Établissement du texte et principes d’édition
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théâtre complet. Tome IV
- Pages : 27 à 33
- Collection : Bibliothèque du théâtre français, n° 56
Établissement du texte
et principes d’édition
L’édition princeps du quatrième tome du Théâtre d’Alexandre Hardy présente un état correct du texte, avec peu de fautes de composition. Nous suivons les principes d’édition de la collection « Classiques Garnier » (modernisation pour les textes du xviie siècle) mais nous avons choisi de rester proches de l’état initial, notamment pour ce qui est de la ponctuation dont on sait l’importance pour le texte théâtral. Nous présentons ci-dessous, sans les détailler, les opérations de modernisation et de correction que nous avons pu mener sur l’édition princeps.
Établissement du texte
Comme il a été dit dans l’introduction de ce quatrième tome, David du Petit Val n’a donné qu’une seule édition de l’ouvrage, parue en juin 1626. Nous nous sommes fondés sur un des exemplaires de ce volume conservés à la BNF (cote RES Yf4464) : il s’agit de l’exemplaire qui a été numérisé et mis en ligne sur le site Gallica. Ce volume correspond au second état de l’édition qui est sorti des ateliers rouennais de David du Petit Val et dont on a conservé le plus d’exemplaires. En effet, Alan Howe a pu établir qu’il existe deux états de cette édition, la première vraisemblablement livrée au début du mois de juin 1626, la seconde probablement un mois plus tard1. Il y a peu de variantes entre les deux états : seule la dernière page a été corrigée par l’imprimeur qui a aussi remplacé le premier privilège qu’il avait pris par un nouveau. Nous donnons les deux privilèges à la suite des pièces liminaires.
28Nous reprenons à Alan Howe la collation du volume tel qu’on le trouve le plus couramment :
LE / THEATRE / d’Alexandre / Hardy / Parisien. / DEDIÉ / A. / Monseigneur / le / Prince / TOME QVATRIESME. / De L’Imprimerie de Dauid du Petit / Val Imprimeur du Roy a Rouen. / M.DC.XXVI. / Auec Priuilege du Roy.
Collation : 8o : Titre gravé + ã8 A-2P8 [ã4 non signé], 312 feuillets (+ titre gravé), pp. [16] 1-607 [608] [erreur d’impression 272 pour « 172 », 303 pour « 103 », 381 pour « 383 », 384 pour « 386 »].
Contenu : titre gravé (verso blanc) ; ã1a-ã3b dédicace à Monseigneur le Prince ; ã4a-ã5a « Au Lecteur » ; ã5b poème de l’Atre ; ã6a poème de Guillebert ; ã6b vierge ; ã7a page de titre de La Mort de Daire ; ã7b-ã8a « Argument » de la pièce ; ã8b liste des « Acteurs » de la pièce ; A1a-2P8a texte des sept pièces : La Mort de Daire, La Mort d’Alexandre, Aristoclée, Frégonde, Gésippe, Phraarte, Le Triomphe d’Amour ; 2P8b « Extrait du priuilege du Roy ».
Exemplaires : BNF, Rés Yf.2977 et Rés. Yf.4464 ; Arsenal, Rf. 6223 (4) et 8o BL 12646 ; Bibl. de la Sorbonne, R. ra. 452 (12o) ; Bibl. Mazarine, 21775
Le premier état de l’édition 1626, correspondant au livre offert au prince de Condé, est conservé à la BNF sous la cote RES Yf.4468.
Principes généraux d’édition
L’édition de ce quatrième volume s’inscrit dans la continuité du travail effectué depuis la publication du premier tome du Théâtre, dirigée par Charles Mazouer. Les principes d’édition que nous avons suivis poursuivent ceux des précédents ouvrages : nous en rappelons ici les grandes caractéristiques.
29Graphie
Nous avons systématiquement remplacé l’orthographe ancienne par l’orthographe actuelle, en suivant les principes de dissimilation ordinaires : i par j, u par v, & par et, ſ par s, ß par ss, x par s ou s par x, z par s, ç par s, õ par on, ã par an, eu par u ou par ou, y par i, es par é, ei par é ou è, ez par és pour les pluriels, les formes verbales en oi par celles en ai. Cela nous a aussi conduit à pratiquer les suppressions habituelles : suppression des trémas, des s après voyelle, des accents circonflexes, des consonnes redoublées, des voyelles et des consonnes intermédiaires, des espaces et des apostrophes dans certains mots. Les conjugaisons des verbes ont été systématiquement modernisées : nous avons supprimé les imparfaits et les conditionnels en -oi, les formes plurielles en -ez, ajouté les désinences actuelles aux impératifs ou aux premières personnes du singulier. L’accentuation des mots a été elle aussi modernisée : des accents ont été ajoutés, supprimés ou remplacés selon les cas. Nous avons supprimé les fluctuations dans les usages, en particulier pour les prépositions ou les conjonctions (à/ou) : nous avons uniformisé selon la graphie moderne. Nous n’entrons pas dans le détail des modifications opérées sur le texte : elles sont courantes dans le cas des éditions modernisées.
La limite que nous nous sommes donnée est le respect du mètre et de la rime : nous n’avons pas modernisé la graphie dans les cas où cela modifierait le nombre de syllabes ou les sons finaux. Le lecteur trouvera à la fin de chacune des introductions des pièces la liste des rimes qui n’ont pas été modifiées, ainsi qu’une liste des coquilles, entendues comme erreurs de composition. L’orthographe du xviie siècle étant très libre, nous n’avons pas considéré comme coquilles ce qui n’est sans doute qu’une variation parfaitement admise de la forme de certains mots.
Les majuscules et les minuscules sont un cas à part dans ces opérations de modernisation. Dans la plupart des cas, nous avons choisi de conserver l’usage des majuscules à l’initiale de certains noms communs : nous avons considéré que l’auteur ou l’imprimeur donnaient par là un relief particulier à un mot. Mais nous avons toujours veillé à la cohérence et à la systématicité de leur emploi. Lorsque, dans une pièce, un même mot reçoit aussi bien une majuscule qu’une minuscule, nous avons opté pour l’usage majoritaire. Nous avons aussi mis une majuscule à certains 30mots lorsqu’ils désignent une divinité ou une puissance transcendante, afin de distinguer d’autres sens qu’ils pourraient avoir : c’est le cas en particulier pour l’Amour, le Ciel ou la Nature.
Ponctuation
Nous avons cherché à respecter la ponctuation de l’édition princeps qui a souvent une fonction respiratoire plutôt que syntaxique, comme c’est encore l’usage dans le théâtre du xviie siècle. Cependant, conformément aux principes en vigueur dans la collection, nous avons choisi de moderniser certains usages pour faciliter la compréhension et clarifier la syntaxe dans la mesure du possible. Sans doute faut-il préciser sur ce que nous entendons par modernisation : il ne s’agissait pas de refondre toute la ponctuation selon les principes actuels. Ce travail a consisté en deux opérations distinctes : l’une qui a cherché à simplifier la ponctuation pour mieux faire apparaître la structure syntaxique dans certains cas spécifiques mentionnés ci-dessous ; l’autre qui a été conçue comme la traduction d’un signe ancien par un autre qui pourrait avoir une valeur comparable dans le système de ponctuation actuel afin de mieux marquer une pause ou une inflexion de phrase. Nous avons ainsi cherché un équilibre entre le nécessaire respect philologique pour ne pas dénaturer ou déterminer à outrance la prosodie et le souci du lecteur contemporain pour lui permettre d’accéder à ce théâtre sans trop de difficultés. Les paragraphes qui suivent présentent de manière synthétique les principes que nous nous sommes donnés au cours de ce travail d’édition.
Le remplacement le plus systématique a concerné les deux points lorsqu’ils précèdent un alinéa. L’usage en est constant dans le tome IV et cette ponctuation sert à signaler une pause et une articulation logique au sein d’une tirade. En fonction du sens, nous avons remplacé les deux points par un point-virgule lorsque les deux paragraphes sont fortement articulés, par un point lorsque le lien logique est moins sensible. Dans quelques rares cas, nous avons remplacé les deux points par un point d’interrogation, voire par des points de suspension.
Toujours pour des raisons de clarté et de confort de lecture, nous avons augmenté la présence des marques d’interrogation. Nous avons remplacé systématiquement le point par un point d’interrogation pour mieux faire apparaître la structure des phrases interrogatives directes ; nous en avons usé de même pour certaines exclamatives lorsque celles-ci 31ne se repéraient pas facilement ; mais nous avons été plus économes avec les points d’exclamation qui pouvaient surcharger inutilement l’aspect du texte.
Pour mieux indiquer les vers interrompus par l’arrivée d’un personnage, par une autre réplique ou par un jeu de scène particulier (par exemple, lorsque meurt un personnage), nous avons choisi de remplacer la virgule ou les deux points qui indiquent les pauses les plus brèves par les points de suspension qui sont à peu près leur équivalent dans le système actuel et dont l’emploi se généralise dans l’édition théâtrale dès les années 1630.
Enfin, les deux opérations les plus fréquentes ont été, d’une part, de mieux marquer les propositions indépendantes en remplaçant les virgules par des points-virgules ; d’autre part, de supprimer systématiquement les virgules lorsqu’elles interrompent les liaisons syntaxiques fondamentales, en particulier en fin de vers : séparation du sujet et du verbe, du verbe et du complément d’objet direct ou indirect, du nom et de son complément. L’édition princeps utilise très couramment une virgule pour marquer la fin du vers et indiquer un léger suspens dans la lecture. Pour simplifier la présentation du texte et dans les cas où le signe s’interpose entre deux éléments forts de la phrase, nous avons opté pour la suppression.
Bien entendu, nous excluons de ce principe les cas d’incise ou d’apposition, nombreux sous la plume de Hardy. Il arrive que les incises et les appositions ne soient signalées que par une seule virgule ; nous avons alors généralisé l’usage d’un signe qui marque le début et la fin du syntagme.
Note sur la versification
dans le Théâtre d’Alexandre Hardy
Pour éviter de surcharger les notes de bas de page, nous n’avons pas signalé les nombreux cas de diérèse dans le texte d’Alexandre Hardy. Comme dans le théâtre versifié du xviie siècle, les mots terminés par -ion, -iance, -ience, les adjectifs terminés par -ieux, -ieuse, -ienne ou -iente, 32certains noms ou verbes qui ont un hiatus (mariage, piété, fier, lien mais aussi ruine, très fréquent, ou fuir) comportent des diérèses qu’il ne faut pas oublier de faire entendre pour que la mesure du vers soit juste.
D’autres usages sont moins connus parce qu’ils sortent de la versification théâtrale peu de temps après Alexandre Hardy ; ils sont néanmoins fréquents dans son œuvre et nous avons choisi de ne pas les signaler systématiquement. Cette note éclaire les lecteurs sur trois spécificités de la versification au début du xviie siècle :
–le [h] à l’initiale d’un mot est aspiré et fonctionne comme une consonne2 ; par conséquent, si le mot précédent s’achève par un [e] muet, celui-ci se prononce comme c’est le cas lorsqu’il se trouve devant une consonne. Ainsi dans ce vers de la Mort d’Alexandre (« Déclare hardiment ce qu’ajoutent les Dieux3 »), le premier mot « Déclare » contient trois syllabes ;
–le [e] muet après une voyelle et devant une consonne se prononce et compte pour une syllabe. Il s’agit d’un héritage de la versification médiévale, encore très répandu au xvie et au début du xviie siècle4. Par exemple, dans « Ma vie s’offrirait volontiers de rançon » (Aristoclée, acte III, v. 623), « vie » compte pour deux syllabes [vi-e]. Dans le théâtre d’Alexandre Hardy, ces cas sont nombreux : nous nous sommes résolus à ne pas les indiquer par une note pour éviter les répétitions fastidieuses. Voici deux autres exemples qui montrent la variété des cas : « Convaincues sur l’heure on vide ce procès ; » ([con-vain-cu-es], Phraarte, acte I, sc. 3, v. 287) ; « Ah sur le seuil ma Clitie m’attend » ([Cli-ti-e], Triomphe d’Amour, acte I, sc. 4, v. 406) ;
–une conséquence de la règle précédente est que certaines désinences verbales qui contiennent un [e] muet, peuvent compter pour deux syllabes lorsqu’elles précèdent une consonne, alors qu’aujourd’hui nous ne lirions qu’une seule syllabe. C’est le cas en particulier pour les verbes en ier, oyer ou oire (envoyer, guerroyer, ployer, croire, etc.), pour la désinence des troisièmes personnes du singulier et du pluriel du présent ou de l’imparfait. Les vers suivants sont des exemples pris 33–au hasard : « Que le Ciel ici-bas envoie, désireux » ([en-voi-e], La Mort d’Alexandre, acte III, sc. 2, v. 755) ; « Que mon sang épanché purifie mon crime » ([pu-ri-fi-e], Gésippe, acte III, sc. 1, v. 822) ; « Douze astres dessous lui s’influent tour à tour » ([s’in-flu-ent], Phraarte, v. 535) ; « L’honneur, Tyran fâcheux, guerroie mon amour » ([gue-rroi-e], Phraarte, acte IX, sc. 5, v. 1427).
1 Alan Howe, art. cité, p. 135.
2 Voir G. Gougenheim, Grammaire de la langue française du xvie siècle, Paris, Picard, Connaissances des langues, 1974, p. 27-28.
3 Alexandre Hardy, La Mort d’Alexandre, acte III, sc. 1, v. 679.
4 Voir M. Aquien, La Versification, Paris, P.U.F., Que sais-je, 1990, p. 15.
- Thème CLIL : 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN : 978-2-406-08682-6
- EAN : 9782406086826
- ISSN : 2261-575X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08682-6.p.0027
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/08/2019
- Langue : Français