L’esprit du Quattrocento Pic de la Mirandole De l'être et de l'un & réponse à Antionio Cittadini

La Renaissance, en 1491-1492, évoque ordinairement l'opposé de la philosophie: la possession du monde. Or, à cette date, un homme fort jeune, Jean Pic de la Mirandole (1463-1494), s'apprêtait à quitter ce monde que d'autres allaient conquérir. Philosophe, linguiste et poète, cet intellectuel — puissant seigneur de l'Italie du Nord — désirait parcourir l'Europe pour annoncer la paix, la concorde philosophique et le renouveau spirituel de l'humanité. Sous l'influence de Savonarole, mais aussi de Ficin et d'un certain ésotérisme hébraïque, Pic, comme déjà Proclus, songeait à devenir «hiérophante du monde entier». Une Concordia des systèmes métaphysiques, et, plus encore, des principes transcendantaux, aurait dû couronner cette renovatio dans le droit fil des fameuses Conclusiones, ou Thèses, qu'il avait voulu soutenir à Rome cinq ans plus tôt. Déjà réduit au silence par la Curie, condamné, Pic n'avait pas désespéré de son grand projet et entendait l'exprimer par une voie simple, implicitement ouverte par le Concile de Florence (1439): la comparaison d'Aristote et de Platon. Le Mirandolain, en défense de sa Concordia et sur la demande de Politien, écrivit alors le De Ente et Uno (De l'Etre et de l'Un). Ce traité suscita rapidement deux réactions contraires: la critique de Marsile Ficin, grand prêtre du néo-platonisme, traducteur de Plotin et commentateur de Platon; la réprobation pointilleuse d'Antonio Cittadini da Faenza, philosophe aristotélicien et magister thomiste. Pour la première fois, le public dispose ici des textes latins de ces polémiques pichiennes, entièrement revus, édités et traduits: le De Ente et Uno, les Objectiones de Cittadini et les Responsiones de Pic. Ce dossier cohérent, riche et complexe, offre la vision synthétique d'un débat fondamental pour l'humanisme: la rencontre d'Aristote et de Platon — les deux phares de la pensée occidentale — sur le fond mystérieux d'une prisca theologia où entreluisent déjà les reflets de la Cabale «chrétienne». L'essai préliminaire, «Humanisme et Vérité», initie le lecteur à l'esprit des Humanistes de cette fin du Quattrocento, à travers la redécouverte d'une très antique sagesse.