Homélie Andillac, 17 juillet 2022
- Type de publication : Article de revue
- Revue : L'Amitié guérinienne Revue annuelle des Amis des Guérin
2022, n° 201. varia - Auteur : Ferret (Jean-Claude)
- Pages : 13 à 15
- Revue : L'Amitié guérinienne
HOMÉLIE
Andillac, 17 juillet 2022
16e dimanche du temps ordinaire
(Genèse 18, 1-10 a ; psaume 14, 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5 ; Colossiens 1, 24-28 ; Luc 10, 38-42)
Nous entendons le célèbre récit évangélique de la rencontre de Jésus avec Marthe et Marie. Il nous montre Marthe, maîtresse de maison, pleine de bonnes intentions, mais qui en fait va trop s’empresser et donner l’impression de vouloir se montrer, se mettre en valeur, et faire reproche à sa sœur dans l’interpellation qu’elle adresse à Jésus : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Dans son dépit, elle en vient à donner des ordres à Jésus ! Celui-ci ne se laisse pas impressionner, il répond : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » Le problème n’est pas tant que Marthe veuille s’acquitter au mieux des tâches matérielles, même si elle sombre dans l’activisme, mais de choisir la bonne part, comme sa sœur. Jésus, finalement, rappelle, à la suite du Sage, qu’« il y a un temps pour tout ». Marthe est tellement fière de recevoir Jésus, elle a entendu son enseignement et, dans son enthousiasme, elle oublie l’essentiel à ce moment-là : l’écoute. C’est une autre forme de l’hospitalité que pratique Marie, moins visible et gratifiante, mais tout aussi importante. L’oraison de la Liturgie Monastique des Heures de ce dimanche est très explicite et montre l’importance de chaque part : « La seule chose qui soit vraiment nécessaire, c’est d’écouter ta Parole, ton Verbe, Seigneur Dieu. Aide-nous à ne pas nous inquiéter pour ce qui est vain, à garder la paix dans les occupations qui nous absorbent et à trouver du temps pour nous tenir, émerveillés, aux pieds de Jésus-Christ. »
Il est question d’hospitalité aussi dans la première lecture. Abraham reconnaît le Seigneur dans ses trois visiteurs (peut-être pensons-nous déjà à la Trinité et avons-nous inconsciemment en tête la belle icône 14d’Andreï Roublev ?). Jacques Leclercq, chapelain de Notre-Dame de Paris à la fin du siècle dernier, notait magnifiquement ceci le 23 juillet 1989 : « La Foi … Elle s’avance en tâtonnant, petite flamme fragile mais obstinée, au creux de la conscience et elle retrouve les mêmes mots que l’amour blessé quand il est rongé par le doute et le chagrin, pour vivre encore… Voilà Abraham. … Face à l’absurde, mais devant le visage de Dieu, il ne savait plus que c’était impossible. Alors il l’a fait. » Abraham est celui que l’on qualifie de « père des croyants. » Je me demande si Maurice et Eugénie n’ont pas fait chacun cette expérience, lui du côté du doute, elle du côté du chagrin.
Cette hospitalité se retrouve encore d’une certaine manière dans le psaume 14 qui énonce les qualités de l’homme juste, qui suit la Loi du Seigneur, ses préceptes, et vit de la Parole de Dieu. Nous pouvons relever une vérité élémentaire, mais très importante : la morale chrétienne vient de la Révélation, se fonde sur l’Écriture, c’est donc l’Écriture et la Révélation qui sont premières ; la morale chrétienne, science de l’agir, découle de l’Évangile. Nous pouvons nous interroger sur notre manière d’agir et, en restant dans le domaine de l’hospitalité, nous demander comment nous sommes reçus par le Seigneur, dans cette église pour la célébration de l’Eucharistie, comme membres constitutifs de l’Église – assemblée de croyants invités par le Seigneur – et comment nous recevons cette réalité, ce mystère, comment du coup nous nous donnons à Dieu et à nos frères au cours de cette célébration, comment nous hébergeons aussi la Parole de Dieu, qui nous fait vivre autant que le pain eucharistique. Cette Parole qui nourrit notre conscience, notre volonté, et le pain de la route nous donnent force pour choisir, décider et agir en ce monde comme témoins du Christ. Eugénie l’a bien compris quand elle parle de la communion dans son Journal.
La belle page de la lettre aux Colossiens nous montre un saint Paul soucieux pour la communauté à laquelle il s’adresse : « Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. » Voilà un exemple à admirer et pas forcément à imiter ! Mais, au fond, Eugénie n’a-t-elle pas expérimenté cela après la mort de Maurice et jusqu’à la fin de ses jours, à divers degrés ? La suite nous instruit davantage et peut être pratiquée par tout baptisé, et Eugénie, par son témoignage de foi, par sa piété, par sa charité (au meilleur sens de ce mot, hélas aujourd’hui ridiculisé), a 15vécu cette parole : « Le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. » Réalisons-nous la grandeur de cette parole ? Sommes-nous conscients de la présence de Jésus parmi nous ? Le Concile Vatican II, dans la constitution sur la liturgie, au numéro 7, précise les modalités de la présence du Christ : « Le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, “le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix” et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : “Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux.” (Mt 18, 20). » Aujourd’hui, ici et maintenant, il est présent. Puissions-nous comme Jacob, nous émerveiller toujours : « En vérité, le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas. » (Genèse 28, 16) Entrons davantage dans ce mystère, pour en vivre !
Amen
Jean-Claude Ferret
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14359-8
- EAN : 9782406143598
- ISSN : 2554-8980
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14359-8.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/12/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français