Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre
- Pages : 515 à 523
- Collection : Rencontres, n° 463
- Série : Littérature générale et comparée, n° 36
Résumés
Introduction
Contrairement à la notion relativement circonscrite de virilité, la sphère du masculin demeure, du fait de son apparente évidence, peu définie et souvent irréductible à une représentation binaire qui l’oppose à sa contrepartie féminine. Il s’agit d’une notion fluide, en perpétuelle renégociation, qui fait jouer une série de strates au fonctionnement inclusif – puisqu’il n’est pas réservé à l’un ou l’autre sexe – tout autant qu’exclusif – puisqu’il se définit toujours contre un autre aux contours changeants.
Ariane Bayle, « Portrait du médecin du xvie siècle en héros viril »
Cet article propose d’étudier la manière dont le discours de médecins, anatomistes et chirurgiens du xvie siècle, tels que Vésale, Paré ou Joubert, utilise un modèle héroïque viril, venu d’une longue et ancienne tradition, pour décrire la figure du bon médecin et la relation médecin-patient au début de l’époque moderne.
Marion Bonneau, « Le traitement des femmes dans le traité hippocratique des Épidémies. Les maladies générales ont-elles un sexe ? »
La présente contribution s’intéresse aux indices d’une différence des sexes à l’œuvre dans plusieurs traités du Corpus hippocratique, les Épidémies. Elle cherchera les sens qu’il est possible d’en donner, en examinant à la fois les constitutions climatiques exposées dans ces ouvrages, qui présentent régulièrement des disparités hommes-femmes, et certaines fiches individuelles de malades femmes, dans lesquelles sont notées de manière concordante l’apparition des règles et la fin de la maladie.
516Catherine Deutsch, « Masculinité, virilité et musique dans l’Italie de la Renaissance »
À partir d’un corpus iconographique et théorique, cet article examine les mutations du discours sur le caractère viril et efféminé de la pratique musicale qui s’opérèrent durant le xvie siècle en Italie. Après avoir analysé la pratique polyphonique comme un entre-soi masculin fortement érotisé, l’étude trace la façon dont les musiciens parvinrent à contrer les accusations formulées à l’encontre de la musique, accusée d’être un art efféminant, pour l’ériger en activité éminemment virile.
Éliane Viennot, « Féminiser la langue française ou la démasculiniser ? De l’intérêt de l’histoire dans les luttes présentes »
Les personnes favorables à une meilleure représentation des femmes dans la langue prônent sa « féminisation ». Et celles qui s’y opposent invoquent le respect de son « génie ». En réalité, le français est structurellement capable de traiter les deux sexes à égalité, mais il a été délibérément masculinisé par des intellectuels opposés à cette perspective. Longtemps ignorées, leurs réformes n’ont abouti que grâce à des institutions puissantes, en soulevant au passage des contestations permanentes.
Anne Tomiche, « Genre et avant-gardes du début du xxe siècle. Un anachronisme fructueux ? »
Cet article explore la nature et la portée de l’anachronisme qu’il y a à envisager les avant-gardes artistiques et politiques du début du xxe siècle à l’aide des outils et des catégories du « genre » (gender). Où y-a-t-il anachronisme ? et quel peut être l’intérêt d’envisager la question de l’anachronisme à propos des avant-gardes du début du xxe siècle ?
Natacha Salliot, « Les déplacements du masculin dans la littérature de dévotion (France, 1600-1625). Une nouvelle virilité pour une nouvelle spiritualité ? »
Au début du xviie siècle, une nouvelle rhétorique dévotionnelle, déplaçant les codes du masculin, participe d’une lutte plus large contre le protestantisme et ses codes culturels, et redéfinit un chrétien idéal en repensant la 517question des vertus et des passions. Sont ainsi valorisées certaines qualités, comme l’humilité et la douceur, tandis que des vertus plus spécifiquement masculines deviennent l’apanage de figures féminines, comme le montrent certains textes de Louis Richeome.
Caroline Fischer, « L’homme qui critiquait les hommes, aussi par la bouche des femmes »
Dans ses Ragionamenti (Dialogues de courtisanes, 1534-1536), l’Arétin prétend reprouver la gent féminine ; néanmoins, il se sert d’un personnage féminin pour dessiner une image peu flatteuse de ses congénères. Dès la dédicace, il critique âprement les grands seigneurs, pour montrer ensuite des figures masculines qui varient entre dominants, dominés et méchants. L’auteur se sert de différents filtres littéraires pour dévaloriser les hommes dans un texte censé « corriger les femmes ».
Nathalie Grande, « Masculinités rêvées. La végétalisation des héros chez les conteuses (fin du xviie – début du xviiie siècle) »
La métamorphose végétale des héros masculins s’observe chez plusieurs conteuses au tournant des xviie-xviiie siècles, où elle prend différents sens selon les autrices : effet de l’incompatibilité des sexes selon Catherine Bernard, elle trahit au contraire chez Mme d’Aulnoy le désir d’une sexualité masculine passive, non invasive, et d’autant plus jouissive, quand à l’inverse Mme de Murat s’en sert pour assouvir un fantasme de castration.
Jean-François Lattarico, « Aux frontières du masculin. L’androgynie (anti)-héroïque dans les premiers romans italiens du xviie siècle »
Le roman italien signale peu de temps après sa naissance, dans les années 1630, une véritable crise du héros. Celle-ci remet en cause les valeurs viriles de la force et du courage, au profit de sentiments plus raffinés et d’une apologie assumée du désir charnel. Se met en place ainsi une nouvelle cartographie du masculin, fondée sur le trouble identitaire, qui s’oppose à la tyrannie des apparences et aux codes imposés par les préceptes religieux.
518François Lecercle, « La masculinité inquiète du théâtrophobe. Théâtre et effémination »
Les polémiques contre le théâtre ont, à travers les siècles, dénoncé le trouble que les représentations jettent sur les identités de genre. Elles les accusent en particulier d’efféminer acteurs et/ou spectateurs. Constamment reprise de la Grèce antique à l’Europe moderne, en passant par les Pères de l’Eglise, la dénonciation de l’effémination est loin d’assurer le triomphe de l’ordre phallocratique puisqu’elle traduit une incertitude profonde sur les valeurs qu’elle entend défendre.
Delphine Amstutz, « Le favori travesti dans les romans baroques. Une représentation “perplexe” de la masculinité »
Honni ou admiré, le favori royal incarne au premier xviie siècle un modèle de perfection masculine. Deux longs romans du premier xviie siècle, Alexandre et Isabelle d’Antoine Humbert de Queyras (1626) et Iphigène, rigueur sarmatique de Jean-Pierre Camus (1625), interrogent, sous le prétexte du travestissement de leurs héros, les identités sexuelles et les stéréotypes genrés, et proposent une application politique et théologique singulière du mythe antique d’Iphis et Iante.
Barbara Muller, « “Cesse, mon frère, je te prie : et ne joue pas avec ce langage efféminé sur un sujet aussi sérieux” (Cymbeline, Shakespeare). La virilité des métaphores dans les romances de William Shakespeare »
À l’instar de Quintilien, les rhétoriciens anglais de la Renaissance prescrivent l’usage viril des figures de style. Dans les romances, Shakespeare fait fi de ces recommandations : il dote les personnages masculins de métaphores « efféminées » et met au jour la porosité des frontières entre les genres par le truchement du discours figuratif. Dès lors, ces pièces invitent le spectateur à interroger la sexualisation du discours et la « peur de l’effémination » qui se cristallise à la Renaissance.
Lise Wajeman, « L’anachronisme, un outil faillible. Questions de genre dans la théorie de l’art au xvie siècle »
En observant quelques représentations de la femme dans la théorie de l’art à la Renaissance, on constatera que malgré la misogynie commune, les 519traités peuvent préférer la femme comme genre à la femme comme sexe. Car la femme vaut mieux comme construction culturelle que comme réalité naturelle : elle n’est pas un bon sujet, mais un bon genre d’objet. L’anachronisme de notre regard contemporain sur ces questions nous force à une réélaboration permanente qui fait la richesse de nos interprétations.
Marie-Pierre Harder, « Être ou ne pas être un homme. Mythopoétiques d’une virilité “en crise” (?) dans les reconfigurations discursives de la fable d’Hercule à la croisée des chemins, de la Renaissance aux Lumières »
Cet article propose une analyse intersectionnelle des reconfigurations discursives de la fable d’Hercule à la croisée des chemins dans les cultures européennes de la Renaissance aux Lumières afin de cartographier et d’historiciser les divers modèles de masculinité qu’elles ont (re)produits. En questionnant, mais aussi en queerisant, cette fabrique mythopoétique d’une virilité « en crise » dans ses coordonnées anciennes, c’est aussi ses contours contemporains qu’il s’agit de problématiser.
Frank Estelmann, « Avant et après, le masculin dans les fictions de guerre de 14-18 contemporaines »
L’article s’engage à explorer dans quelques fictions de guerre contemporaines – que l’auteur a toutefois mises dans une perspective historique – quelques pistes de réflexion sur le rôle du masculin dans le roman de 14-18. Ce dernier les amène à reconnaître des ruptures entre le projet de l’hétéronormativité analysé par Judith Butler et la performativité ou la mise en forme littéraire du masculin dans ces textes.
Françoise Le Borgne, « La virilité des Amérindiens au xviiie siècle »
La question de la virilité des Amérindiens traverse le xviiie siècle, reformulée en fonction des approches multiples que suscite l’altérité « sauvage » : tour à tour idéalisée, dénoncée, instrumentalisée, la figure de l’Indien d’Amérique constitue l’un des avatars où s’incarne la progressive remise en cause du modèle aristocratique « galant » au profit d’une virilité roturière, compatible avec les valeurs citoyennes et guerrières et les valeurs familiales promues par la Révolution.
520Audrey Gilles-Chikhaoui, « Érotisation du corps masculin dans L’Heptaméron, entre polyphonie et polyscopie »
Les représentations du corps masculin érotisé semblent peu présentes dans L’Heptaméron. La tension érotique autour de ces corps naît cependant des motifs de la parole et du regard dans les nouvelles 9, 14, 43 et 50 et proposent ainsi une réflexion sur la virilité renaissante.
Isabelle Imbert, « Homme d’Orient, Homme d’Occident. La virilité comme marque d’altérité durant la période moderne »
Résultat du mouvement initié de l’Europe vers l’Iran, les relations de voyage se multiplient au début du xviie siècle et fournissent un large nombre de descriptions d’hommes iraniens de tous les milieux sociaux. Ces textes permettent d’analyser les prismes culturels au travers desquels les Européens s’entrevoient et définissent leur propre masculinité. La réciproque est également abordée par l’étude des peintures persanes contemporaines montrant les Européens et leur mode de vie.
Jean-Damien Mazaré, « Si le ruban de l’âge classique fait l’homme, la femme, ou la machine à écrire »
Sous l’Ancien Régime, le port du ruban n’a pas de signification proprement féminine ou masculine : le ruban a plutôt une fonction sémiologique, performant ou échouant à performer une différence des sexes fondées sur d’autres critères (historiques, économiques, sociaux, politiques…) que le critère du sexe. Nombre de fictions de l’âge classique utilisent ainsi le port du ruban comme un révélateur du rapport problématique entre les genres.
Anne Debrosse, « Visages d’hommes, persona de femmes »
L’article s’attache à poser un premier jalon pour répondre à la question suivante : les autrices ont-elles été volontiers utilisées comme modèles, au sens plein du terme, par les écrivains ? Si Ovide et Horace ne font pas mystère de leur dette envers Sappho, ils semblent constituer une anomalie dans l’histoire, puisque si les traces d’évocation d’autrices sont assez faciles à trouver, leur utilisation comme véritables modèles est rarissime. Il s’agit d’en comprendre les raisons.
521Emmanuel Buron, « Massinisse ou l’aliénation dans les tragédies d’Antoine de Montchrestien et de Nicolas de Montreux »
Cette communication analyse le rôle de Massinisse dans les Sophonisbe de N. de Montreux et d’A. de Montchrestien (publiées en 1601). Après la victoire de Rome comme en France après les guerres de religion, le développement d’un État centralisé impose un modèle de masculinité fait de maîtrise de soi (Scipion) contre une virilité héroïque faite de force et de passion. Massinisse apparaît comme aliéné et comme barbare quand il épouse contre Rome la cause de Sophonisbe et de l’Afrique.
Marie Saint Martin, « Un héros “tout hérissé des épines du grec” : fortunes d’Hippolyte sur le théâtre classique français »
Du modèle tragique grec aux épigones modernes, le personnage d’Hippolyte subit une série de transformations qui soulignent la dépendance des dramaturges à l’égard d’un public renouvelé, dont les attentes esthétiques, mais également éthiques, dessinent un déplacement important des représentations liées à la construction des figures héroïques masculines. Ces métamorphoses, soutenues par le redéploiement de l’intrigue amoureuse, témoignent d’une redéfinition en profondeur des passions tragiques.
Florence Dupont, « Anachronismes essentialistes et anachronismes exploratoires dans les études de genre. Un exemple : Médée d’Euripide »
L’article pose comme principe que l’anachronisme est une maladie endémique des études anciennes. Ainsi, la Médée d’Euripide a fait l’objet de lectures féministes, selon le postulat d’une bipartition des sexes qui serait éternelle. En fait, grâce à l’anthropologie historique, on voit que cette dernière ne tient pas pour les corpus antiques. Il apparaît que Médée n’est pas une « femme » (gunè), mais avant tout un masque, qui performe une voix féminine puis une voix masculine.
Cyril Gendry, « Achille et Patrocle ou la virilité comme bouclier amoureux »
À la fin de la Renaissance, la référence aux deux héros de l’Iliade Achille et Patrocle a pu permettre d’évoquer l’amour entre hommes. Cependant, en quelque sorte protégés par leur virilité guerrière, ils n’illustrent que de manière 522positive les relations entre les puissants et leurs mignons. C’est ce paradoxe entre des sentiments homosexuels réprouvés et des couples loués à travers des figures mythologiques que cherche à explorer cette étude.
Dominique Bertrand, « Dassoucy, un “mâle étrange” en mal de reconnaissance. Trouble dans la représentation sexuelle »
Le poète Dassoucy, dont la vie scandaleuse le conduisit à trois reprises en prison, tente de conjurer ce traumatisme par un récit burlesque, dans lequel la posture diogénique lui permet d’explorer une relation de soi à soi marquée par un brouillage textuel tout autant que sexuel.
Raphaëlle Brin, « Casanova, icône virile ? Enjeux et ambiguïtés d’un “mythe sexuel” »
Fellini tenait Casanova pour une « image sacrée de la virilité » et le définissait en premier lieu par sa puissance sexuelle. Une lecture plus serrée de l’Histoire de ma vie révèle cependant la coexistence, sous la plume du Vénitien, d’imaginaires opposés. L’un, hérité du modèle libertin, exalte la puissance phallique et définit les contours d’une virilité triomphale, idéalement vécue comme héroïque ; l’autre s’emploie à nier la différence des sexes.
Gary Ferguson, « Jeanne Flore pédéraste »
Les Comptes amoureux de Jeanne Flore ont été souvent lus au prisme du sexe supposé de leur auteur : manifeste féministe si l’on imagine pour auteur un groupe de femmes, masculiniste dans le cas contraire. Il est possible également de relever la présence d’un désir homoérotique, qui fait l’objet d’un gommage seulement partiel et demeure en filigrane de la masculinité renaissante.
Nina Hugot, « “Monstre toy non point femme mais homme”. Performances du masculin dans la tragédie humaniste »
Cet article s’intéresse à la représentation du masculin dans la tragédie française de la Renaissance. Si nombre de discours normatifs sur le genre apparaissent dans la bouche des personnages, ils sont mis en tension par le constat de comportements transgressifs sur la scène qui prennent, pour le 523masculin, essentiellement la forme de l’effémination. Les personnages masculins entendent alors démontrer sur scène leur virilité, indiquant à quel point le genre se construit par la performance même.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-10020-1
- EAN : 9782406100201
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10020-1.p.0515
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/11/2020
- Langue : Français