Du droit à l’enseignement de la philosophie (en Belgique francophone) ?
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2018 – 1, n° 12. Politiques de Derrida - Auteur : Janvier (Antoine)
- Pages : 143 à 156
- Revue : Éthique, politique, religions
Du droit à l’enseignement
de la philosophie
(en Belgique francophone) ?
C’est, pour nous, aujourd’hui que l’inlassable interrogation de Jacques Derrida dans Du droit à la philosophie est à la fois nécessaire et impossible1. Ou plutôt, c’est aujourd’hui que nous en avons le plus besoin et que, pourtant, nous sommes dans l’incapacité – au moins en fait – de la tenir jusqu’au bout, c’est-à-dire d’en assumer toutes les conséquences.
Pour nous : ce peut être bien sûr « nos contemporains » en général ; ce peut-être aussi tous ceux qu’intéressent le signifiant et le titre de « philosophie » et de « philosophes ». Mais c’est d’abord, en premier lieu, nous qui nous trouvons interpellés par les institutions de la Communauté française de Belgique comme « philosophes », plus exactement comme titulaires d’un diplôme de philosophie. Et c’est, en tout cas, nous qui sommes membres temporaires ou définitifs, selon les termes en vigueur, d’une institution de l’enseignement supérieur – université ou haute école – de la Communauté française de Belgique au titre de « philosophes ». C’est qu’en effet aujourd’hui se met en place un enseignement de la philosophie pour les élèves du fondamental (ou du primaire) et du secondaire (aussi bien général, technique, que professionnel), pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement « public2 » francophone de Belgique. Il aura fallu un imbroglio juridique autour des cours de religion et de morale non confessionnelle3, la relative impréparation 144du projet d’introduire un « cours commun d’éducation à la citoyenneté » annoncé en début de législature par la majorité politique4, et un intense travail collectif des différents départements de philosophie des universités francophones adossé à une longue tradition de réclamation d’un cours de philosophie dans le secondaire, pour que, en juillet 2015, un décret prévoie la création d’une « éducation à la philosophie et à la citoyenneté » (EPC) dès la rentrée 2016 dans le primaire et à partir de la rentrée 2017 dans le secondaire5. C’est dans ce cadre que, depuis près de deux ans, nous ne cessons de réclamer quelque chose comme un « droit à la philosophie ».
145Dans ce livre qui rassemble des textes écrits entre le milieu des années 1970 et la fin des années 19806, Derrida travaille sans surprise à disséminer, sur une modalité aporétique, la polysémie qui court dans et autour de la formule – « du droit à la philosophie ». J’en retiens, pour commencer, une des dimensions qui doit nous intéresser, donc, aujourd’hui.
D’un côté, il s’agit pour Derrida de mettre à distance l’idée d’un accès direct et naturel – naturel parce que direct, et direct parce que naturel – à la philosophie. Aller « tout droit » à la philosophie, c’est même une attitude typiquement philosophique, censée permettre au philosopher de rejoindre tout droit sa propre essence et destination par-delà, malgré, indépendamment des formes, institutions et pratiques qui le détournent de lui-même en en conditionnant l’accès et l’exercice par une série de médiations. Mais plus fondamentalement il y a un droit naturel à la philosophie qui va souvent de pair avec l’idée moderne de philosophie – même s’il est tout aussi fréquent, chez ceux-là même qui le proclament, d’estimer qu’il se présente de nombreux obstacles qui, de fait, rendent difficile, voire impossible d’y satisfaire pour tous. Plus profondément encore, Derrida repère une forme d’idéal de droit naturel à la philosophie partagé par la tradition philosophique : un droit naturel de la philosophie à elle-même en quelque sorte, qui s’indique derrière « une dénégation traditionnelle dans le discours de l’institution académique7 ». Quelle dénégation ? La dénégation de l’institution comme telle, c’est-à-dire des conditions du discours philosophiques, 146c’est-à-dire aussi de ses formes socio-historiques de déploiement et d’accès, c’est-à-dire encore et par conséquent de l’inégalité d’accès à la philosophie qui fait structurellement tort à sa prétention d’universalité. Cette dénégation, écrit Derrida, portée par le discours philosophique, dit en substance ceci :
La philosophie, c’est plus et autre chose que ses « supports », ses « appareils ». Et même sa langue ! Quiconque veut philosopher le peut immédiatement et directement. Le plus court chemin, le meilleur chemin vers la philosophie est tout droit, de grands philosophes, dont Descartes, l’ont dit. La philosophie est la chose du monde la mieux partageable. Personne ne peut en interdire l’accès. Celui-ci est inscrit dans la philosophie même. L’effet des institutions peut être de réglementer, voire de limiter ce droit de l’extérieur, non de le créer ou de l’inventer. Ce droit est d’abord un doit naturel et non un droit historique ou positif8.
On peut dire que le questionnement de Derrida prend le parti inverse, depuis la thèse ou l’hypothèse de ce qu’il appelle une « hétérofondation » de la philosophie, et s’emploie à dégager les enjeux, c’est-à-dire le type de pouvoir et de violence, comme les limites de cette dénégation portée par le discours philosophique. En particulier, Derrida met en garde contre le risque d’une telle dénégation prise au mot :
Si, du point de vue du droit positif, des lois ou de la police, on peut entamer le droit à l’institution philosophique, cette violence ne saurait atteindre un droit naturel à la philosophie : Théophraste, dans son retrait, peut continuer à exercer ce droit, aller droit à la philosophie, sans médiation statutaire, tout seul ou à l’intérieur d’une communauté […]. Une telle communauté n’aurait pas à se confondre avec celle de la cité ni à recevoir de celle-ci sa légitimité ou son autorisation. Simplement elle resterait hétérogène à la loi publique de la cité, à l’État comme à la société civile9.
C’est donc en un sens desservir la cause que de tout lui donner : le droit naturel à la philosophie, trop vite et trop absolument soutenu, risque, sinon de délégitimer, du moins de laisser la voie ouverte à l’entame du droit à l’institution philosophique. Nous ne le savons que trop en Belgique : ce topos du discours philosophique n’est-il pas, paradoxalement, ou plutôt ironiquement, ce qui soutient l’opinion, si partagée en Belgique, selon 147laquelle faire de la philosophie c’est donner, argumenter et mettre en débat ses opinions ? Dire autre chose – en faire l’objet d’une maîtrise, d’un apprentissage, d’une reconnaissance institutionnelle – ce ne serait donc pas seulement, en Belgique, retirer le droit à la philosophie à une très grande majorité de citoyens, ce serait aussi leur retirer le droit à l’une des modalités privilégiées – au moins dans l’imaginaire collectif – de l’exercice de la citoyenneté, à savoir la construction, la défense ou la fondation, et l’échange des opinions. Ce serait, au fond, leur retirer le (ou une partie du) droit au droit d’avoir des droits10.
On contestera l’amalgame grossier entre philosophie et opinion, ou entre philosophie et conviction. Il le faut, et il le faut d’autant plus que la Communauté française de Belgique, si elle a été jusqu’il y a très peu de temps une des dernières communautés politiques en Europe à ne pas organiser d’enseignement de la philosophie, dispose néanmoins de cours de religion et de morale non confessionnelle « dits “philosophiques” » et reconnus comme pouvant être « engagés ». Il ne s’agit pas ici de mener l’enquête sur cette appellation reçue (« dits “philosophiques” ») qui ne figure pas dans la loi organisant les cours en question11. On se contentera de constater que le « philosophique » est communément reçu comme le qualificatif d’une forme non religieuse de conviction, ou d’option de vie et de pensée12 : c’est là déjà mettre le ver dans le fruit. En ce sens, grossissant le trait et portant la confusion à son comble, l’enseignement belge13 a peut-être in fine permis de clarifier ce qui, ailleurs, n’a pas à l’être14. Il 148apparaît en tout cas, à chaque étape de la création de l’EPC et du cours qui la décline dans l’enseignement officiel, que l’idée d’un droit naturel à la philosophie ne cesse de faire retour de manière très concrète.
D’abord dans le sentiment largement partagé qu’un cours de philosophie et de citoyenneté n’est pas tout à fait un cours comme les autres, c’est-à-dire n’est pas tout à fait, ou pas seulement, un cours disciplinaire où l’apprentissage d’une matière, ou une instruction, est en jeu. En effet, la « citoyenneté » résume tous les fantasmes et toutes les utopies de résolution des conflits et des crises qui traversent la société belge et européenne depuis de nombreuses années. Il semble ainsi aux acteurs du monde politique et pédagogique qu’une éducation à la philosophie et à la citoyenneté ait un rôle décisif à jouer dans la formation des élèves qui excède très largement l’acquisition d’un certain nombre de compétences et des savoirs qui en relèvent15. Pour reprendre un partage d’ailleurs éminemment contestable16, plus que tout autre cours, le cours de philosophie et de citoyenneté assumerait la dimension « éducative » de l’enseignement, là où les autres cours prendraient en charge sa dimension « instructive ». À cette surcharge d’enjeux portés par le signifiant « citoyenneté », il faut ajouter que, moins que tout autre discipline, la philosophie apparaît, en Belgique francophone, comme 149étant adossée à un ensemble de savoirs inscrits dans une tradition et un corpus déterminés, elle qui, par ailleurs, dans son exercice universitaire, y semble toute entière réduite. Rarement la thèse kantienne selon laquelle on n’apprend pas la philosophie, parce qu’on ne peut apprendre qu’à philosopher, n’aura semblé – à tort, du reste17 – aussi juste. Sans doute une telle coupure entre l’étude de l’histoire de la philosophie et la pratique du philosopher est-elle favorisée par la logique pédagogique des compétences qui a relativisé ou, en tout cas, décentré le rôle et la 150place des savoirs dans l’apprentissage. Le « Rapport de la Commission de Philosophie et d’Épistémologie » présidée en 1988-1989 par Bouveresse et Derrida indique pourtant :
Quoi qu’on pense de la phrase kantienne selon laquelle on n’apprend pas la philosophie mais à philosopher, et quelle que soit l’interprétation qu’on en donne, cette formule ne peut servir à justifier la situation actuelle où, à traiter les élèves comme de petits philosophes, on finit par ne plus trouver de philosophie dans leurs travaux. Qu’on parle d’apprendre à philosopher ou d’apprendre la philosophie, il s’agit toujours d’apprendre et on doit donc pouvoir déterminer avec une précision suffisante, comme dans toute autre discipline, les savoirs et les compétences exigibles18.
Il n’est donc pas impossible de plaider pour un apprentissage de la discipline philosophique, au même titre que toutes les autres disciplines, dans le cadre d’un apprentissage par compétences. Mais la Belgique n’ayant aucune tradition philosophique scolaire, et peu de tradition philosophique tout court, contrairement à un pays comme la France, cette distinction entre la philosophie et l’histoire de la philosophie d’une part, et le philosopher ou la démarche philosophique d’autre part, est l’évidence même, dans la mesure où elle est soutenue depuis plusieurs dizaines d’années par une division entre « la philosophie » qu’on enseigne à l’université, et les cours « dits “philosophiques” », c’est-à-dire convictionnels, ces cours où l’on est amené à se forger une opinion dans le cadre pluraliste de la démocratie. En ce sens, ce qui guette sans cesse l’EPC, c’est que la formation à la philosophie et à la citoyenneté soit moins l’apprentissage d’une discipline – de ses compétences propres et de ses savoirs, savoir-faire et attitudes spécifiques, exercés sur des enjeux de citoyenneté – que la canalisation de la capacité « naturelle » à philosopher dans le canevas des « valeurs » jugées « démocratiques ».
Qu’il y ait un droit naturel à la philosophie, c’est aussi ce qui sous-tend la difficulté à éviter qu’à peu près tout le monde ne se voie reconnu légitime pour dispenser cet EPC. Là encore, il y a sans doute des contingences matérielles et institutionnelles qui permettent de rendre 151raison des forces à l’œuvre pour ouvrir le plus largement possible le spectre des « titres requis », depuis la nécessité d’assurer le remplacement d’une à deux heures de religion ou de morale par une à deux heures de CPC sans perte d’emploi, jusqu’aux différents groupes et personnes se reconnaissant légitimes pour la partie « citoyenneté ». Mais il est clair que l’ouverture d’une telle lutte pour les titres tient à la possibilité de considérer que, pour peu que l’on sache qu’elle existe et qu’on en ait été minimalement informé, tout le monde peut disposer facilement, rapidement, directement de la capacité à philosopher. L’estimation peut varier, entre une formation laissée à l’appréciation des enseignants eux-mêmes et de leurs lectures personnelles, et un certificat de 20 ou 30 crédits, en passant par quelques journées de formation. Mais cette variation même indique qu’il est admis qu’apprendre la philosophie est en principe plus rapide que tout autre apprentissage, ou plutôt que tout apprentissage d’une autre discipline.
On peut s’en indigner. On peut déplorer la déconsidération de la philosophie par rapport aux autres matières de l’enseignement primaire et secondaire : qui oserait soutenir que l’on peut enseigner les mathématiques moyennant un certificat, même pour une période transitoire ? On peut revendiquer haut et fort que la philosophie est irréductible à l’expression d’une opinion, qu’elle relève d’une démarche spécifique, constitutive de sa dimension disciplinaire, et qu’en ce sens, elle s’apprend comme n’importe quelle autre discipline19 : la philosophie est bien sous conditions institutionnelles. Mais nous irions à notre tour trop vite à faire purement et simplement la critique de la dénégation des conditions de la philosophie, pour la ramener à ses institutions. Plus exactement, il faut voir dans cette dénégation le symptôme, non seulement, de l’ignorance partagée de la spécificité de la philosophie, ou du privilège de ceux qui érigent en droit naturel ce qu’ils ont eu la chance ou la malchance, c’est selon, d’acquérir positivement – l’accès à la philosophie, son apprentissage et son exercice –, mais aussi le symptôme, donc, d’une puissance d’excès ou de soustraction de la pensée à l’égard de ses formes particulières de réalisation – historiques, institutionnelles, etc. 152Il y a bien une forme de prétention constitutive de la philosophie, une prétention de droit, en droit,
À remettre en question non seulement tout savoir déterminé (ce que peuvent aussi faire les autres chercheurs dans les autres champs) mais même la valeur de savoir et toute présupposition quant à cela même qui reçoit le nom de philosophie20.
Excès en ce sens donc de la pensée philosophique sur ses formes de réalisation. Au-delà des contraintes qui, de fait, rendent difficile, en Belgique, la pleine reconnaissance institutionnelle de la discipline philosophique, il me semble que la prétention à un tel excès de la philosophie sur elle-même joue un rôle considérable dans cette difficulté, en mettant les philosophes eux-mêmes – les philosophes « de profession » – dans la difficulté d’argumenter en faveur de la reconnaissance de leur propre discipline. Tout se passe comme si les arguments étaient soit trop déterminés, soit pas assez : soit qu’ils réduisent la philosophie à sa propre histoire, et à la fréquentation érudite de sa propre histoire, soit qu’ils l’inscrivent dans l’indétermination et la vacuité d’expressions comme « esprit critique », « exercice de la raison », etc. Peut-on sortir de cette oscillation ? Ou, au moins, la déplacer, pour la rendre, dans les luttes qui nous mobilisent aujourd’hui, moins inconfortable ?
Plusieurs textes de Du droit à la philosophie insistent sur la nécessité de tenir ensemble le travail théorique et pratique sur les institutions philosophiques, dans la perspective d’une défense active ou affirmative de l’enseignement de la philosophie, et l’exigence induite par cette prétention excessive de la philosophie à l’égard de ses propres formes, institutions et pratiques. Si celle-ci dérange nécessairement celui-là, ils n’en sont pas moins dans un rapport de présupposition réciproque, et donc de contamination qu’il s’agit d’assumer et de réfléchir. C’est, pour Derrida, précisément l’une des tâches qu’il s’efforce de placer depuis plusieurs années sous le nom de « déconstruction ».
[…] la déconstruction […] n’appartenait pas simplement aux formes de l’institution philosophique. Ce travail, par définition, ne se limitait pas à un contenu théorique, voire culturel ou idéologique. Il ne procédait pas selon les normes établies d’une activité théorique. […] Ce travail, donc, s’attaquait à la subordination ontologique ou transcendantale du corps signifiant par rapport à 153l’idéalité du signifié transcendantal et à la logique du signe, à l’autorité transcendantale du signifié comme du signifiant, donc à ce qui constitue l’essence même du philosophique. Il est ainsi dès longtemps nécessaire (cohérent et programmé) que la déconstruction ne se limite pas au contenu conceptuel de la pédagogie philosophique, mais s’en prenne à la scène philosophique, à toutes ses normes et formes institutionnelles comme à tout ce qui les rend possibles.
Si elle en était restée, ce qu’elle n’a jamais fait qu’aux yeux de ceux qui tiraient bénéfice de n’y rien voir, à une simple déconstitution sémantique ou conceptuelle, la déconstruction n’aurait formé qu’une modalité – nouvelle – de l’autocritique interne de la philosophie. Elle aurait risqué de reproduire la propriété philosophique, le rapport à soi de la philosophie, l’économie de la mise en question traditionnelle21.
D’où une certaine hésitation nécessaire dans le texte de Derrida : tantôt la philosophie se voit attribuer une forme de privilège, le privilège de cet excès par rapport à ses propres formes ; tantôt, en bonne logique, Derrida est conduit à distinguer « la pensée » de la philosophie ou du philosophique, pour rappeler que « l’expérience de pensée au sujet du philosophique excède ces modes particuliers de la pensée que seraient la philosophie et la science22 ». C’est que
La chose ou le concept « philosophie », à savoir ce que ce mot intitule à un moment donné et dans des discours déterminés, reste toujours inégal à la responsabilité qui, en son nom, porte au-delà de son nom ou des noms disponibles pour lui23.
Ce n’est donc paradoxalement qu’à porter sur le privilège qu’elle s’arroge, et sur les formes historiquement déterminées de cette prétention, qu’il peut y avoir quelque chose comme de la pensée philosophique. Celle-ci commence lorsqu’elle s’expose à sa propre mise en question. Non pour, par un tour de vis supplémentaire, se ressaisir et raffermir son identité dans une assurance d’un ordre supérieur à l’égard de sa spécificité – une spécificité qui serait celle de ne pas en avoir, un peu comme l’humain de l’anthropologique philosophique moderne. L’exposition dont il est ici question consiste plutôt à affronter, pour la philosophie, le principe de 154sa détermination institutionnelle comme démarche de pensée excessive à l’égard de toute détermination institutionnelle, irréductible à toute figure déterminée et donc prédéterminée, à travers le miroir déformant des figures déterminées de sa détermination. Il ne s’agit pas d’une autocritique, mais d’une mise à l’épreuve de l’historicité de ses propres formes qui engage l’expérience à la fois constitutive et expropriante24 d’une transformation de sa forme actuelle25. C’est en ce sens que Derrida évoque – au sein même d’une série de revendications précises en faveur d’un enseignement élargi et entièrement revu de la philosophie, du lycée à l’université, qui s’ouvrirait à la pluralité contingente de ses formes et de ses pratiques – l’idée d’une sorte de garantie, par l’État, d’un étrange droit de la philosophie à la pensée26 qui assurerait l’irresponsabilité de la philosophie devant l’État, au motif de la « responsabilité de la philosophie devant sa propre loi – ou de ce que nous appelions plus haut la pensée », dans ce que à titre de pensée, la philosophie peut toujours rompre son contrat avec sa propre institution27.
Cette position fait forcément sourire, quand on connaît les évolutions récentes de l’enseignement, qui, au nom d’injonctions à l’autonomie et l’activité (de l’élève), a renforcé le poids hiérarchique des différents niveaux institutionnels les uns sur les autres et retiré une bonne part de leur liberté pédagogique aux enseignants, et plus encore, au nom de modèles pédagogiques reçus, de la liberté d’apprendre aux élèves. Elle fait aussi sourire en raison de son horizon utopique lui-même, de son idéalisme ou son irréalisme et, en un certain sens, de sa naïveté. Elle 155n’est pour autant pas, à mes yeux, stupide, dans la mesure où elle tente de tenir jusqu’au bout l’ouverture à sa propre contingence constitutive de la prétention de la philosophie à l’égard d’elle-même. On peut donc y voir moins une utopie qu’un constat, ou la prise en compte de quelque chose comme le réel de la philosophie, moins à souhaiter ou à espérer qu’à assumer. Le droit à la philosophie peut certes être « géré, protégé, facilité par un appareil juridico-politique », mais « il ne peut être assuré, encore moins produit par la voie du droit28 ».
Je dirais, dans des termes qui ne sont pas moins naïfs en un sens : une telle position s’efforce d’expliciter et d’adosser toute réflexion à l’enseignement de la philosophie sur la puissance de déstabilisation et d’émancipation dont la philosophie a été et, j’espère, est porteuse, pour nous qui nous y sommes engagés. Parlant de Sartre, Deleuze disait qu’il avait été comme un courant d’air pur, un grand vent. Parmi ceux qui sont pris par la philosophie, et par ses formes les plus conventionnelles aujourd’hui – série non ordonnée : les contrats plus ou moins précaires de recherche doctorale et postdoctorale, le management néolibéral de la recherche, le formatage stylistique et théorique qui commande désormais, peut-être plus que jamais, la rédaction d’articles et d’ouvrages dignes d’être reconnus par les institutions académiques, les formats de réunions scientifiques vraiment scientifiques (reposant par exemple sur le partage entre le commun de la production scientifique en ateliers et les grands pontes qulifiés sans rire de « keynote speakers29 »), etc. –, qui n’a pas éprouvé cette déprise de soi et de son milieu, ce coup de balai impulsé par ce qui porte le nom de philosophie, et qui porte toujours aussi sur cela même qu’on appelle « philosophie », rendant à nos yeux la philosophie à la fois absolument évidente et absolument incertaine ? Au moment de se pencher sur les modalités de sa reproduction, il convient de s’en souvenir, si jamais on l’avait oublié.
J’emploie à dessein ce mot : reproduction. Car s’en souvenir, c’est aussi travailler sur ceci que cette puissance de déstabilisation, la philosophie en a été porteuse pour nous, et que ce pour nous n’est pas un « pour nous autres hommes » : elle l’a été pour certains, et non pour tous. C’est pourquoi 156Derrida refuse de distinguer entre l’appréhension philosophique de la philosophie dans son propre, qui laisserait à la philosophie elle-même le soin de sa propre défense en vertu de ses propres enjeux et de ses propres intérêts, pour ainsi dire purs, d’un côté, et d’un autre côté quelque chose comme une « philosophie critique de l’enseignement30 », et notamment, c’est-à-dire pas seulement, de l’enseignement philosophique, qui soit aussi un travail de transformation pratique de ses modalités actuelles. C’est bien, a minima, ce que la lecture du travail de Derrida autour des institutions philosophiques nous apprend : on ne peut réclamer et construire un cours de philosophie dans l’enseignement primaire et secondaire sans que, d’une part, nos formes et pratiques d’enseignement, et notamment, donc pas seulement, d’enseignement de la philosophie, et, d’autre part, les formes de notre pratique philosophique et d’histoire de la philosophie, ne soient interrogées et pour une part transformées. Sur ces deux points, il reste bien du travail à faire, pour nous, aujourd’hui.
Antoine Janvier
Université de Liège (Ulg)
1 Jacques Derrida, Du droit à la philosophie, Paris, Galilée, 1990.
2 C’est-à-dire de l’enseignement subventionné par la Communauté française de Belgique : enseignement officiel organisé et subventionné par la Communauté française, enseignement officiel subventionné par la Communauté française (Communes et Provinces), enseignement libre non-confessionnel et enseignement libre confessionnel subventionnés par la Communauté française.
3 À la suite d’un recours en justice déposé par des parents refusant que leur enfant soit contraint par la tutelle administrative de son établissement scolaire de suivre un cours de morale non confessionnelle ou de religion, la Cour constitutionnelle a émis le 12 mars 2015 un Arrêt stipulant notamment que : 1/ si la Constitution belge oblige bien les établissements officiels à organiser un cours de morale non confessionnelle et les cours des religions reconnues par l’État, elle n’oblige pas les élèves d’y assister ; 2/ l’évolution du cours de morale non-confessionnelle au cours des années 1990 (reconnaissance en 1993 d’un certain nombre d’associations de la laïcité organisée, les Centres d’action laïque, plus exactement des organisations « qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », comme organisations du même ordre que celles qui ont en charge les cultes confessionnels reconnus ; requalification en 1994 du cours de morale non confessionnelle en « cours de morale inspiré par l’esprit du libre examen » ; reconnaissance en 1994 que, comme les enseignants des cours de religion, les enseignants du cours de morale ne sont pas soumis à l’impératif de neutralité en vigueur dans tous les autres cours) empêche de le considérer comme une option résiduelle au sein des cours philosophiques, c’est-à-dire une option pouvant être prise tout en garantissant (ce que requiert la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de droit d’instruction) qu’il n’y ait pas contradiction entre les convictions philosophiques propres au cours d’une part, et les convictions philosophiques ou religieuses des parents d’autre part (voir Arrêt de la Cour constitutionnelle no 34/2015 du 12 mars 2015, en particulier le point B, pages 6 à 13). Cet Arrêt a ouvert la possibilité juridique pour les parents d’élèves de ne pas inscrire leur enfant à un cours de morale ou de religion, sans demande de dispense qui contraindrait les parents à rendre publique leur éventuelle conviction ou orientation spirituelle. Il fallait donc trouver une solution de substitution pour ces élèves : très vite, dans un contexte par ailleurs marqué par les attentats à Charlie Hebdo de janvier 2015, les débats se sont orientés vers la création d’un cours de citoyenneté comme le prévoyait la Déclaration de politique communautaire (voir note 4) qui permettrait d’offrir une alternative aux élèves n’assistant pas aux cours de morale ou de religion.
4 Fédérer pour réussir : déclaration de politique communautaire, législature 2014-2019, point 1.3, p. 10.
5 Suivant un compromis entre le principe d’égalité du droit à l’instruction et le principe de liberté d’enseignement, le décret impose l’EPC à tous les réseaux, mais prévoit de le décliner dans le cadre des cours déjà existant au sein de l’enseignement libre confessionnel, et dans le cadre d’un cours spécifique de philosophie et de citoyenneté au sein de l’enseignement officiel et dans l’enseignement libre non-confessionnel, en remplacement d’une heure de morale ou de religion, et, de manière optionnelle, des deux heures prévues pour l’enseignement de la morale ou de la religion.
6 Du droit à la philosophie reprend, après une longue introduction issue du séminaire de Derrida à l’École normale supérieure et au Collège international de philosophie en 1984 (voir note p. 9), une série d’articles, d’entretiens et de documents institutionnels rédigés dans le cadre d’une séquence qui s’ouvre avec la constitution du Greph, Groupe de Recherches sur l’Enseignement Philosophique en 1974-1975, qui se poursuit avec les fameux États Généraux de la Philosophie et la création du Collège international de Philosophie au début des années 1980 (1983), et qui se ferme avec le travail de la Commission spécialisée de Philosophie et d’Épistémologie dans le cadre des travaux menés en 1988-1989 par la Commission de Réflexion sur les contenus de l’enseignement dirigée par Pierre Bourdieu et François Gros. Cette séquence est marquée par la tentative de réforme du lycée, et dans ce cadre de l’enseignement de la philosophie au lycée, initiée sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing par le ministre de l’Éducation nationale René Haby, et par les réactions des communautés et des institutions philosophiques françaises à ce projet de réforme.
7 J. Derrida, « Privilège. Titre justificatif et Remarques introductives », dans Du droit à la philosophie, op. cit., p. 43.
8 Ibid.
9 Ibid., p. 47.
10 Je fais ici allusion à la formule d’Arendt, the right to have rights, commentée reprise et commentée par Étienne Balibar (« Arendt, le droit aux droits et la désobéissance civique », dans Étienne Balibar, La Proposition de l’égaliberté, Paris, PUF, 2010, p. 201-227).
11 La loi issue du Pacte scolaire de 1958-1959. On notera en passant que, en 1825, c’est-à-dire durant l’époque hollandaise, Guillaume d’Orange avait créé un « collège philosophique », attenant à l’université de Louvain, chargé d’assurer l’instruction et la formation des « jeunes gens du culte romain, destinés à l’état ecclésiastique » (Arrêté royal du 14 juin 1825) avant leur entrée au séminaire. L’arrêté précise que « les étudiants du Collège philosophique sont considérés comme étudiants en théologie ».
12 Ainsi la Cour européenne des droits de l’homme parle, à propos du droit à l’instruction, du respect par l’État du droit des parents à assurer l’éducation et l’enseignement « conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».
13 Et avec lui les instances et textes juridiques : la Constitution parle ainsi des « convictions philosophiques non confessionnelles » (voir note 3) ; c’est donc qu’il y a bien des convictions philosophiques confessionnelles.
14 Au printemps 2015, une carte blanche publiée dans le quotidien Le Soir et signée par un nombre important de chercheurs et de professeurs de philosophie d’université, de haute école, et de philosophes enseignant la morale dans le secondaire, indiquait ainsi qu’en Belgique, l’exigence d’un vrai cours de philosophie dans le secondaire est difficile à entendre, « parce que “la philosophie” reste obscure aux yeux de beaucoup. On croit souvent qu’il s’agit d’un réservoir d’options spirituelles, au même titre que les religions. On choisirait d’être platonicien, kantien ou sartrien comme on est musulman, juif, bouddhiste ou chrétien. Rien n’est plus faux. La philosophie n’est pas affaire d’adhésion personnelle. Le geste premier de la philosophie, depuis Socrate et Platon au moins, est très exactement l’inverse : une rupture avec l’opinion, un pas de côté à l’égard de nos convictions les plus profondes, l’introduction d’un écart avec nos habitudes de pensée les plus évidentes. En ce sens, un cours de philosophie permettrait aux élèves de s’exercer à la prise de distance à l’égard d’eux-mêmes – de leurs cultures, de leurs coutumes, de leurs traditions, de leurs croyances. C’est à partir de ce recul critique que peuvent se construire de véritables engagements citoyens. » (Le Soir, 3 avril 2015)
15 Au point de donner le sentiment, dans les débats publics qui ont précédé la mise en place de l’EPC, qu’une telle éducation était censée résoudre à la fois les problèmes de politesse, d’absence d’esprit critique, de perte du lien social, de déclin de la démocratie, de radicalisation religieuse, de méconnaissance respective des traditions culturelles et religieuses, etc. J’exagère à peine.
16 Chez ceux-là même qu’on estime avoir posé et soutenu ce partage, en premier lieu Condorcet. Voir à ce propos Bruno Barthelmé, « L’influence des Lumières sur la formation de la morale laïque », dans A.C. Husser, B. Barthelmé et N. Piqué (dir.), Aux sources de la morale laïque : héritages croisés, Lyon, ENS Éditions, 2009, p. 15-28.
17 À tort, dans la mesure où il est évident pour Kant que le philosopher s’apprend au contact de l’histoire de la philosophie. La formule kantienne se trouve dans l’Annonce du programme des leçons de M. Emmanuel Kant durant le semestre d’hiver (1765-1766), tr. M. Fichant, Paris, Vrin, 1973, p. 68. Il est utile de restituer l’argument d’ensemble dans lequel elle trouve sa place. On y voit que Kant n’y défend pas une distinction entre histoire théorique de la philosophie d’un côté, et pratique philosophique d’un autre côté, que l’enjeu n’est aucunement de promouvoir le développement d’une pensée « personnelle » (ni même, d’ailleurs, en l’espèce, autonome) contre la tradition, et qu’il n’est pas question de considérer que le philosopher serait d’une quelconque manière « donné » naturellement aux individus matures, mais qu’il s’agit de faire droit à l’inachèvement structurel de la philosophie, qui doit conduire à l’envisager comme une recherche, dès lors ouverte : « L’étudiant qui sort de l’enseignement scolaire était habitué à apprendre. Il pense maintenant qu’il va apprendre la Philosophie, ce qui est pourtant impossible car il doit désormais apprendre à philosopher. Je vais m’expliquer plus clairement : toutes sciences qu’on peut apprendre au sens propre peuvent être ramenées à deux genres : les sciences historiques et les sciences mathématiques. Aux premières appartiennent, en dehors de l’histoire proprement dite, la description de la nature, la philologie, le droit positif, etc. Or, dans tout ce qui est historique, l’expérience personnelle ou le témoignage étranger – et dans ce qui est mathématique, l’évidence des concepts et la nécessité de la démonstration, constituent quelque chose de donné en fait et qui par conséquent est une possession et n’a pour ainsi dire qu’à être assimilé : il est donc possible dans l’un et l’autre cas d’apprendre, c’est çà dire d’imprimer soit dans la mémoire, soit dans l’entendement, ce qui peut nous être exposé comme une discipline déjà achevée. Ainsi, pour pouvoir apprendre aussi la Philosophie, il faudrait d’abord qu’il en existât réellement une. On devrait pouvoir présenter un livre, et dire : “Voyez, voici de la science et des connaissances assurées ; apprenez à le comprendre et à le retenir, bâtissez ensuite là-dessus, et vous serez philosophes” : jusqu’à qu’on me montre un tel livre de Philosophie, sur lequel je puisse m’appuyer à peu près comme sur Polybe pour exposer un évènement de l’histoire, ou sur Euclide pour expliquer une proposition de Géométrie, qu’il me soit permis de dire qu’on abuse de la confiance du public lorsque, au lieu d’étendre l’aptitude intellectuelle de la jeunesse qui nous est confiée, et de la former en vue d’une connaissance personnelle future, dans sa maturité, on la dupe avec une Philosophie prétendue déjà achevée, qui a été imaginée pour elle par d’autres, et dont découle une illusion de science, qui ne vaut comme bon argent qu’en un certain lieu et parmi certaines gens, mais est partout ailleurs démonétisée. La méthode spécifique de l’enseignement en Philosophie est zététique, comme la nommaient quelques Anciens (de dzètein, rechercher), c’est-à-dire qu’elle est une méthode de recherche, et ce ne peut être que dans une raison déjà exercée qu’elle devient en certains domaines dogmatiques, c’est-à-dire dérisoire ».
18 Synthèse du Rapport rédigé par la Commission Philosophie et Épistémologie (composée, outre Bouveresse et Derrida, de Jacques Brunshcwig, Jean Dhombres, Catherine Malabou et Jean-Jacques Rosat) de la Commission de Réflexion sur les contenus de l’enseignement (présidée par Pierre Bourdieu et François Gros), et remis au ministère de l’Éducation nationale au mois de juin 1989, repris dans Du droit à la philosophie, op. cit., p. 634.
19 C’est ce qu’affirme, du reste, l’introduction du Référentiel de compétences terminales pour l’EPC : « La philosophie est une discipline à part entière pour laquelle les enfants possèdent des dispositions mais dont ils ne peuvent acquérir les compétences spécifiques que grâce à un enseignement ».
20 J. Derrida, Du droit à la philosophie, op. cit., p. 33.
21 « Où commence et comment finit un corps enseignant », texte publié une première fois en 1976 dans un volume intitulé Politiques de la philosophie (qui rassemble des textes de Michel Serres, François Châtelet, Michel Foucault et Jean-François Lyotard) et repris dans Derrida, Du droit à la philosophie, op. cit., p. 118.
22 J. Derrida, Du droit à la philosophie, op. cit., p. 38.
23 Ibid., p. 36.
24 « Ce qu’on a appelé la “déconstruction”, c’est aussi l’exposition de cette identité institutionnelle de la discipline philosophique : ce qu’elle a d’irréductible doit être exposé comme tel, c’est-à-dire montré, gardé, revendiqué, mais dans cela même qui l’œuvre et l’exproprie […] » (Ibid., p. 22).
25 C’était le projet du Greph (au niveau de l’enseignement primaire et secondaire), Groupe de recherche sur l’enseignement de la philosophie, créé dans la foulée de la Réforme Haby en 1974, et du Collège international de philosophie (au niveau de la recherche et de l’enseignement supérieur), fondé en 1983. On trouve un certain nombre de documents concernant le Greph et le Collège dans Du droit à la philosophie. Le dossier a été repris et actualisé magistralement par Sébastien Charbonnier dans Que peut la philosophie ?, Paris, Seuil, 2013.
26 L’État une fois tenu d’assurer les conditions techniques, matérielles, professionnelles, institutionnelles, etc. d’un droit à la philosophie, aucun contrat ne lierait la philosophie elle-même et n’instituerait celle-ci en partenaire réciproque et responsable de l’État (J. Derrida, Du droit à la philosophie, op. cit., p. 69).
27 Ibid., p. 69.
28 Ibid., p. 70.
29 Comment faudra-t-il par conséquent considérer les autres ? C’est peu dire que, à beaucoup d’entre nous, ces pratiques font honte. Encore faut-il que la honte ne tourne pas en démission ou en culpabilité, mais en transformation active de soi et de son milieu.
30 Voir J. Derrida, Du droit à la philosophie, op. cit., p. 44-45, note 1.
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-08298-9
- EAN : 9782406082989
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08298-9.p.0143
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/07/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Enseignement de la philosophie, Belgique, Derrida, droit à la philosophie, institution, zététique