Biographie d’Henri Zimnovitch
- Ouvrage labellisé par le collège de labellisation de la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (FNEGE)
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Histoire, management et société. Mélanges en l’honneur d'Henri Zimnovitch
- Pages : 643 à 647
- Collection : Rencontres, n° 544
Biographie
d’Henri Zimnovitch
Ils s’imaginent que s’ils avaient obtenu cette charge ils se reposeraient ensuite avec plaisir et ne sentent pas la nature insatiable de la cupidité. Ils croient chercher sincèrement le repos, et ne cherchent en effet que l’agitation.
Pascal
Henri Zimnovitch est né le 6 décembre 1952 à Boulogne-Billancourt. Il a passé un bac C en 1970, avec la mention Assez bien. Lycéen, c’est mathématicien qu’il voulait être, mais il ne suffit pas d’être assez bon pour entrer à l’École normale supérieure. À défaut, il choisit de suivre une formation à l’école supérieure de commerce de Rouen et à l’école d’ingénieurs de l’Institut textile de France avant de rejoindre, en 1976, la PME familiale (BIO), spécialiste du chiffon d’essuyage. Au cours de ses études, les stages qu’il fit chez BIO, ses fournisseurs et ses concurrents lui donnèrent une connaissance de l’entreprise et de son environnement qui lui permit d’en prendre la responsabilité à 25 ans, son père ayant connu des problèmes de santé et atteint l’âge de la retraite.
Le développement qu’Henri Zimnovitch donna à BIO entre 1976 et 1991 suit un chemin stratégique classique :
1. Intégration en amont, par quasi-concentration, en proposant à des confrères de créer en 1976 la société Recollect pour récupérer en France des textiles usagés selon un business model innovant (association avec des œuvres caritatives), puis création en 1980 de TIO pour recycler la matière première issue de Recollect.
6442. Pour parfaire le recyclage du textile, il s’associa à d’autres sociétés pour fonder la CFRT (tri des vêtements pour l’exportation) et SNCPA (fabrication de carton-feutre).
3. Le chiffon d’essuyage textile étant en phase de déclin, Henri Zimnovitch orienta BIO dès 1976 vers la fabrication et la vente des produits de substitution, en papier et en non-tissé, qui venaient d’apparaître.
4. À côté de cette diversification, concentrique, sur un nouveau domaine d’activité, il diversifia l’entreprise avec la distribution auprès des industries et des collectivités basées en Île-de-France, en Picardie et en Normandie (où BIO était implanté, de produits d’hygiène et de nettoyage complémentaires de l’essuyage. Il développa chez TIO, située dans le Poitou, cette activité et, avec la création en 1985 de CDO, à Orléans, c’est une grande partie de l’ouest de la France qui était couvert.
5. Enfin, au milieu des années 1980, il a créé Euro-Act, selon le principe de la coopétition, avec des entreprises concurrentes implantées dans les autres régions de France, pour obtenir les meilleures conditions d’achat auprès des fournisseurs, diffuser les best practices et servir au mieux la clientèle.
La stratégie suivie peut donner l’impression d’une progression paisible pour la société. En fait, il y eut deux périodes : les vaches maigres jusqu’en 1983, puis les vaches grasses pour les sept années qui suivirent. Encore cela ne concerne-t-il que les aspects financiers. Henri Zimnovitch ayant délégué le management de la production, il ne chercha pas à changer les méthodes tayloriennes qui étaient employées. Il n’innova pas davantage en matière d’éthique des affaires, sujet qui n’était pas alors abordé.
Cette question, cependant, le préoccupait. Étudiant, il s’était intéressé à la philosophie, d’abord pendant son année de préparation à HEC, ensuite, parallèlement à ses études professionnelles, en faisant une licence en philosophie. La lecture de La révolution du temps choisi, que publia en 1980 le club « Échange et Projets » fondé par Jacques Delors, dans les idées duquel il se reconnaissait, le fit rejoindre cette association.
La lecture des deux tomes du Traité du désespoir et de la béatitude (André Comte-Sponville, 1984, 1988) marqua aussi sa réflexion personnelle et le conduisit à envisager un changement d’orientation, notamment 645professionnelle, au début des années 1990. Ayant le sentiment d’être allé au bout d’un cycle dans son secteur industriel, ne trouvant pas de relais de croissance, bien que son poste de conseil auprès de l’Agence pour la promotion et le développement de l’industrie lui procurât un observatoire sur l’innovation, il profita des opportunités de céder ses actions pour prendre une autre voie.
BIO, TIO, CDO furent vendues aux cadres qui travaillaient dans ces entreprises. Elles connaissent encore aujourd’hui la prospérité. Recollect, CFRT et SNCPA, dont les participations furent acquises par des confrères, ont disparu dans les années 2000. Une offre pour enseigner à mi-temps à l’école supérieure de commerce de Tours le confirma dans son goût pour la pédagogie. Mais, début des années 1990, avoir une expérience professionnelle réussie ne suffisait plus pour se maintenir durablement dans l’enseignement supérieur de la gestion, il fallait parallèlement faire de la recherche.
Pendant l’année universitaire 1991-1992, Henri Zimnovitch suivit le DEA en gestion que les universités de Poitiers et Tours proposaient. Le modèle de recherche qui était alors en vigueur était un cadre hypothético-déductif, suivi d’une vérification empirique soit par enquête postale, soit par entretiens. Les cours d’épistémologie qu’il avait suivis une vingtaine d’années auparavant et la lecture de La logique de la découverte scientifique de Popper le conduisirent à ne pas adhérer à cette méthode. Jean-Louis Malo, qui fut son directeur de thèse, lui suggéra de s’intéresser aux travaux que venaient de soutenir Marc Nikitin et Yannick Lemarchand en histoire de la comptabilité. Sans cette ouverture, Henri Zimnovitch n’aurait pas poursuivi dans l’enseignement supérieur en gestion.
Au tournant des années 1990, une nouvelle méthode de comptabilité de gestion avait fait son apparition aux États-Unis : l’Activity Based Costing (ABC). S’appuyant sur l’histoire de la comptabilité dans leur pays, leurs promoteurs montraient que les méthodes classiques avaient perdu leur pertinence compte tenu des évolutions techniques. La thèse d’Henri Ziminovitch sur l’histoire des prix de revient en France fait apparaître les différences avec la situation outre-Atlantique. Dès lors, les conclusions qui avaient motivé la conception de l’ABC, valables dans le cas de l’Amérique, devaient être critiquées avant d’être utilisées en France. Au-delà du calcul des coûts, la thèse se voulait un avertissement supplémentaire contre une illusoire universalité des techniques de 646gestion, ainsi qu’une amorce de réflexion épistémologique. Comme l’a dit le médiéviste Jacques Le Goff : « le métier d’historien est un métier de la vérité », il exige une fidélité aux archives, aux témoignages, trop souvent absente dans les enquêtes en gestion. L’autre critique adressée aux sciences de gestion, sciences de l’action, portait sur l’insuffisante prise en compte des réalités des organisations, au risque d’une dérive scolastique qui ne pouvait convenir à une discipline pragmatique dans laquelle la recherche-action devait occuper une place centrale. Enfin, la thèse faisait le procès du corporatisme, pas seulement professionnel, qui avait recours à l’abstraction moins pour générer de la connaissance que pour favoriser un repli sur soi académique. Dans le travail de thèse, la perspective externaliste était privilégiée. La perspective internaliste ne fut exploitée qu’une douzaine d’années plus tard, dans le cadre d’une collaboration avec son collègue Yves Levant, afin de mettre en évidence une évolution des méthodes de coûts selon un modèle cyclique, alors qu’elle est irréversible dans les sciences.
Dans l’intervalle, outre les événements familiaux, Henri Zimnovitch s’intéressa à des sujets différents sous l’effet des crises. Après celle de 2001-2002, il analysa l’éclatement de la bulle Internet dans la perspective de l’émergence de la troisième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies de l’information, du néolibéralisme, du management et de l’éconophysique. Il rappela les risques posés par la finance mathématique et la comptabilité créative avec, en conséquence, la responsabilité des enseignants-chercheurs dans ces disciplines. Après la crise de 2007-2008, il eut l’opportunité d’assister Roland Pérez, qui venait de créer, pour la revue Économies et Sociétés, une série consacrée à la finance et mener une réflexion critique à son endroit. Quand la revue disparut, ils fondèrent avec deux autres amis, Philippe Gillet et Jacques Ninet, Entreprise & société, dont l’objectif est de proposer une revue scientifique francophone en gestion, ouverte sur les autres sciences humaines, sans exclusive de méthode pourvu qu’elle fût rigoureuse, soucieuse d’utilité pour la cité, ainsi que les différents dossiers qui furent abordés (responsabilité sociale de l’entreprise, loi Pacte, biens communs, innovation sociale…) et les personnalités qui furent invitées (Julie Battilana, André Comte-Sponville, Cécile Renouard, Alain Supiot…) l’illustrent. À l’heure des classements des revues, Henri Zimnovitch s’interrogea sur les effets de standardisation que ces notations faisaient peser sur la recherche en gestion.
647Pour celle-ci, convaincu des vertus de la recherche-action, il aurait souhaité travailler sur la spécificité du management des entreprises d’insertion, ou assimilées, comme celles qui réussissent aujourd’hui dans le domaine du recyclage textile, dans lequel il a commencé sa vie professionnelle. Espérons pour lui que l’opportunité se présentera. Après tout, fort de son expérience dans la transformation des non-tissés, il vient de créer en France, avec son épouse, une entreprise de fabrication de masques chirurgicaux – crise de la Covid oblige.
- Thème CLIL : 3341 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique -- Histoire de la pensée économique
- ISBN : 978-2-406-12989-9
- EAN : 9782406129899
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12989-9.p.0643
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 31/08/2022
- Langue : Français