de produire une poésie métaphysique riche et inventive. Cette poésie réussit à exprimer les subtilités de sa réflexion concernant deux personnages clés de la guerre civile qui bouleverse l’Angleterre : Oliver Cromwell et Thomas Fairfax.
Chantal Schütz, « Le Micro-cynicon de Thomas Middleton (1598). Un exercice d’imitatio trop réussi ? »
Publié en 1598, le Microcynicon de Thomas Middleton fut brûlé le 4 juin 1599 sur ordre de l’archevêque de Cantorbéry. L’œuvre s’inscrit sous l’égide d’Horace par le biais de la citation placée en épigraphe de la première de ses six satires, « Cur eget indignus quisquam, te diuite ? »
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-05915-8
- EAN : 9782406059158
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05915-8.p.0467
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/02/2017
- Langue : Français