Présentation
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: L’Histoire du concept d’imagination en France (de 1918 à nos jours)
- Authors: Barontini (Riccardo), Lamy (Julien)
- Pages: 7 to 10
- Collection: Encounters, n° 361
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 34
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Présentation
Ce volume collectif prend son origine dans la tenue de deux colloques internationaux consacrés à l’évolution du concept d’imagination à l’intérieur du système des savoirs et des pratiques littéraires au cours du xxe siècle en France1. Ce projet est né de l’exigence d’enquêter sur la pluralité des définitions et des usages du concept d’imagination, et vise à l’interroger à nouveaux frais selon un axe à la fois théorique et historique. Il est ainsi question d’expliciter les différents aspects du concept d’imagination à partir de son positionnement dans le contexte culturel, tout en menant une enquête sur les éléments qui permettent de penser l’unité des diverses théories qui ont été proposées à ce sujet. Une attention particulière a été accordée, dans cet horizon, aux dimensions esthétique et littéraire de la question, et plus particulièrement à l’articulation du questionnement sur l’imagination avec la redéfinition de l’idée de littérature.
Le présent volume, composé de vingt-quatre contributions de spécialistes du sujet, se caractérise par une approche résolument interdisciplinaire. Le cadrage problématique proposé par Jean-Jacques Wunenburger dans l’introduction générale opère une synthèse des théories de l’imagination au xxe siècle, en identifiant et en explicitant les axes de recherche fondamentaux qui seront déployés dans les diverses contributions : l’opposition traditionnelle de l’imagination reproductrice et de l’imagination créatrice, l’influence des paradigmes issus des sciences humaines et sociales sur la conception de l’imagination, la dialectique de l’imagination comme réservoir de formes et sa valorisation en tant que force, la vexata quaestio des rapports entre imagination et raison.
Le volume se compose de trois grandes sections. Dans la première, intitulée « L’imagination dans l’entre-deux-guerres : un moment fondateur », 8une attention spécifique est accordée à la période et aux auteurs qui constituent les « racines » du retour massif de la réflexion esthétique et philosophique sur le concept d’imagination. La théorie surréaliste constitue dans cette perspective une référence incontournable, comme le soulignent l’étude proposée par Henri Béhar, construite sur une analyse lexicographique menée sur un vaste corpus, mais aussi celle d’Émilie Frémond, qui s’interroge sur les divergences existant entre les surréalistes orthodoxes et les dissidents de la revue Documents. Cependant, il convient aussi de pointer en direction d’un archipel d’auteurs qui, malgré des formations distinctes et des objectifs différents, reviennent avec insistance et régularité sur la baudelairienne « reine des facultés ». C’est le cas de Gaston Bachelard, dont il est question avec Julien Lamy, qui s’efforce de montrer que la théorie bachelardienne de l’imagination excède l’approche psychologique initiale du philosophe des sciences, pour aborder une Métaphysique de l’imagination, dont le sens demeure à élucider. C’est le cas également de Roger Caillois et de son ambition de fonder une « phénoménologie générale de l’imagination », capable de reconduire les phénomènes imaginatifs à une racine unique, comme le met en évidence Anna Maria Laserra. Il est aussi question d’Armand Petitjean qui, comme le montre Riccardo Barontini, explore, dans sa trajectoire « météorique », les rapports entre imagination, dynamisation psychique et langage. Ou encore de Jean-Paul Sartre, qui prépare les instruments de sa psychanalyse existentielle, explicitée dans L’Être et le Néant, en les mettant à l’épreuve dans l’étude de la conscience imageante : à la première phase de sa production intellectuelle sont consacrés les textes de Vincent de Coorebyter, qui enquête sur ses sources romantiques à partir d’un de ses ouvrages de jeunesse, et de Frédéric Fruteau de Laclos, qui analyse ses textes à travers la lecture critique qu’en fait Philippe Malrieu.
Le deuxième section, intitulée « Imagination et nouveaux champs du savoir », se concentre spécifiquement sur les modifications que le concept d’imagination subit face aux approches de la connaissance qui émergent au cours du xxe siècle. Le lecteur y trouvera les enquêtes menées par Renato Boccali, qui analyse l’« espacement phénoménologique de l’imagination » chez Merleau-Ponty et Sartre, et par Stéphane Massonet, qui construit autour de la notion d’« imagination agressive » une histoire révisée de l’introduction de la phénoménologie en France. 9Étienne Klein problématise quant à lui le rôle de l’imagination dans les sciences contemporaines, notamment la physique mathématique, en abordant la question de l’origine des idées et des découvertes scientifiques. La rencontre de l’imagination avec les sciences humaines et sociales est présentée dans les textes de Ionel Buse, qui explore les approches anthropologiques de Mircea Eliade et de Gilbert Durand, mais aussi de Daniel Proulx, qui met en évidence l’influence de Jung et de Koyré sur Henry Corbin ; sans oublier Nicolas Piqué, qui s’arrête sur l’étude du symbolique tel qu’il est envisagé chez Cornelius Castoriadis.
Dans la dernière section du volume, intitulée « Héritages imaginatifs : perspectives de 1945 à aujourd’hui », le lecteur trouvera des études qui s’efforcent d’analyser la postérité, dans l’après-guerre, des changements survenus au cours de l’évolution du concept d’imagination, et qui ouvrent une réflexion sur son actualité. Florian Jehl se concentre sur la persistance de la pensée surréaliste dans l’œuvre du poète André Frénaud, tandis que François Noudelmann reprend le discours sur l’œuvre de Sartre, en analysant les changements qui affectent sa théorie de l’imagination après 1945. Ludovic Duhem, quant à lui, présente les travaux de Gilbert Simondon qui, dans le sillage de Bergson, Bachelard et Merleau-Ponty, engage une réflexion critique sur les rapports entre imagination et invention. Jean-Pierre Pierron se concentre de son côté sur l’éthique de l’imagination chez Ricœur, en l’envisageant comme la « fonction du possible pratique ». En conclusion de cette section, Christian Chelebourg nous propose d’explorer les territoires de l’extrême contemporain, avec une enquête sur l’application des théories « mythocritiques » aux études culturelles des fictions de jeunesse, tandis que Claude-Pierre Pérez nous livre une réflexion sur le futur de la notion d’« imagination », et sa crise dans la période postmoderne.
Nous avons par ailleurs réservé, au terme de ce volume, un espace de réflexion spécifique, à un « chassé-croisé Bachelard-Caillois ». Les textes de ces deux auteurs centraux sont abordés ici par des membres de l’« Association des amis de Roger Caillois », qui se sont associés à notre projet de recherche en participant à l’un des deux colloques organisés à Lyon. Valeria Chiore s’intéresse ici au rapport de l’imagination matérielle et du fantastique naturel. François Py analyse pour sa part l’archétype de la maison chez Bachelard et Van Gogh, pendant que Jean-Claude Lambert nous propose un parcours libre sur le thème de l’oiseau Phénix, 10et que René Passeron s’interroge de son côté sur l’éthique bachelardienne, à partir d’une réflexion sur l’idée d’« anti-nature » et l’opposition entre science et imagination.
Toutes ces contributions ont pour objectif de donner au lecteur un ensemble de repères historiques et conceptuels permettant de s’orienter dans le vaste territoire des théories contemporaines de l’imagination, ce qui est inédit à l’heure actuelle, et viendra combler un manque certain dans les études littéraires et philosophiques. Elles inaugurent un horizon de réflexion ouvert d’où émergent des lignes de force, des sources communes et des perspectives convergentes : en particulier, une préoccupation spécifique se démarque concernant le rapport existant entre le dynamisme créateur attribué à l’imagination et les retombées éthiques de son action, entre l’imagination entendue comme force novatrice et la fondation des modèles d’humanisme qui sillonnent le siècle. Nous disposons ainsi, grâce à une enquête pluraliste et interdisciplinaire sur l’histoire de l’imagination au cours des cent dernières années, d’un point de vue privilégié pour apprécier les différentes stratégies qui, en réhabilitant l’importance et la puissance féconde de la « folle du logis », repensent la valeur du savoir littéraire et humaniste.
Riccardo Barontini
et Julien Lamy
1 Les deux colloques se sont déroulés à Lyon les 19-20 juin 2013 et les 17-18 avril 2014, grâce au soutien du CELLF-UMR8599, de l’Institut de Recherches Philosophiques de Lyon, du Labex OBVIL, de l’ANR et du service d’aide à la recherche de l’Université de Lyon 3.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07723-7
- EAN: 9782406077237
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07723-7.p.0007
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-06-2019
- Language: French