Principes de traduction
- Publication type: Book chapter
- Book: L’Épinette amoureuse
- Pages: 37 to 39
- Collection: The Middle Ages in Translation, n° 5
Principes de traduction
La présente traduction repose sur l’édition critique du texte original de L’Espinette amoureuse procurée par Anthime Fourrier en 1963 (Paris, Klincksieck, 3e éd., 2002). Le texte fut établi sur la base du manuscrit Paris, BnF, français 831 (ms. A), sous le contrôle du manuscrit Paris, BnF, français 830 (ms. B). Nous nous sommes permis certains écarts par rapport à cette édition. En particulier, il nous arrive de ne pas suivre la ponctuation qui y est insérée, entre autres, pour des raisons syntactico-sémantiques (v. 177-178, 1273, 3104, 3112, etc.) ou en raison d’une divergence d’interprétation (v. 94, 1250, 3588-3589, 3849-3850, etc.). Nous nous passons de systématiquement le mentionner, mais lorsque notre lecture de l’original diverge profondément de celle de l’éditeur ou lorsque, au contraire, nous nous inspirons des gloses suggérées par nos prédécesseurs, A. Scheler et A. Fourrier, nous l’indiquons en note de bas de page.
La traduction ici proposée est destinée à être lue en regard du texte médiéval. Elle est en effet conçue comme une passerelle, une voie d’accès à l’original, plutôt que comme un texte autonome et suffisant1. Pour ce faire, elle suit d’abord autant que possible la disposition en vers du modèle, sauf lorsque le critère d’intelligibilité exigeait un réagencement des propositions ou des syntagmes.
Le texte obtenu se veut ensuite un compromis entre traduction littérale et traduction libre. L’adaptation aux habitudes du français moderne est donc restée aussi limitée que possible et a été pratiquée
soit par souci de lisibilité, soit par souci stylistique là où il s’imposait d’alléger un tour ou de varier l’expression, pourvu que cela ne nuisît en rien aux effets recherchés par l’auteur (v. 69-70, 2145, etc.). Ainsi, la traduction a pu rendre le coordonnant justificatif car par « en effet » afin d’assouplir la syntaxe, ou encore le coordonnant mais par « cependant » ou « pourtant » selon la nuance de sa valeur d’opposition. De même, il a pu être nécessaire de transposer des propositions concessives telles que qui qui s’en taise en tours légèrement modifiés du type « bien qu’on n’en fasse pas la remarque » (v. 2047), au lieu d’une traduction littérale qui eût été par trop artificielle et eût constitué un obstacle à une compréhension immédiate.
En revanche, dès lors que l’intelligibilité du texte moderne ne risquait pas d’être entravée, nombre d’expressions ou de procédés rhétoriques ont été restitués à l’identique ou presque, en dépit des lourdeurs qu’une telle fidélité engendre inévitablement. Le français médiéval est, par exemple, coutumier des répétitions, que l’on serait tenté d’éliminer en passant au français moderne. Mais, la répétition étant un procédé typiquement poétique et, la plupart du temps, le départ étant malaisé à faire dans le genre du dit entre répétition relevant de l’usage personnel de l’auteur et répétition avec intention stylistique, nous avons pris le parti de maintenir le procédé dans la traduction, de sorte à préserver la poésie originelle et, en dépit des difficultés de l’exercice, à laisser entrevoir un reflet du style poétique de Froissart. Par exemple, c’est dans cette optique que, conformément au modèle, le catalogue des divertissements de l’enfance se déploie au rythme d’une redondance du terme jeu et de son dérivé verbal jouer, tout en étant scandé par le schéma syntaxique j’ai souvent + participe passé. Le tout contribue à une restitution vive du plaisir quasi enfantin que prend le poète dans l’énumération interminable de ces joies passées.
Dans les manuscrits, le refrain des rondeaux, des ballades et des virelais est généralement abrégé par le copiste, qui note etc. après le(s) premier(s) mot(s), ce que l’éditeur A. Fourrier a pris le parti de maintenir tel quel. Pour éviter tout décalage avec cette édition de référence dans la numérotation des vers et parce que, de toute façon, deux écoles s’opposent sur les modalités de reprise du refrain dans le rondeau, nous nous sommes abstenue de tout développement dans la traduction des rondeaux et des virelais, en reprenant l’abréviation etc. Le lecteur est
invité à reprendre le refrain selon les tendances du genre concerné2. En revanche, le refrain des ballades qui se compose d’un unique vers a été transposé in extenso3, sans risque de bouleversement de la numérotation des vers.
1 Tout en présentant ici dans leurs grandes lignes les principes qui ont guidé la traduction de L’Espinette amoureuse, nous réservons le développement de la question à un article à paraître prochainement : « Transposition du même au même, ou accès à une altérité préservée ? Traduire L’Espinette amoureuse de Jean Froissart », De la traduction médiévale à la seconde main moderne. Théories, pratiques et impasses de la translatio contemporaine, Actes des journées d’étude organisées les 4 et 5 septembre 2014 à l’université de Poitiers, CESCM-CESR, éd. Cl. Galderisi et J.-J. Vincensini, à paraître en 2015.
2 Voir D. Poirion, Le Poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, Genève, [1965], rééd. 1978, p. 336-339 ; J. Cerquiglini-Toulet, « Le Rondeau », Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, op. cit., p. 45-58, p. 50 pour notre propos.
3 À vrai dire, seule la ballade des v. 1469-1493 présente un refrain à deux vers.
- CLIL theme: 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN: 978-2-8124-3335-1
- EAN: 9782812433351
- ISSN: 2271-6963
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3335-1.p.0037
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-21-2015
- Language: French