Avant-propos
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Histoires, femmes, pouvoirs Péninsule Ibérique (ixe-xve siècle). Mélanges offerts au Professeur Georges Martin
- Authors: Jardin (Jean-Pierre), Rochwert-Zuili (Patricia), Thieulin-Pardo (Hélène)
- Pages: 7 to 10
- Collection: Encounters, n° 368
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Avant-propos
Lisez les grands maîtres en tâchant de saisir leur procédé, de vous rapprocher de leur âme, et vous sortirez de cette étude avec des éblouissements qui vous rendront joyeux.
Gustave Flaubert, Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 18 mai 1857.
En este tiempo se fallan pocos los que assi quieren amar porende son pocos los amigos que ayan en si conplida amistad.
Alfonso X el Sabio, Sept Parties, Quatrième Partie, titre XXVII, loi VI.
Rares sont ceux qui, animés d’une générosité désintéressée et d’une passion sans faille, créent une véritable « école » et marquent de leur empreinte la carrière et la vie de disciples mus par l’exigence qui leur a été transmise et par la profonde amitié qui les lie.
Tel est le cadeau que Georges Martin nous a offert et dont nous tenons à le remercier chaleureusement en lui rendant hommage à travers ce livre qui voit (enfin !) le jour.
Tout a commencé à l’Université Paris XIII, dans la salle D 206 où, dans le sillage de cette figure imposante qu’était le Professeur Jean Roudil, Georges Martin a donné vie à de multiples projets de recherche et suscité de nombreuses vocations, réunissant autour de lui étudiants et chercheurs désireux de découvrir le Moyen Âge et de le faire vivre.
C’est dans la salle D 206, au milieu des étagères chargées de livres et à côté du mythique lecteur de microfilms, que nous avons assisté aux séances mémorables du Séminaire d’Études Médiévales Hispaniques, participé à de nombreuses soutenances de maîtrise et de DEA, et contribué 8à la correction minutieuse des épreuves des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, dont Georges Martin avait repris la direction en les ouvrant à la civilisation.
C’est là, aussi, que nous avons eu l’honneur et le privilège de découvrir les tout premiers résultats de la recherche qu’il menait alors dans le cadre de la préparation de sa Thèse d’État, et qui allait déboucher sur cet ouvrage majeur que constitue Les Juges de Castille. Mentalités et discours historique dans l’Espagne médiévale.
Puis, après un bref passage rue des Bernardins, l’histoire a continué au Colegio de España de la Cité Internationale Universitaire de Paris. En tant que co-responsable du Séminaire Moyen Âge espagnol, Georges Martin a fondé l’un des principaux lieux de formation et de diffusion dans le domaine des études hispaniques médiévales. Là est né, entre autres, le projet ambitieux d’une traduction collective de la Segunda Partida, qu’il a ensuite dirigée depuis l’ENS de Lyon, où il a réuni périodiquement un véritable « atelier » de traducteurs. De ces séances de travail intensif mais aussi de partage, qui ont contribué à resserrer les liens qui nous unissent, nous gardons un précieux souvenir.
Par ses cours fascinants, ses projets créatifs et sa recherche ambitieuse et pionnière, Georges Martin est un exemple pour nous et pour tous ceux qui ont travaillé avec lui. À tous, étudiants ou collègues de Paris XIII, de l’ENS de Lyon ou de Paris-Sorbonne, et partenaires de France ou d’ailleurs, il a communiqué sa passion pour la langue, les textes et l’histoire du Moyen Âge hispanique.
Autour du maître et de ses travaux, en particulier ceux qu’il a consacrés au discours historique, s’est progressivement constituée une équipe de chercheurs enthousiastes que Georges Martin a eu à cœur de réunir au sein du SEMH-Sorbonne et dans des groupements de recherche CNRS interdisciplinaires et internationaux : d’abord le SIREM (Séminaire Interdisciplinaire de Recherches sur l’Espagne Médiévale, 2001-2009), puis AILP (Approche Interdisciplinaire des Logiques de Pouvoirs dans les sociétés ibériques médiévales, 2009-2012). Ces structures ont permis la création de puissants réseaux d’équipes et de chercheurs qui, aujourd’hui encore, travaillent ensemble.
Sans cesse animé par le souci de faire vivre le médiévisme et de contribuer à son rayonnement, Georges Martin a aussi fondé, en 2006, la revue électronique e-Spania, puis, en 2010, la structure éditoriale Les 9Livres d’e-Spania, qui figurent désormais parmi les principaux organes de diffusion des travaux portant sur la péninsule Ibérique médiévale.
Au-delà du médiévisme, dans le but de promouvoir la recherche dans tous les domaines de l’hispanisme, il a créé en outre, lors de son mandat comme Président de la Société des Hispanistes Français, les bourses SHF, permettant à de jeunes doctorants de séjourner dans la péninsule Ibérique ou en Amérique latine pour y mener à bien leurs travaux.
À travers toutes ces actions et bien d’autres encore, Georges Martin nous a communiqué son intérêt constant pour la transmission et la diffusion du savoir, son goût pour le travail en équipe, nous invitant, en tant que disciples et amis, à poursuivre sa tâche.
C’est au maître respecté, au chercheur talentueux et à l’ami cher que ce volume veut rendre hommage. Il est le reflet des liens scientifiques et personnels que Georges Martin a tissés au cours de sa carrière.
Histoires, femmes, pouvoirs constituent les trois piliers de sa recherche et des programmes internationaux qu’il a créés et dirigés. Ce livre réunit des travaux de ses étudiants, de ses collègues et de ses amis qui ont généreusement accepté d’apporter leur contribution à une réflexion collective.
Les articles regroupés dans la première partie, intitulée « Histoires et discours », portent sur le discours historique et poétique, et accordent une attention particulière aux stratégies discursives développées dans les textes. L’historiographie des différents royaumes hispaniques s’y taille la part du lion : neuf articles traitent en effet des chroniques et estoires médiévales, dans un ample éventail chronologique allant des premiers textes postérieurs à l’invasion musulmane aux œuvres des derniers siècles médiévaux, de la Chronica Byzantia-Arabica aux chroniques royales ou nobiliaires du Moyen Âge tardif. Les autres discours littéraires ne sont pas oubliés pour autant : la poésie avec l’œuvre d’Ausiàs March, la fable, l’épopée ou le recueil de miracles sont évoqués dans différentes études. En ouverture de cette partie, mais aussi de l’ensemble du volume, le lecteur trouvera une étude fouillée de ce qu’a été l’apport de Georges Martin à l’étude des textes et discours médiévaux.
La deuxième partie, intitulée « Femmes et textes », est consacrée à la question des femmes et de leur rapport au pouvoir. Y trouvent place aussi bien des femmes de chair et d’os, infantes, reines ou simplement rebelles (l’aristocrate Aurovellito y côtoie Marguerite de Prades, l’infante 10Constance, Leonor López de Córdoba ou les femmes de Valence confrontées à la mort) appréhendées à travers les écrits qu’elles nous ont laissés (mémoires, lettres, testaments), que des représentations littéraires de ces mêmes femmes (les femmes de pouvoir du xve siècle, l’infante Médée dans l’Estoria de España) converties en modèles proposés aux lecteurs et, plus encore, aux lectrices des œuvres dans lesquelles elles apparaissent.
La troisième partie, qui porte le titre de « Pouvoirs et lois », est centrée sur les fondements et les pratiques du gouvernement. Les textes juridiques castillans, aragonais et catalans y sont largement sollicités (Libro de los fueros de Castilla, Partidas, Fuero Juzgo), parallèlement à des textes de nature plus strictement « littéraire » (Libro de Alexandre, Libro del Tesoro, Gesta comitum Barcinonensium), afin de mettre en évidence les conceptions, représentations et expressions des pouvoirs en place dans la péninsule Ibérique médiévale. Parmi les thèmes qui sont abordés figurent, notamment, la « naturalité », le conseil, ou encore les vertus royales, qui permettent d’observer la façon dont la royauté et l’aristocratie s’employèrent à conforter leur place au sein de la société.
La volonté de tous les auteurs de ce volume, rejoignant le désir de ses éditeurs, est de proposer ainsi aux lecteurs, et d’abord au premier d’entre eux, une vision aussi complète que possible (mais non exhaustive !) de tous ces axes d’étude qui n’auraient jamais pu se développer comme ils l’ont fait s’ils n’avaient pas bénéficié, à un moment ou à un autre, de l’ímpetu martinien.
Ces quelques lignes ne sauraient s’achever sans évoquer l’Espagne où, maître renommé et aimé, Georges Martin poursuit aujourd’hui une seconde carrière, invité partout à transmettre son savoir. C’est là, dans cet ático de Madrid, sur une terrasse plein ciel où se côtoient les plantes et les oiseaux qu’il soigne et nourrit avec une attention toute particulière, que nous avons le bonheur de le retrouver. L’histoire continue…
Jean-Pierre Jardin,
Patricia Rochwert-Zuili
et Hélène Thieulin-Pardo
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-08155-5
- EAN: 9782406081555
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08155-5.p.0007
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-20-2018
- Language: French