Introduction de la quatrième partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : L’Impératif de la voix, de Paul Éluard à Jacques Ancet
- Pages : 225 à 225
- Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 80
La voix est relation1 ou plutôt fait relation : liaison et histoire. C’est pourquoi l’œuvre littéraire pleine de voix ne cesse de solliciter ses lecteurs à continuer le chemin et donc à faire chemin en voix : trouver sa propre voix en résonance avec celles que l’œuvre a promues mais aussi répondre de ces voix en approfondissant des directions ou des orientations, des utopies ou des visions, des écoutes ou des reprises. C’est en lisant que l’écriture advient et c’est en écoutant que la voix devient : les métamorphoses du chemin de l’œuvre sont ainsi celles d’un cheminement qui n’épouse pas forcément une cartographie mais qui plutôt augmente les passages d’un lieu à l’autre, d’une expérience à l’autre, d’une voix à l’autre. C’est pourquoi l’enjeu décisif d’un impératif de la voix n’est pas seulement celui d’une écoute de la voix à proprement parler mais bien l’association des voix par l’écriture et la lecture pour faire société, ou mieux encore pour transformer tous les rapports, des plus intimes aux plus extimes, des plus singuliers aux plus collectifs. Je m’y essaie avec Jean-Loup Trassard (né en 1933) et Michel Chaillou (1930-2013) qui ont accompagné « Le Chemin » de Georges Lambrichs2 chez Gallimard ainsi qu’avec James Sacré (né en 1939) et Jacques Ancet (né en 1944) qui ont souvent ouvert l’écoute vers des espaces étrangers entre voyages et traductions. Ces chemins sont alors ceux d’une démocratie des voix : d’aucuns ont pu l’appeler la République des Lettres3. Laquelle commence dans chaque chambre de lecture, dans chaque classe, séminaire ou centre de recherche, dans chaque revue ou maison d’éditions, bibliothèque ou fête du livre, bref dans chaque lieu d’expérience pour faire œuvre avec les œuvres.
1 Sur la congruence de ces deux notions, voir mon Voix et relation Une poétique de l’art où tout se rattache, Taulignan, Marie Delarbre éditions, 2017.
2 Concernant J. M. G. Le Clézio, on peut lire « Le Clézio dans Les Cahiers du chemin (1967-1977) de Georges Lambrichs : chemins vers une anthropologie poétique avec des poèmes-relations », Les Cahiers le Clézio no 2 (« Contes, nouvelles et romances » sous la direction de Claude Cavallero et Bruno Thibault), Paris, Complicités, 2009, p. 171-184 ; et « Une relation critique : la voix du poème (Vers les icebergs de J. M. G. Le Clézio) », Roman 20-50 no 55 (« J.-M. G. Le Clézio »), Presses universitaires Septentrion, juin 2013, p. 103-111.
3 M. Fumaroli, La République des Lettres, Paris, Gallimard, 2015. Pour une histoire du syntagme, voir Fr. Waquet, « Qu’est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique », Bibliothèque de l’école des chartes, vol. 147, 1989, p. 473-502.