Établissement de l'édition

Établissement
de l’édition

Si Lucie Delarue-Mardrus demeure inconnue du grand public, le roman dont nous avons choisi d’établir l’édition critique, L’Ange et les Pervers, a échappé à cet oubli. Ce titre a été, de bonne heure, associé à l’une des figures majeures du Paris lesbien des années 1900 : Natalie Clifford Barney. L’Ange et les Pervers est, en effet, un roman à clés où la riche Américaine apparaît sous les traits de Laurette Wells. L’auteure se devine derrière le protagoniste, Marion Hervin de Valdeclare. Nous ne manquerons pas de proposer un décryptage de cette intrigue de même qu’une réflexion sur son fonctionnement. Malgré sa légèreté et la bouffonnerie de certains personnages, ce roman ne doit pas être lu comme une simple transposition de potins mondains. Il recèle un important travail sur la référentialité, qui nous oblige à réfléchir sur les réelles motivations de Lucie Delarue-Mardrus.

Ce brouillage entre fiction et réalité fait écho à la confusion des genres qu’incarne la figure centrale, Marion Hervin de Valdeclare, un jeune hermaphrodite. Celui-ci choisira, au terme d’une douloureuse crise morale, de devenir une femme en adoptant le fils adultérin d’une de ses amies. La réflexion sur la Féminité qui est engagée dans ce roman, apparaît, sous bien des aspects, novatrice : se fait ainsi jour l’idée que l’identité sexuelle de l’Individu n’est pas le fait d’un déterminisme biologique mais d’une pression sociale. Cette conception avant-gardiste de la femme explique notre désir de faire redécouvrir ce texte. Mais aussi surprenante 8que soit cette thématique, celle-ci ne choqua pas le public des années 1930 ; ce roman, en dépit de son titre sulfureux, ne rencontra d’ailleurs aucun écho. L’Ange et les Pervers a été publié au moment où l’hermaphrodisme, l’androgynie, l’homosexualité tant masculine que féminine, étaient à la mode. Pour comprendre le silence qui entoura les deux éditions de ce titre, nous reviendrons le contexte culturel et littéraire de l’époque.

Des deux éditions, celle de 1930 et celle de 19341, nous avons retenu la première comme édition de référence. Elle est celle des deux à offrir le moins de coquilles et à proposer un texte cohérent2. L’édition de 1934 trahit, à plusieurs reprises, des négligences consécutives, selon nous, à une trop grande rapidité d’exécution. Ce constat nous amène à nous interroger sur l’origine de cette urgence. Nous avons respecté la mise en page et la typographie originales, ainsi les majuscules ne sont pas accentuées. Nous avons également scrupuleusement respecté ce qui avait été mis en italique, les expressions anglaises comme les citations de poème.

Nous tenons ici à remercier Jean-Michel Vernon pour sa relecture attentive, Claude Bac pour ses conseils avisés et ses connaissances sur Natalie Clifford Barney et Renée Vivien, J. B. Amadieu.