![Faut-il brûler Sagan ? - [Introduction de la quatrième partie]](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/FfnMS01b.png)
[Introduction de la quatrième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Faut-il brûler Sagan ?
- Pages : 289 à 290
- Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 115
Je crains l’homme d’un seul livre.
Thomas d’Aquin, Somme théologique.
Dans l’ouverture de En lisant en écrivant, Julien Gracq distingue deux types d’écrivains : ceux qui « dès leur premier livre, écrivent déjà comme ils écriront toute leur vie », et ceux « qui voient le jour du public encore immatures, et dont la formation, parfois assez longuement, se parachève sous les yeux mêmes des lecteurs1 ». À quelle catégorie d’écrivain appartient Françoise Sagan ? Si le roman saganien fut longtemps associé à une logique d’uniformité, à l’image de la série des Claudine de Colette, autrement dit à l’évolution d’une seule héroïne qui s’aventure au sein d’un rite initiatique sur plusieurs tomes, la lecture de l’œuvre intégrale bouscule cette idée reçue et révèle que la littérature saganienne, qui s’échelonne sur plus de quarante ans, est beaucoup plus complexe et variée qu’il n’y paraît.
Il est important de désamorcer l’idée selon laquelle l’œuvre de Françoise Sagan gravite autour de personnages principaux essentiellement féminins. Cette mission s’avère ardue tant les premiers romans de Sagan furent les révélateurs d’une nouvelle identité féminine en littérature. De plus, une concomitance biographique existe entre Sagan et ses premières héroïnes, dans la mesure où Cécile, Dominique, Josée et Lucile partagent la même vie, les mêmes passions, le même milieu et le même âge que la romancière. La critique de l’époque a systématiquement créé des parallèles biographiques entre la créatrice et ses créatures de papier. « Françoise Sagan écrit-elle des mémoires ou un roman2 ? », se demande Bernard de Fallois. Cette disposition des critiques à vouloir associer le biographique au fictif n’avait pas grand intérêt, si ce n’est celui de faire passer l’auteure pour une personne aussi frivole et immorale que ses personnages. À tort ou à raison, cette collusion entre Sagan et ses 290héroïnes, établie par la critique, a continuellement poursuivi l’œuvre. Néanmoins, c’est méconnaître les réelles intentions de l’auteure que d’associer son corpus à un héroïsme exclusivement féminin.
En effet, il s’avère que l’œuvre saganienne contient proportionnellement plus de personnages principaux hommes que femmes. Dès lors, quelle interprétation littéraire peut-on donner à cet état de fait ? Observe-t-on la substitution d’un sexe sur l’autre ? Et si l’œuvre change de sexe en cours de route, demandons-nous à quel moment s’effectue ce changement genré. Comment l’auteure réalise-t-elle ce basculement, et quelles sont les raisons profondes qui la poussent à opérer cette transformation aussi décisive que radicale ? Enfin, quelles sont les logiques internes qui président cet hermaphrodisme littéraire ?
L’intérêt de cette partie consiste à étudier et à comprendre les différentes évolutions de cette métamorphose romanesque. Afin d’interpréter au mieux les mouvements fluctuants de sa production, sans doute faut-il privilégier l’analyse chronologique d’un phénomène qui se déroule en plusieurs étapes successives. D’abord, il convient d’aborder le premier grand point de rupture littéraire effectué par la romancière en 1969. Avec Un peu de soleil dans l’eau froide, ses lecteurs observent la mort annoncée du logiciel féminin mis en lumière dans les sept premiers romans. Le remplacement des héroïnes originelles par des hommes ne se fait pas sans difficulté, raison pour laquelle il faut revenir sur les doutes et les dangers qui pèsent sur l’œuvre saganienne pendant les années soixante-dix. Un troisième chapitre est dédié à La Femme fardée, premier roman-fleuve de l’auteure, qui renseigne sur l’unité de son œuvre et sur le véritable idéal littéraire qu’elle souhaitait atteindre. Enfin, un dernier chapitre est consacré à l’étude des romans de la troisième génération (1980-1996) – incarnés exclusivement par des héros masculins –, et dont il est nécessaire de saisir les motivations littéraires et auctoriales qui gouvernent leurs existences.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14364-2
- EAN : 9782406143642
- ISSN : 2260-7498
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14364-2.p.0289
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/01/2023
- Langue : Français