Aux lecteurs bénévoles
- Type de publication : Article de revue
- Revue : L’Année rabelaisienne
2017, n° 1. varia - Pages : 15 à 19
- Revue : L'Année rabelaisienne
Aux lecteurs bénévoles
Le 25 mars 1903, Abel Lefranc, qui enseignait Rabelais à l’École pratique des Hautes Études de la Sorbonne, fondait avec un groupe d’élèves et d’amis la Société des études rabelaisiennes. Bientôt rejoints par de très nombreux spécialistes et admirateurs de Rabelais, les membres de la Société donnaient naissance, la même année, à la Revue des études rabelaisiennes chargée d’éclairer la biographie de Rabelais ainsi que le vocabulaire, les sources ou encore la fortune de ses cinq Livres, et de préparer l’édition des Œuvres. Dix volumes paraîtront entre 1903 et 1912, avant que la revue n’étende son champ d’investigation et ne devienne la Revue du seizième siècle (1913-1933) dans laquelle Rabelais conserve une place importante, puis Humanisme et Renaissance (1934-1940) et enfin Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance : travaux et documents (1941-). La richesse des découvertes d’Abel Lefranc et de son équipe apparaît d’emblée à qui consulte les « tables générales » de la revue, publiées en 1924, ainsi que les notes des Œuvres (1912-1931 ; 1955). Mais elle s’observe également à travers l’immense influence qu’elle a exercée sur les orientations de la critique rabelaisienne au xxe siècle.
Dans la seconde moitié du siècle dernier, les rabelaisants ont trouvé de nouveaux espaces de dialogue dans les volumes des Études rabelaisiennes publiés à Genève par la maison Droz (1956-), dont cinquante-quatre numéros ont été publiés jusqu’à maintenant. Depuis 2012, une autre collection a vu le jour aux Classiques Garnier : LesMondes de Rabelais. Mais ces superbes collections ne remplacent pas une revue à parution annuelle, capable de suivre de près la riche actualité rabelaisienne et de susciter des échanges suivis entre chercheurs.
Depuis quelques années, en effet, les investigations biographiques, historiques et linguistiques, les études de réception, de sources, de bibliographie matérielle ou encore de génétique des textes ont très largement renouvelé notre connaissance de Rabelais, cependant que de surprenantes découvertes bibliographiques permettaient d’élargir le corpus des Œuvres. Le temps n’est plus, semble-t-il, aux virulentes querelles critiques qui ont opposé – souvent avec profit – les rabelaisants tout au long du xxe siècle. 16Une ère nouvelle, tout aussi féconde, semble s’être ouverte qui explore de manière plus collaborative la vie de Rabelais, son entourage, sa carrière de médecin et d’éditeur scientifique, mais aussi les éditions successives de ses œuvres et leurs imprimeurs, leur réception au cours des siècles, le langage oralisé et érudit de l’humaniste, les divers genres dont il s’est inspiré ou encore sa bibliothèque, entendue dans son acception la plus large d’ensemble de livres qu’on peut lui rattacher directement ou indirectement. Il s’agit tout d’abord de la bibliothèque éditée, constituée par les éditions de textes qu’il a publiées comme philologue et humaniste. Il s’agit ensuite de la bibliothèque réelle de l’humaniste, c’est-à-dire des livres que Rabelais a possédés, pourvus de son ex-libris et parfois d’annotations autographes se révélant d’un grand intérêt pour comprendre la genèse des Livres rabelaisiens. Il s’agit enfin de la bibliothèque intérieure telle qu’elle peut être reconstituée à la lumière de l’intertextualité qui informe ses œuvres narratives et qui, pour une large part, reste encore méconnue, faute d’avoir été étudiée en fonction des éditions du xvie siècle auxquelles l’humaniste avait accès et qui donnent souvent à lire un texte différent de celui que l’on connaît aujourd’hui, en particulier s’agissant des auteurs de l’Antiquité gréco-latine ou encore en raison du recours aux compilations et miscellanées humanistes.
Le colloque Inextinguible Rabelais, qui a rassemblé cinquante-six spécialistes en Sorbonne et au Château d’Écouen du 12 au 15 novembre 2014, a donné de la visibilité à ces nouvelles pistes critiques. Plus que jamais, face à l’inexpuisible tonneau de Maître François, il est apparu nécessaire de rassembler les forces vives de la recherche rabelaisienne, française et étrangère, autour d’un organe de publication commun.
L ’ Année rabelaisienne est née de ce désir. Elle proposera, dès le second volume, des ensembles thématiques qui fourniront de nouveaux aperçus sur l’œuvre de Rabelais. Des articles de« miscellanées » permettront également, tout au long de chaque numéro, de faire part, dans un cadre plus libre, des découvertes individuelles de tous les rabelaisants. La revue comportera par ailleurs un certain nombre de rubriques régulières. Les Annotatiunculæ seront de brèves analyses destinées à élucider un mot, une phrase, un fait de langue, une source, un aspect de la vie de Rabelais ou encore une influence, à la manière des « Notes pour le commentaire » et autres « Rabelæsiana » de l’ancienne Revue des études rabelaisiennes. Ces Annotatiunculæ ont été imaginées pour donner l’occasion aux commentateurs de ne pas étendre à la longueur d’un article de dix pages une remarque étoffée qui n’en mérite que deux. Elles ont vocation 17à compléter les annotations des excellentes éditions des œuvres complètes aujourd’hui disponibles. La rubrique Chronicques rendra compte, de la manière la plus complète possible, des productions rabelaisiennes de l’année dans toute leur variété : ouvrages scientifiques mais aussi spectacles théâtraux et musicaux, expositions… Enfin, les Fanfreluches constitueront un espace non académique où pourra s’exprimer la créativité des contributeurs et dont la seule clause sera Fay ce que vouldras. Les formes les plus diverses d’expression seront les bienvenues : éloges de la folie que c’est de commenter Rabelais, déclamations aberrantes, paradoxes contre les lettres non apparentes, sonnets satiriques ou épigrammes caustiques. Les cannibales, misanthropes et autres agélastes devront passer leur chemin et nous braverons la censure, « jusques au feu exclusive ». L’Année rabelaisienne, placée sous le signe de la bonne fortune, ΑΓΑΘΗΤΥΧΗ, se veut avant tout une revue vivante et collaborative : d’autres rubriques pourront prendre forme au gré de l’imagination des uns et des autres. À cet égard, le numéro événement de cette année a la chance d’être illustré de plusieurs dessins réalisés par un généreux universitaire et caricaturiste qui tient à rester anonyme. Nous espérons que cette tradition du dessin comique et de l’illustration facétieuse pourra perdurer au sein de la revue.
L’idée n’est donc pas seulement de ressusciter Abel Lefranc et son équipe, mais de le faire en redonnant le sourire tant au vieux Le Duchat qu’au bel Abel, ainsi qu’à toute la tradition savante qu’ils ont mise en branle, sans pour autant exclure les autres formes de lecture de l’œuvre de Maître François. Les herméneutes du second xxe siècle nous ont convaincus de ne pas négliger le pouvoir régénérateur, subversif, polémique et infiniment polysémique de l’œuvre de Rabelais au profit d’arguties philologiques, historiques ou biographiques qui ne seraient en réalité que les symptômes d’un positivisme dénué de goût, de sens littéraire ou simplement d’humour. Sans vouloir rompre avec l’une ou l’autre de ces lignes majeures qui ont fait l’histoire de la critique rabelaisienne – qu’elles soient d’ailleurs lignes de conduite ou de fuite, directes ou détournées, obvies ou alambiquées – L’Année rabelaisienne tentera d’en poursuivre chacune d’elles pour augmenter, de main nocturne et journelle, les plus belles découvertes auxquelles elles sauront mener.
C’est pour cette raison que nous avons choisi de faire figurer en couverture le blason de Rabelais éditeur. Cette marque de reconnaissance, à la fois « invention » récente et mystère préservé, suscite depuis quelque temps les interprétations les plus variées :
18
blason douteux |
b. d’outarde |
b. camard |
b. canard |
b. ricanant |
b. grimacé |
b. patté |
b. pataud |
b. pointu |
b. foutu |
b. du Juste |
b. hiérogryphique |
b. illégitime |
b. de Charité |
b. à chevron |
b. à vous rendre chèvre |
b. d’aventures |
b. d’avantage |
b. safrané |
b. enlierré |
b. austère |
b. délirant |
b. noir et blanc |
b. en couleurre |
b. de roture |
b. noblaillon |
b. polisson |
b. pour Politien |
b. malicieux |
b. fastidieux |
b. carpricieux |
b. séditieux |
b. socratique |
b. sacripan |
b. vomiteux |
b. engastrimythique |
b. ventriluque |
b. obscurantique |
b. comme un q |
b. visagier |
b. vers-libriste |
b. de droit commun |
b. nompareil |
b. salsepareille |
b. parénétique |
b. schtroumpf |
b. spleenétique |
b. de Gargamelle |
b. de profil |
b. face cachée |
b. de croisade |
b. de rasade |
b. à rictus |
b. erectus |
b. sapiens sapiens |
b. piéça dévoré et pourri |
b. postiche |
b. pastiche |
b. de cloche |
b. d’avoine |
b. muet |
b. ramageur |
b. muré |
b. casse-tête |
b. dolby surround |
b. stentoré |
b. tortoré |
b. à la Pyrrhus |
b. belle-hélène |
b. de pire en pire |
b. transpiré |
b. sec |
b. altérant |
b. altéré |
b. chic |
b. choc |
19
b. hic |
b. nunc |
b. d’apparat |
b. mort-aux-rats |
b. greluche |
b. de fanfreluche |
b. râblé |
b. biaisé |
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06298-1
- EAN : 9782406062981
- ISSN : 2554-9111
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06298-1.p.0015
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/01/2017
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français