[Introduction de la troisième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Joan Bodon . Contes populaires et autofictions
- Pages : 401 à 402
- Collection : Études et textes occitans, n° 7
La quête personnelle poursuivie, dès les Contes, par Boudou et qui soutient toute son œuvre littéraire ne peut être dissociée de l’époque de profonds bouleversements socio-économiques qui accompagnent la reconstruction de la France après la seconde guerre mondiale et qui affectent tout particulièrement les modes de vie des sociétés rurales établies dans des territoires reculés tels que le Ségala. La disparition d’un monde, fait de traditions et de croyances anciennes, et celle corrélative de sa langue conduisent nécessairement à s’interroger sur sa propre identité, menacée par l’effet des changements radicaux et des transformations parfois brutales qui s’imposent alors à l’individu.
Cette quête n’est pas davantage dissociable d’un affaiblissement du sentiment religieux constaté dans ces sociétés qui s’ouvrent alors à une nouvelle modernité et du questionnement spirituel auquel il participe à donner naissance, en particulier chez un homme tel que Boudou dont la réflexion est soutenue par un intérêt prononcé pour les croyances les plus diverses et les plus anciennes. Car manifestement Boudou refuse toute orthodoxie qui lui serait imposée. Il est au contraire attiré, de façon générale, par tout ce qui lui permet de se distinguer, d’échapper à une doctrine préalablement fixée et définie sans lui, de ne pas se fondre dans une de ces majorités dominantes et de rester solidaire, par principe, de toutes les minorités (Couderc 1987, 31-36). Bien que ce questionnement puisse être intimement lié à celui de l’identité, l’étonnante diversité de ses ressorts nécessite d’en faire une étude préalable et distincte de façon à en saisir ensuite plus aisément les incidences sur la quête de soi engagée. Car si Boudou aime surprendre les autres avec des idées ou des postures quelque peu inattendues et étonnantes, c’est probablement pour masquer les incertitudes et le mal-être qui l’habitent et pour dissimuler tout ce qui en découle en termes de contradictions et de fractures intérieures.
Boudou va donc faire de l’écriture un outil au service de ce qui le préoccupe et de ce qui le concerne, tentant de comprendre ce qu’il cache aux autres et à lui-même, d’accéder à cette part de soi mystérieuse et insaisissable dont la nature précise lui échappe.
Sa démarche va donc, logiquement et en toute bonne foi, commencer par être autobiographique même si, dans les faits, ses œuvres ne répondront 402jamais aux règles gouvernant le genre et relèveront davantage de diverses formes d’avatar autobiographique où la fiction et l’affabulation de soi cohabiteront avec un fond référentiel éminemment réaliste. La prétention autobiographique cèdera ainsi rapidement le pas au roman autobiographique qui lui-même évoluera vers une écriture davantage autofictionnelle.
En examinant de manière attentive ce à quoi tendent les mécanismes de fiction et d’affabulation utilisés, en termes notamment de production d’un soi potentiel, il sera possible de mettre en évidence comment Boudou, tout en s’appuyant de façon ostentatoire sur la réalité d’un monde qui lui est familier, va procéder à une véritable invention narrative de soi, reprenant des thématiques et des motifs exploités dans les Contes, destinée à faire émerger les représentations les plus inattendues de son être.
Cette invention narrative de soi empruntera une voie qu’il est possible de qualifier de négative dans le sens où elle s’attachera, avec une constance symptomatique, à creuser et à mettre à nu les failles d’une personnalité atypique et particulièrement vulnérable.
- Thème CLIL : 4029 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Langues régionales
- ISBN : 978-2-406-09947-5
- EAN : 9782406099475
- ISSN : 2430-8269
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09947-5.p.0401
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/04/2020
- Langue : Français