[Introduction à la deuxième partie]
- Publication type: Book chapter
- Book: Gus Van Sant. Le sens du rythme
- Pages: 111 to 111
- Collection: Film Studies, n° 13
La question du film comme système suppose qu’il possède, en lui-même, son propre rythme. C’est un peu cette idée, déjà citée en introduction, que Gus Van Sant évoque en racontant la conception de Gerry : « Le premier plan du film dure deux minutes. Après ça, on ne peut pas vraiment se permettre un plan court, il faut continuer, ne pas s’arrêter : un plan de dix secondes aurait l’air bizarre. On avait toujours ça en tête en tournant Gerry : chaque plan devait conserver la même tension dans la durée1 ». De manière très pragmatique, le réalisateur considère ici que la vitesse assure la cohérence de son film ; or celle-ci ne peut se réduire à la seule durée des plans, mais réside également dans un agencement mobile (le film se déploie dans une durée) que le rythme permet d’appréhender. Afin de produire le sens, l’organisation rythmique présuppose des parties et un tout, dont les configurations des unes dans l’autre sont essentielles. L’ensemble « film », par sa durée objective, matérielle, est ici pertinent, dans un premier temps, pour étudier le système qu’il met en place. À l’instar d’Henri Meschonnic, il s’agit de considérer l’œuvre en elle-même, « comme totalité caractérisée par ses propres transformations, qui dépendent de ses lois internes2 ».
Dans plusieurs films de Gus Van Sant, des détails, exposés en très gros plans, provoquent des ruptures au sein du découpage : ils assurent le rythme d’une séquence par des effets de vitesse, d’intensité ou fonctionnent comme des démarcations. S’ils ne fondent pas, par eux-mêmes, un système rythmique pour l’ensemble d’un film, certains de ces détails ou motifs sont répétés et déployés au sein de celui-ci : ils acquièrent un sens spécifique. Certains motifs témoignent ainsi d’un thème, dont les répétitions et variations révèlent une forme rythmique. Mais le rythme peut aussi surgir grâce à un dispositif de narration, qui règle l’évolution du récit selon des choix de mise en scène qui se répètent.