Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Francis Ponge, ateliers contemporains
- Pages : 643 à 651
- Collection : Colloques de Cerisy - Littérature, n° 9
Résumés
Stéphane Bacquey, « Le colloque de Cerisy en 1975. Actes : Textualismes face au phénomène Ponge »
Le colloque de 1975, actes et circonstances, peut être relaté selon une dramaturgie qui a mis aux prises Ponge, en personne, avec un moment de sa participation au monde intellectuel, et son œuvre, avec un moment de sa réception critique. Là finit de se dénouer une alliance contractée, autour de Tel Quel, avec les développements de la théorie textualiste. La figure de Ponge s’en est trouvée changée, passant de la « grimace » que peuvent lui faire faire les idées à la « souche », où l’œuvre est consacrée dans la littérature française.
Jean-Charles Depaule, « Francis Ponge travaille »
Une tension majeure traverse le travail de Ponge : entre un terrorisme exercé sur soi-même, capable de mener à l’aphasie, et « une sorte de naïveté » expressive ; entre tenir, ou, à l’inverse, « rendre les rênes », « se lâcher », « laisser venir ». L’écrivain en décrit les modalités physiques – le corps assis à une table ou « vautré ». Il convient de rapprocher cette tension de l’idée d’un cérémonial textuel, tentative rituelle de dénouement ou de résolution, voire de réconciliation, que Ponge évoque à plusieurs reprises.
François Bizet, « L’heure végétale »
L’atelier entrouvert ici est celui d’un homme fasciné par l’altérité radicale dans l’ordre du vivant : la plante, c’est d’abord ce qui n’a « pas de tête », un super-organisme dont le corps ne tient pas dans un volume, comme celui de l’animal, mais se réitère sans cesse en multiples surfaces de captation. La poétique de Ponge, par mimétisme, semble s’être fondue dans ce mode d’être singulier, dans cet « élan vital », manière pour lui de « sortir du manège » anthropocentrique et zoo-centrique auquel nous sommes voués.
644Michel Collot, « Le parti pris des lieux »
L’écriture des lieux occupe une place croissante dans l’œuvre de Ponge à partir des textes réunis dans La Rage de l’expression. Ce parti pris des lieux, comme celui des choses, tend vers une approche aussi objective que possible mais inclut aussi une dimension subjective, qui permet de parler d’un « lyrisme objectif ». La démarche de Ponge est comparée à celle de deux contemporains qui s’en inspirent : celle de Jaccottet, plus lyrique, et celle d’Olivier Domerg, plus conforme au modèle pongien.
Jean-Luc Steinmetz, « Francis Ponge en personnes »
Cet article traite du sujet en question dans l’œuvre de Ponge, de l’usage que l’écrivain a des pronoms personnels et des commentaires qu’il en donne. L’étude répond à une mise en situation desdits pronoms – du Je auctorial au nous qui le multiplie, du singulier et du pluriel dans l’acte de communication et dans l’élan de la contradiction. Le narcissisme s’y défait au profit d’une troisième personne où parle le langage et où s’affirme la langue française en tant que lieu d’une « vérité qui soit verte ».
Élisabeth Cardonne-Arlyck, « Émotions de Ponge »
Les émotions saturent l’œuvre de Ponge. Issues d’un paysage ou d’un tableau, elles saisissent le poète : c’est le « sanglot esthétique ». Les mêmes symptômes qui affectent le corps en proie à l’émotion affectent le paysage. Absorption réciproque dynamisée par une appétence insatiable qui rapproche le poète des animaux, tous mus par une émotion singulière. L’ubiquité des émotions à travers l’œuvre tend vers une unicité du vivant qui semble anticiper sur les recherches actuelles des neurosciences et de l’éthologie cognitive.
Aziz Jendari, « Du premier Ponge au Parti pris des choses. Jeux et enjeux de la satire »
La satire est une des premières formes littéraires investies par Francis Ponge. Admirateur d’Horace, il fait de l’écriture satirique l’arme privilégiée de son opposition à l’ordre capitaliste-bourgeois et à l’aliénation qui en résulte, tout en cherchant à en renouveler les formes. On étudie ici cette double dimension 645de la satire – rhétorique et pragmatique – et ce qu’elle révèle des préoccupations esthétiques et éthiques du jeune Ponge, à travers un corpus qui va des premiers écrits aux textes du Parti pris des choses.
Marie Frisson, « De vers et de prose(s). Prosimètre et rage de l’expression chez Francis Ponge »
La Rage de l’expression marque un tournant dans l’œuvre de Francis Ponge, comme proposition formelle parmi d’autres expérimentées alors par le poète. Cette œuvre singulière s’apparente à un « dossier » qui fait tenir ensemble la pratique poétique et sa critique, l’histoire d’une recherche visant à sortir des codes poétiques habituels dans cet « effort contre la poésie ». Quelles relations peut entretenir cette forme mixte, alternant vers et prose, avec la tradition ancienne et codifiée du prosimètre ?
Bénédicte Gorrillot, « Des proêmes antiques aux proêmes pongiens »
Cette étude interroge l’appellation de « proême » dont Francis Ponge titre un livre paru en 1948 et un certain nombre de textes antécédents et ultérieurs. En convoquant les sources gréco-latines de l’auteur – problématiques –, on peut expliquer la variété formelle des proêmes pongiens, mais surtout la transformation, à partir de 1948, de ce lieu textuel inaugural en un genre autonome, ou plutôt en une modalité discursive proêmatique caractéristique de la dynamique profonde de l’écriture pongienne : inchoative-aoristique.
Jean-Marie Gleize, « Poète, pas très »
Poète pas très revient sur la dimension critique et autocritique de l’écriture de poésie selon Ponge, sur la question de la « sortie » (par la néo- ou la post- poésie) qui reste, pour son projet de réalisme intégral, déterminante et stratégique. Retour sur les implications de « l’écrire contre » dans une trajectoire singulière-solitaire « à travers » les contextes d’avant-garde. Tentative enfin pour évaluer la place que Ponge occupe aujourd’hui dans le champ des écritures de recherche.
646Sophie Coste, « “Par le mot par commence donc ce texte”. Une matrice à l’œuvre ? »
L’œuvre de Francis Ponge témoigne d’un parcours difficile vers l’accession à une parole vive – la Parole contre les paroles. Les étapes de ce parcours se lisent aussi dans le travail sur les signifiants : du mot d’ordre initial « Il faut parler » au « parti pris » en faveur des choses, du désir de « secouer toute appartenance » pour « chanter son particulier » à l’ambition de « réparer le monde » et au pré comme paratum, lieu préparé pour le lecteur, l’œuvre de Ponge décline la séquence phonique PAR, à la façon d’un signifiant matriciel.
Nathalie Barberger, « Araignées »
Ponge dit à Jean Ristat en 1978 : « Je ne crois pas qu’une seule expression soit valable. […] D’ailleurs je l’ai prouvé en donnant “L’Araignée” puis “La Nouvelle Araignée” ». Il y a bien deux araignées dans Pièces. Il s’agit ici d’explorer la fonction libératrice de la toile-araignée, texture vivante et vibratile, séductrice et captatrice, tissage contre filage. Mais de l’une à l’autre, la mort est survenue : drôle de tombeau pour « un drôle d’artiste » que cette « Nouvelle araignée » sans Aragne.
Thomas Schestag, « Fastigiée – au cœur du Soleil de Francis Ponge »
En 1932, suite à une première phase d’explication acharnée, Francis Ponge juge le soleil responsable de l’installation du langage de jugement parmi les êtres humains. Mais ce jugement sur le jugement reste pris dans les filets du langage qu’il s’agissait de défaire. À partir de 1948, Ponge reprend l’explication avec le soleil – avec la chose pas moins que le mot – différemment. Au cœur de celle-ci : le mot facetté de fastigiée.
Joëlle Gleize, « Francis Ponge, Claude Simon. “Comme un salut, de loin” »
Alors qu’ils partageaient bien des espaces de la modernité littéraire, bien des traits de leurs positions esthétiques et de leurs pratiques poétiques, Ponge et Simon se sont le plus souvent tenus à distance l’un de l’autre. Cette proximité dans la distance mérite exploration, en particulier là où ces deux « artistes en prose » semblent les plus proches, dans une prose procédant par « rectification continuelle », mais que porte un rapport à l’achèvement fort différent.
647Olivier Gallet, « Philippe Jaccottet, la réserve Ponge »
La publication par Philippe Jaccottet, en 2015, de Ponge, pâturages, prairies permet de réexaminer la relation riche et ambivalente entre ces deux poètes majeurs ; et l’impact de la poétique du second sur le premier. Tout en livrant un certain nombre de clés sur les réserves réciproques nourries par ces représentants de deux générations, ce livre ne fait toutefois pas précisément l’historique de la confrontation entre leurs deux poétiques – historique auquel on peut néanmoins s’essayer, en sélectionnant cinq moments décisifs.
Philippe Met, « Ponge et Bresson, ou comment (ne pas) faire l’âne »
Si le cinéma a pu ponctuellement s’intéresser d’assez près à son œuvre, on ne sache pas que Francis Ponge fût jamais cinéphile. Il n’en demeure pas moins qu’une admiration réciproque, sinon une amitié discrète, se noua entre Ponge et Bresson. À travers ce lien, c’est non seulement le rapport du cinéma à Ponge, mais des notions aussi essentielles que la choséité, l’animalité et la spiritualité (immanence vs. transcendance) qui sont à même d’être interrogées à nouveaux frais au sein d’un exercice de poétique comparée.
Didier Alexandre, « “Les chemins différents” d’une amitié. La correspondance Ponge-Audisio »
Francis Ponge et Gabriel Audisio ont échangé une longue correspondance, de novembre 1919 à novembre 1978 : 548 documents, lettres, cartes, pneumatiques, où se croisent les projets d’écriture, les poèmes réalisés, les articles, les mariages, les maladies, les naissances, les morts, le travail, le besoin d’argent, les travaux et les jours, la vie en somme. C’est cette amitié qu’il faut étudier, sa constance en dépit des chemins divergents suivis par les écrivains, les séparant aux niveaux politique, éditorial, littéraire.
Pauline Flepp, « Francis Ponge et Jean Paulhan. L’échange épistolaire comme “jeu d’abus réciproque” »
Si Francis Ponge commence par s’approprier les propositions les plus novatrices de son lecteur et éditeur privilégié, il sait aussi se détacher de lui, en une émancipation tout autant affective que littéraire. Il en irait peut-être alors de l’échange épistolaire avec Paulhan comme de la pratique de l’écriture telle 648qu’elle est souvent définie par Ponge – et la correspondance se faisant « jeu d’abus réciproque », celui qui pose les règles du jeu et qui en sort « gagnant » ne serait pas forcément celui que l’on croit.
Alain Paire, « Rue Sylvabelle et Jardins Neufs, une amitié qui s’interrompit. Ponge et Tortel »
Jean Tortel et Françis Ponge s’étaient rencontrés à Marseille, en novembre 1943, dans la Résistance à laquelle tous deux participèrent. D’après la correspondance des deux poètes, cette relation perdura jusqu’aux alentours de 1981 : cette amitié qui semblait avoir toutes les raisons de pouvoir perdurer se délita inexorablement. Des raisons proprement littéraires semblent avoir provoqué cette distance. Jean Tortel, homme de grande discrétion et de haute bienveillance, éprouva douloureusement cette désaffection.
Benoît Auclerc, « “Voir apparaître des gens comme vous”. Sur la correspondance avec Christian Prigent »
Entre août 1969, et le dernier échange de janvier 1986, Prigent et Ponge s’écrivent plus d’une centaine de lettres. Elles sont pour la quasi totalité écrites avant la rupture violente de 1975, suivie d’un silence de plus de dix. Cette correspondance éclaire les relations ambivalentes entre l’apprenti critique et jeune écrivain qu’est alors Prigent, et le « grand écrivain » que Ponge est devenu, grâce à la reconnaissance d’une nouvelle génération de lecteurs et d’écrivains qui, à partir de 1960, s’empare de son œuvre.
Gérard Farasse (†) et Jean-Marie Gleize, « L’amitié d’abord. La correspondance avec Jacques Dupin »
La correspondance entre Ponge et Dupin nous est accessible grâce à un dossier préparé par Gérard Farasse (†). Cet échange épistolaire qui couvre près de trente ans d’amitié peut sembler d’une lecture déceptive : brièveté des missives, de caractère plutôt factuel, reflétant mal la complicité ; divergences des vues et des positions prises dans le champ de la scène poétique des années soixante. Quels indices, toutefois, retirer d’une conversation, menée de loin en loin, sur le travail poétique et le désir d’écrire ?
649Luigi Magno, « Un “cri, sobrement articulé”. Sur Ponge et Ungaretti »
Cet essai revient sur les rapports de Ponge avec Giuseppe Ungaretti pour montrer combien cette communion constitue, pour Ponge, un véritable laboratoire réflexif et de recherche. L’analyse des textes de Ponge sur le poète italien dévoile un travail d’appropriation sélective au sujet d’une « langue rugueuse, dure », voire d’une leçon d’« extrême réalité ». L’étude pointe enfin l’existence d’un socle classique commun : mais là où Ungaretti innove dans le respect de la tradition, Ponge désaffuble et adopte les proses.
Lionel Cuillé, « La “vérité verte” de Francis Ponge. Écocritique Made in USA »
Francis Ponge, poète des choses le plus souvent non-manufacturées, prétend les représenter hors d’un humanisme « qui a ceinturé la planète » : en décrivant, par exemple, le « mimosa sans moi ». L’écocritique anglo-saxonne nous apporte un nouvel éclairage sur les rapports entre nature et culture chez Ponge. La représentation poétique est-elle chez lui réductionniste et instrumentaliste ou parvient-elle, au contraire, à inventer des stratégies biocentrées adoptant le « point de vue » de la nature ?
Vincent Broqua, « “Enfermé dans [sa] propre langue” ? Situations, traductions et appropriations de Ponge dans la poésie anglophone »
À travers la lecture des « situations » de Ponge aux USA, de ses traductions en langue anglaise et des appropriations par les poètes des États-Unis, cet article esquisse la fabrique d’un Francis Ponge anglophone. L’étude montre que, si Ponge semble peu institutionnalisé dans les poésies anglophones, il est lu individuellement et travaille la poésie nord-américaine de façon souterraine, sans se laisser assimiler totalement, soulevant plus que d’autres auteurs la question de l’étrangèreté d’une langue à elle-même.
Marcelo Jacques de Moraes, « Mange-t-on une figue de paroles ? Question (anthropophagique) posée à/avec Francis Ponge »
Cette étude travaille la scène pongienne de la morsure et de la mastication de la chose et de la langue, le long des « brouillons acharnés » de Comment une figue de paroles et pourquoi, à partir de la pensée anthropophage brésilienne. Dans ce cadre, où s’explicite la dimension proprement dévoratrice de la littérature 650et de la traduction, elle revient sur la force performative de la poésie de/chez Ponge et sur la façon dont elle permet de mettre en perspective les rapports entre chose réelle et chose littérale.
Adalberto Müller, « Une perspective du Brésil »
Sous une autre perspective que celle de la littérature française – celle du Brésil –, que devient Francis Ponge, lorsqu’il est traduit ? Est-ce que la traduction le transforme en quelque chose de différent ? Que se passe-t-il si on le défrancise, si on le franchise ? Or, tout comme Ponge crée des perspectives pour que l’on accède aux choses avec un regard nouveau, la traduction peut créer de nouvelles perspectives pour comprendre les choses de Ponge et la chose Ponge.
Yu Kajita, « Ce que la réception japonaise révèle de l’œuvre de Francis Ponge »
Cet article décrit les deux moments importants de la réception japonaise de l’œuvre de Francis Ponge, qui sont associés à l’introduction, au Japon, de l’existentialisme sartrien et du textualisme du groupe Tel quel. Ensuite, il se propose de montrer ce que peut apporter le Signéponge de Jacques Derrida, traduit en japonais en 2008 par l’auteur de cet article, à l’histoire de la réception japonaise de Ponge.
Asako Yokomichi, « Les traductions de Ponge au Japon »
Francis Ponge a été introduit au Japon après la Deuxième Guerre Mondiale avec les grandes figures de cette période, Sartre et Braque. L’univers pongien a été de plus en plus dévoilé dans sa richesse par Le Parti pris des choses dont les traductions se sont multipliées à partir des années 1950 et ces travaux ont fortement inspiré des poètes japonais, tels que Koichi Abe (né en 1927) et Shuntaro Tanikawa (né en 1931).
Shinsuke Ota, « Embrouillamini, ou poésie de l’extrême-occidental »
L’attitude de Ponge à l’égard de l’idéogramme est très ambivalente : certes, la tentation est grande de mimer le visible par le lisible ; mais il ne perd jamais conscience de la limite de ce type de poésie visuelle. Cet article entend débrouiller cette relation complexe à partir du poème « Les Hirondelles ». À 651cette écriture « orientale », il semble opposer une écriture très « occidentale », fondée sur le modèle du palimpseste, mais il y esquisse aussi une poésie plus complexe qualifiée, plus tard, d’« embrouillamini ».
Christine Chamson et Bénédicte Gorrillot, « Des Crevettes (1989) aux Soleils (2015). Ponge en abîme. Entretien »
Dans un entretien-préambule à l’exposition accompagnant le colloque de Cerisy de 2015, la peintre a accepté d’éclairer les raisons l’ayant poussée à prendre cet auteur pour source d’inspiration, depuis sa première série La Crevette dans tous ses états. Puis elle a expliqué pourquoi et comment elle a renoué avec Ponge, en 2010, par Le Galet, jusqu’à cette nouvelle série des Soleils en abîme. On suit ainsi l’évolution de sa technique – de la gravure au pen painting – et de ses interrogations théoriques en résonance avec Ponge.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08797-7
- EAN : 9782406087977
- ISSN : 2495-2788
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08797-7.p.0643
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/12/2019
- Langue : Français