Introduction
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2018 – 2, n° 13. Imaginaire et praxis. Autour de Gaston Bachelard - Auteurs : Hieronimus (Gilles), Lamy (Julien)
- Pages : 9 à 17
- Revue : Éthique, politique, religions
Introduction
Au seuil d’un volume collectif se donnant pour objectif de (re)penser la relation de l’action et de l’imaginaire à partir de l’œuvre de Gaston Bachelard, deux questions sensibles se posent, et s’imposent, avec toute la force de leur impertinence. Pourquoi, en effet, se référer à un auteur qui n’a pas thématisé, sinon théorisé, la question de la praxis, de l’éthique ou de la politique, pour engager une réflexion sur la pratique, individuelle et collective, alors même que les philosophes professionnels ne manquent pas, surtout dans la période contemporaine, sur ces questions ? Et pourquoi s’intéresser au lien supposé de l’action avec l’imagination, notamment l’imagination poétique, alors même que la rêverie et l’imaginaire semblent bien, a priori, nous éloigner des nécessités de la vie et des impératifs de la pratique, qui supposent tous deux un engagement effectif du sujet dans le monde des choses et des hommes, un contact direct avec la matière et la nature, une confrontation parfois violente avec la réalité ? Ce ne sont pas là de vaines questions rhétoriques, que l’on évoquerait par simple convention académique. Car il ne va absolument pas de soi de prendre l’œuvre de Gaston Bachelard comme référence pour penser la pratique et l’action, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, on doit rappeler que cette œuvre à l’apparence duelle, ou « bifide », comme on dit parfois, est généralement perçue comme étant coupée en deux versants incompatibles, dans lesquels s’épuiseraient la réflexion du philosophe. Bachelard ne serait, nous dit-on souvent, qu’un philosophe spécialisé, ayant consacré tous ses efforts à la question du savoir scientifique (versant épistémologique), et à la question de la création littéraire (versant poétique). Cette image d’Épinal a la vie dure, et malheureusement persiste, comme c’est souvent le cas avec les préjugés et les lieux communs, dont le monde des philosophes professionnels n’est pas toujours exempt. Toujours est-il qu’il résulte de cette vulgate bachelardienne une réception simplifiée, et même tronquée, de l’œuvre 10de Bachelard, qui s’en trouve considérablement appauvrie, car réduite par principe à n’être qu’une épistémologie historique, entée sur la nouveauté de la physique contemporaine, et qu’une esthétique de la littérature, ayant pour objet le rôle de l’imaginaire dans la création poétique. Ce portrait bien connu, que les bachelardiens ont trop souvent entretenu eux-mêmes, soit en se focalisant sur la question de l’unité de l’œuvre de Bachelard, instituée dogmatiquement comme question préjudicielle de l’exégèse de cette pensée, soit en se spécialisant à outrance dans l’un des deux versants apparents de l’œuvre, en négligeant plus ou moins ouvertement le reste des écrits du philosophe, méritait d’être questionné. Ce travail de déconstruction a été initié, puis carrément « mis en chantier », ces dix dernières années, dans le sillage d’un franc renouvellement des études bachelardiennes. En ce qui concerne la question de l’éthique et de la pratique, un colloque a fait date. Il s’agit des rencontres qui se sont tenues en 2012 à Cerisy-la-Salle, dans le cadre d’une semaine consacrée à la question : Gaston Bachelard. Science et poésie : une nouvelle éthique ? Au terme de cette semaine de conférences et de discussions, qui ont donné lieu à la publication d’un volume collectif chez Hermann en 20131, il est apparu clairement que la pensée de Bachelard était porteuse d’une réflexion éthique (et même politique), et que celle-ci était immanente à la philosophie qui se déploie dans l’ensemble de l’œuvre. C’est d’ailleurs le second mérite de ce colloque : avoir démontré que l’on peut, derrière la dualité de l’œuvre et la diversité des thèmes qui y sont abordés, discerner, et reconstruire, une philosophie générale de Bachelard. Loin de se réduire à une simple épistémologie des sciences expérimentales, ou à une modeste philosophie de l’image littéraire, cette pensée déploierait en réalité dans ses œuvres publiées une philosophie singulière, que l’on peut qualifier de pluraliste, et que l’on peut identifier par certains postulats et présupposés déterminants : le refus d’un système théorique unitaire et totalisant, l’idéal d’une philosophie engagée dans un travail sur des questions et des objets particuliers, une anthropologie philosophique sous-jacente, concevant l’homme comme un être éminemment pluriel.
C’est dans le cadre problématique et théorique ouvert par cette première rencontre académique consacrée à l’éthique chez Bachelard, que s’inscrit le présent volume collectif, par la médiation institutionnelle 11de l’Atelier Bachelard, séminaire de recherches universitaires consacré à la pensée et à l’œuvre de Bachelard, inauguré en 2013 dans le cadre d’un partenariat entre l’Université Lyon 3 et l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm. L’une des orientations directrices de l’Atelier était de prendre le parti d’explorer et de reconstruire les aspects les moins connus ou aperçus de l’œuvre (métaphysique, philosophie du langage, éthique et politique, etc.), et de favoriser un renouvellement des approches de la pensée de Bachelard, au-delà du clivage science-poésie. Or, la question de l’action s’est assez vite révélée centrale dans l’œuvre. Et bien que Bachelard n’ait pas thématisé cette question comme objet inscrit dans le cadre d’une spécialité académique (philosophie morale, philosophie normative, philosophie de l’action), et dont l’analyse serrée serait intégrée à une enquête plus générale et systématique sur l’agir, il n’en demeure pas moins que ses réflexions sur la science, sur la poésie, et sur le temps, ont été l’occasion de remarques, d’analyses et d’intuitions pour le moins suggestives à propos de l’action humaine, du « faire » proprement humain, et dont le lecteur d’aujourd’hui peut tirer profit. Mais lequel ? Que peut-on gagner à penser la praxis, le faire, l’agir, à l’aune de l’imaginaire et de la rêverie, et de leur rapport problématique au réel et à la rationalité ? L’imagination et la rêverie ne sont-elles pas des « esquives » face au principe de réalité, au profit de l’irréel, et des obstacles à l’action, au profit de la contemplation et du repos ? Ne faut-il pas, comme nous dit souvent le bon sens commun, cesser de rêver pour agir, sortir de l’imaginaire pour œuvrer dans le réel ? C’est sur ces deux points en particulier que les partis-pris bachelardiens nous semblent les plus intéressants, et les plus prometteurs du point de vue d’une théorie renouvelée de la praxis, notamment parce qu’ils permettent de prendre une certaine distance avec les approches habituelles de l’action, de la pratique et de l’éthique, disponibles dans les débats académiques actuels, et par conséquent de repenser à nouveaux frais, sur la base d’autres prémisses, la question plus générale de l’agir. En inaugurant ce que Jean-Philippe Pierron nomme une « poétique de l’agir2 », Bachelard nous invite à prendre au sérieux, et à examiner attentivement, le rôle déterminant et sous-estimé de l’imagination dans le processus intégral de l’action, sans pour autant renier les fonctions et les interventions du désir, des affects, de la perception, de la volonté, mais aussi de la raison. 12À rebours du clivage académique existant aujourd’hui entre, disons, pour schématiser à grands traits, une approche hyper-rationalisée de l’agir, que l’on retrouve dans les différentes versions de la théorie de l’agent rationnel, et dans bon nombre de conceptions communes de l’action et du projet, notamment dans le monde du travail et le management, et une approche plutôt empathique, intuitive, sensible, que l’on peut trouver dans les théories proches des éthiques du care, et parfois même dans certaines branches du développement personnel, au risque parfois d’un syncrétisme new-age plutôt confus, l’œuvre de Bachelard nous permet de faire un pas en arrière (ou de côté, peu importe !), et d’envisager une troisième voie, qui s’efforce de ménager sa juste place aux différentes composantes de cet être pluriel qu’est l’homme agissant.
En somme, plutôt que de nous donner une théorie « clés-en-mains » de la praxis, et une conception déterminée de l’action, de l’éthique ou de la politique, on peut considérer que Bachelard nous offre en fait l’opportunité de poser à nouveaux frais ces diverses questions relatives à l’agir et au « faire », en nous léguant non seulement un ensemble de remarques éparses (sur la constitution de soi comme sujet à travers l’activité scientifique et poétique, la subversion de la rationalité et de l’imaginaire dominants, la dynamique des actes novateurs), mais aussi un ensemble de questions (l’articulation des aspects pluriels de l’être humain), et surtout une manière de poser les problèmes (le pluralisme, le couple imaginaire-rationalité). Dans cette perspective, il n’est pas certain que les travaux du présent volume parviennent à dégager une image générale de la philosophie pratique de Bachelard, sous la forme logique achevée d’une doctrine théorique complète, avec ses thèses, ses arguments, ses présupposés. Une telle prétention serait ici abusive, et très probablement intenable, du fait du caractère non systématique de sa pensée, et parce qu’il s’agit plutôt pour nous d’ouvrir des pistes de réflexion, de susciter le questionnement, et de donner des repères à la fois conceptuels, historiques et intertextuels permettant de mieux s’orienter dans cette pensée complexe, et parfois assez déroutante. Que le lecteur ne se méprenne donc pas sur l’ambition des études proposées dans ce volume collectif, dont la portée réelle est plus programmatique et problématique, que véritablement thétique. Il s’agit principalement pour nous de baliser et de structurer un champ de réflexion qui demeure encore largement inexploré, méconnu, sous-estimé, à savoir la philosophie 13pratique de Bachelard. Nous serons déjà payés de nos peines si, au terme de la lecture des textes proposés ici, le lecteur sera disposé à reconsidérer et à examiner l’importance (relative, restons modestes !) de la contribution de cette œuvre singulière à la réflexion contemporaine sur l’action, que ce soit d’un point de vue individuel ou collectif, éthique ou politique, descriptif ou normatif, substantiel ou méta-éthique.
Aussi le lecteur retrouvera-t-il ici, dans les présentes contributions, sous des formes variées et à des degrés divers, tout ou partie des orientations nouvelles que nous souhaitons promouvoir à propos de la philosophie de l’action et de la praxis, en prenant Bachelard comme point de référence, à partir duquel faire rayonner le questionnement, et la réflexion.
Rodolphe Calin se propose tout d’abord, à la faveur d’un rapprochement entre la philosophie de Bachelard et la philosophie de la culture de Simmel, de comprendre le dualisme bachelardien entre la science et la poésie comme l’expression de deux manières conflictuelles d’envisager le rapport entre le sujet, d’un côté, et les formes de la culture entendues comme formes de l’esprit objectif de l’autre, et, partant de là, comme l’expression de deux manières de décrire la subjectivation du sujet à partir de ces formes. Il s’attache ensuite à l’une de ces deux formes de subjectivation, celle qui met en jeu le rapport entre le sujet et les images poétiques, rapport que Bachelard désigne sous le titre de « sincérité » (par opposition à la « feinte » qui caractérise le rapport entre le sujet et l’objet scientifique). Il s’agit alors de montrer que l’image, dans laquelle le moi se projette tout entier, n’en est pas cependant le reflet, mais, à la faveur d’un mouvement de variation qui prend la forme d’une sublimation, ce qui lui permet de se constituer comme sujet.
De son côté, Julien Lamy retrouve, selon une autre perspective, la question de la subjectivation, mais envisagée cette fois-ci comme un travail de transformation et de perfectionnement de soi, actualisant les potentialités étho-poïétiques de l’activité rationaliste, et de l’activité onirique. Assumant avec radicalité le postulat selon lequel « l’éthique bachelardienne ne peut se dire qu’au pluriel », en se déployant sous la forme d’une « polyéthique » dont on ne peut réduire la pluralité sans en falsifier le sens, et en étouffer les potentialités, il en propose une relecture « perfectionniste », inspirée en particulier par les analyses de Pierre Hadot, Michel Foucault, Stanley Cavell et Sandra Laugier. Il s’agit d’articuler la possibilité de la vie bonne, comprise comme promotion d’existence, avec 14la pratique d’exercices concrets permettant une transformation effective de l’individu, dans l’horizon d’un pluralisme cohérent des modes d’existence, et d’une pluralité ordonnée des formes du bien vivre. Et, par-là même, de pointer la singularité, ainsi que la fécondité, d’une éthique mixte traçant, à rebours d’une philosophie morale trop souvent prise dans un clivage stérile entre rationalisme et sentimentalisme, « une troisième voie, qui n’abandonne pas la morale à la relativité des représentations subjectives, ni à l’impersonnalité de la clarification conceptuelle », en assumant une réflexion sur l’expérience morale personnelle, à la fois vécue en première personne, et soutenue par les puissances de l’imagination.
Cette dimension de transformation de soi, que ce soit de notre être-au-monde en général ou de notre « ethos » en particulier, se trouve elle aussi envisagée dans la contribution d’Arnaud Bouaniche, mais cette fois-ci dialectiquement, à travers la relation de Bachelard et de Bergson, plus précisément à partir de l’expérience de la nouveauté, qui est centrale chez ces deux auteurs. À partir d’une description attentive de cette expérience, l’auteur distingue non seulement deux conceptions métaphysiques de la nouveauté – l’une « continue » et fondée sur la « perception » (Bergson), l’autre « discontinue » et rapportée à l’« imagination » (Bachelard) –, mais encore deux éthiques de la transformation, l’une centrée sur l’histoire, l’autre sur le cosmos.
Complétant à certains égards la précédente étude, Gilles Hieronimus montre pour sa part comment Bachelard renouvelle le questionnement sur l’acte libre comme capacité à commencer (initiare), en développant une singulière poétique de l’initiative, qui implique une théorie de l’action, couplée à une métaphysique de l’acte instantané. Élaborée à la faveur d’un dialogue critique avec Bergson et avec Sartre, qui sont renvoyés-dos-à-dos pour leurs positions opposées, mais également intellectualistes, cette poétique de l’initiative fait de l’imagination – et plus précisément de la rêverie (médiatisée par les images littéraires) – une fonction poético-pratique décisive : les images littéraires, supports et vecteurs d’une activité de transformation de soi et du monde, nous reconduisant à l’imaginaire comme à l’arrière-plan à travers lequel se préméditent et se préfigurent, en amont de l’agir effectif, nos initiatives les plus subversives, et surtout les plus novatrices.
Ludovic Duhem se propose, en esquissant une confrontation inédite et prometteuse entre Bachelard et Simondon, une réflexion sur ce qu’il 15nomme une « praxis des images », envisagée au quadruple sens d’une activité, d’une inventivité (technique notamment), d’une éthique, et d’une politique des images. Ayant ainsi relevé le « pluralisme sémantique propre à la praxis », également constitutif d’un « pluralisme pratique » (du fait de l’impossibilité de postuler la compatibilité et la cohérence a priori de ces différents champs), il se demande s’il existe une « praxis des images » qui serait propre à Simondon, et si cette dernière résulte de sa lecture de Bachelard. Chacun des sens possibles de la praxis donne alors lieu à une lecture comparative mettant au jour, par-delà certaines divergences bien réelles, des convergences insoupçonnées entre les deux auteurs, et aboutissent à souligner la remarquable aptitude de ces deux pensées à faire front commun, à l’époque de la « mondialisation iconique », devant le risque éthico-politique d’une « insensibilisation généralisée et d’un appauvrissement irréversible de l’imaginaire », en évitant aussi bien « la fuite irrationnelle et technophobe dans une nuit infinie » que « l’adhésion inconditionnelle à la profusion continue des images ».
Se focalisant pour sa part sur la « praxis laborans », et donc sur le travail, Jean-Philippe Pierron met au jour l’originalité féconde des analyses bachelardiennes sur le travail et son onirisme et, à travers ce prisme, sur le rôle de l’image dans sa dimension pratique. Délaissant une réflexion politique sur le travail et ses conditions sociales (Weil), et prenant ses distances avec l’approche trop métaphysique de l’homo faber (Bergson), Bachelard privilégie l’étude du travail dit manuel, ou plus largement le travail des matières, pour en souligner le potentiel humanisant et, de façon discrète, mais non moins effective, les vertus pratiques. Loin de cultiver quelque nostalgie des « métiers d’antan », il s’intéresse avant tout aux métiers de « haute cosmicité », ou à la dimension cosmique de tout métier, dès lors que ce dernier entretient un lien vivant et incarné, nourri par une imagination active, à des matières élémentaires, qui sont irréductibles à de simples matériaux pour l’homme qui sait bien rêver. Aussi ses analyses permettent-elles d’éclairer certaines difficultés éthiques et politiques liées aux formes contemporaines du travail, à une époque où le néo-libéralisme tente de « capter, pour la capturer, l’énergie onirique des travailleurs en la réduisant à la production d’un écart différenciant : l’innovation », induisant de la sorte une souffrance au travail qui est aux antipodes du travail heureux, libre et créatif, qui est promu et théorisé par Bachelard. Et de relever d’intéressantes résonances 16entre la pensée bachelardienne et certaines approches contemporaines, comme l’éthique des capacités d’une Martha Nussbaum, dans sa critique de la figure de l’homo economicus conçu comme idiot rationnel sevré de toute imagination empathique, ou comme l’éthique du care, auquel le souci bachelardien de « prendre soin » de l’imagination du travailleur fait à sa manière écho.
Enfin, on pourra lire chez Jean-Jacques Wunenburger une réflexion visant à montrer que l’imagination poétique chez Bachelard n’est pas seulement conçue comme une imagination rêveuse et purement oisive, dans la mesure où elle accompagne irrémédiablement le corps humain au travail, que celui-ci soit artistique ou artisanal, et engendre des imaginaires spécifiques de gestes, de postures, d’œuvres matérielles. Il s’agit ainsi de se demander tout particulièrement comment Bachelard relie l’homo faber à l’imagination, et comment l’imagination se développe en travaillant. Dans cette perspective, nous sommes invités à comprendre en quel sens et dans quelle mesure ces approches spécifiques de l’imagination pratique, replacée dans le « feu de l’action », épousant et innervant les gestes de l’homme au travail avec son corps, font finalement de Bachelard un témoin avisé et un interprète privilégié des sociétés préindustrielles, et de manière générale du travail de la main, au carrefour d’une réflexion plurielle qui engage non seulement les travaux de philosophes (Bergson, Simone Weil, etc.), mais aussi de mythologues (Eliade), d’ethnographes et de folkloristes (Varagnac), de préhistoriens (Leroi-Gourhan) contemporains. On pourrait même espérer trouver dans les suggestions de Bachelard des raisons, ainsi que des pistes de réflexion fécondes, pour penser de nos jours une réhabilitation de l’ouvrier et de l’artisan, dans un monde dominé par les technologies numériques, les normes techniques, et les procédures rationnelles.
Voici dessinées à grands traits les lignes de réflexion proposées dans le présent volume, qui cherche à ouvrir un nouvel espace de réflexion sur l’agir, selon un prisme bachelardien élargi, plutôt qu’à proposer une cartographie exhaustive des thèses, des arguments et des images que Bachelard nous propose à propos de l’action. Nous espérons que le lecteur pourra y trouver des ressources et des outils pour (re)penser le plus adéquatement possible la praxis, en suivant le réel selon ses articulations, à la façon du boucher platonicien, qui cherche à épouser la complexité de la réalité à laquelle il s’attache, sans forcer les choses en 17les conformant à un modèle théorique préétabli, ni passer à côté de ses détails significatifs, qui font sa richesse autant que son opacité. Il ne fait aucun doute que le détour par la pensée de Bachelard ne résoudra pas tous les problèmes théoriques concernant la pratique, ne permettra pas de réduire toutes les zones d’ombre de cette réalité intriquée que nous appelons l’action, la praxis, le « faire », dont les formes, les ressorts et les mécanismes ne se laissent pas si aisément arraisonner par la pensée et les concepts, ni même exprimer par les métaphores et les images. Mais gageons que les études proposées ici sauront apporter des éclairages inédits, et surtout utiles, pour celles et ceux qui cherchent à avoir des idées plus claires et plus distinctes sur cette réalité complexe et plurielle, parfois même contradictoire, le plus souvent déroutante, qu’est l’action de l’homme au sein du monde.
Gilles Hieronimus et Julien Lamy
Université de Lyon – IRPhiL
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-09129-5
- EAN : 9782406091295
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09129-5.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/04/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Bachelard, action, praxis, travail, imagination, rêverie, pluralisme, éthique