Avant-Propos
- Publication type: Book chapter
- Book: L’Art de faire des films
- Pages: 53 to 54
- Collection: Classiques Jaunes (The 'Yellow' Collection), n° 718
- Series: Essais, n° 20
Avant-Propos
Ô toi, lecteur du divin ordinaire, et moi, souvent déçus par les films, avons juré que plus jamais nous n’irions au cinéma. Mais aussitôt prise cette ferme résolution, nous nous sommes rendu compte que nous ne pourrions tenir loin des salles nos enfants et nos grands-parents. Nous avons dû alors rompre nos vœux et retourner voir ce que nos proches voyaient.
Et puisque nous ne pouvons cesser d’aller au cinéma, tâchons de découvrir le plus vite possible quels films sont horribles et quels films le sont un peu moins. Ou, pour le dire autrement, lesquels sont beaux et lesquels le sont plus encore. Discutons-en. Les « gamins », les anciens, vous et moi allons tous participer, et si nous parlons assez fort et décidons ce que nous aimons et ce que nous voulons vraiment, alors les exploitants, les fabricants, les réalisateurs et les scénaristes nous écouteront-ils peut-être.
J’ai consigné mes conclusions dans ce livre afin de leur donner un plus large écho. En fait, j’ai déjà exprimé en public certaines de ces idées dans une série de conférences données à l’université Columbia entre l’automne 1915 et le printemps 1917, ainsi que dans des articles de journaux publiés à la même période dans les éditions dominicales du New York Times, du New York Sun et du Morning Telegraph.
Ouvrons trois autres livres au moins et gardons-les à portée de main. Le premier est celui de M. Epes Winthrop Sargent, Technique of the Photoplay1, qui traite de l’aspect pratique de la construction d’une fable, de l’écriture de scénario et du tournage d’un film. Le deuxième est celui 54de feu Hugo Münsterberg, The Photoplay2, analysant les lois qui relient l’esprit humain et l’image animée. Et le troisième, celui de M. Vachel Lindsay, The Art of the Moving Picture3, expose clairement qu’un film, pour autant qu’il soit convenablement pensé et réalisé, contiendra le genre de beauté que nous étions habitués à chercher uniquement dans la peinture et la sculpture.
Les producteurs ont engagé des publicitaires pour faire paraître dans les journaux de courts articles sur les films. Camouflés en critiques, ces articles ne trompent personne. Même les enfants savent qu’il s’agit en réalité de publicités, pas plus authentiques que les déclarations extraordinaires et abêtissantes des affiches du cirque à trois pistes de P. T. Barnum. En fin de compte, pourquoi ces publicitaires devraient-ils nous dicter nos désirs ? Pourquoi ne leur dirions-nous pas nous-mêmes ce que nous voulons vraiment ?
Victor Oscar Freeburg
Camp d’entraînement de la U.S. Navy
Pelham Bay Park
28 janvier 1918
1 Epes Winthrop Sargent (1872-1938) est un des premiers à publier un manuel d’écriture pour le cinéma, The Technique of the Photoplay, rassemblant des articles parus en feuilleton dans The Moving Picture World en 1911, réédité une seconde fois en 1913, puis une troisième fois en 1916, largement remanié et augmenté. Ses propositions eurent beaucoup d’influence sur les autres manuels qui fleurissent à cette époque aux États-Unis ; elles sont aussi un marqueur précieux de l’évolution des discours sur le cinéma et de la conception des formes filmiques entre 1911 et 1916.
2 The Photoplay. A Psychological Study d’Hugo Münsterberg paraît en avril 1916. Münsterberg (1863-1916) est alors un professeur reconnu du département de psychologie d’Harvard.
3 The Art of the Moving Picture du poète américain Vachel Lindsay (1879-1931) paraît en 1915, puis en 1922 dans une réédition remaniée.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-11160-3
- EAN: 9782406111603
- ISSN: 2417-6400
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11160-3.p.0053
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-13-2021
- Language: French