Si les vertus accompagnent nécessairement les actions conformes à la nature d’un animal rationnel, il semble que la rationalité des actions humaines doive d’une certaine manière se confondre avec leur bonté morale. Pourtant, les critiques adressées par les néo-aristotéliciens aux théories qu’ils prétendent remplacer soulèvent davantage de difficultés qu’elles n’en résolvent sur ce point.
D’une part, la bonté de nos actions ne pourrait pas être définie par le respect de lois impératives et catégoriques. Mais comment, dans ce cadre, préserver des prohibitions absolues ? Anscombe dissocie, dans sa pensée de l’action, l’étude de la rationalité pratique inspirée de concepts aristotéliciens de l’examen des questions proprement éthiques. Dès lors, la persistance d’un certain subjectivisme moral n’est-elle pas inévitable ? D’autre part, comme nous allons le voir, la critique de l’utilitarisme peut impliquer que l’on fasse des dilemmes tragiques une composante inévitable de la vie morale. Or, le fait que l’agent vertueux soit ainsi toujours tiraillé entre des valeurs contradictoires, comme le voudrait Nussbaum notamment, ne confirme-t-il pas l’irréductible irrationalité de l’action humaine dans sa dimension morale ? Face à ce risque, la doctrine du double effet peut-elle fournir aux néo-aristotéliciens un principe efficace de résolution des conflits moraux les plus cruels ?