Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Érotisme et frontières dans la littérature française du xxe siècle
- Pages: 397 to 402
- Collection: Encounters, n° 422
Résumés
Amélie Auzoux et Camille Koskas, « Introduction »
Le présent ouvrage mobilise la notion de « frontière » pour aborder la question de l’érotisme dans la littérature française du xxe siècle. Ce parcours, qui prend pour point de départ l’année 1881 (début timide du lent processus de libéralisation de la littérature érotique) entend déployer les différents sens de la notion de « frontière », qu’elle soit politique ou culturelle, éditoriale ou auctoriale pour arpenter un territoire encore relativement peu connu de la littérature du xxe siècle.
Romain Enriquez, « “Tout faire et tout se dire” dans Les Stations de l’amour d’Adolphe Belot. Libre-échange ou nouvelles frontières à la carte de Tendre ? Éros entre extra-territorialité et re-territorialisation »
On attribue à Adolphe Belot le roman érotique épistolaire Les Stations de l’amour. Deux jeunes époux, séparés par un voyage, se jurent de « tout faire » et de « tout se dire » de leurs aventures. Ce défi les pousse à transgresser une série de frontières morales, sociales, physiques, ethniques ; mais il répond aussi à la volonté de savoir, car la liberté des partenaires est soumise à un contrat qui institue la violation d’intimité et redéfinit les contours du territoire d’Éros à l’époque moderne.
Karine Thépot-Caudan, « Mythes et réalités de la femme coloniale. Le pittoresque érotique de la “petite épouse” au service du discours colonial de la conquête »
Cette étude interroge la manière dont des romanciers comme Pierre Loti ont évoqué la « petite épouse » dans leurs récits fictionnels et leurs récits intimes et entend démontrer comment le motif féminin de la femme colonisée a permis de franchir les frontières, entre le monde occidental régi par les lois morales, et le monde colonial, espace de liberté et de jouissance.
398Marc Kober, « L’Éros japonais dans l’imaginaire français »
L’Éros japonais est source d’inspiration pour un grand nombre de romans qui négocient l’héritage exotique et colonial. L’érotisme littéraire « japonais » dans le roman contemporain en France est un aspect moins connu de l’influence culturelle japonaise sur l’imaginaire français depuis le japonisme. La tendance observée serait celle d’une progressive émancipation du modèle érotique pour s’engager dans une relation empathique avec le peuple japonais à travers la découverte d’un destin commun.
Éric Bordas, « Le Maghreb, espace érotique (et politique) d’une culture homosexuelle française au xxe siècle »
En relisant le texte d’écrivains homosexuels français qui disent leur goût pour le Maghreb et leurs habitants, cette étude entend dégager trois modalités poétiques, qui sont également trois moments historiques témoignant d’une évolution des désirs et des pratiques de discours dans la constitution d’un sujet homosexuel envisagé dans son historicité. Cette évolution suit l’histoire événementielle de la décolonisation et relève d’abord d’une politique de la domination, résolument fantasmée.
Amélie Auzoux, « L’érotisme exotique de l’œuvre larbaldienne ou L’Europe galante de Valery Larbaud »
Valery Larbaud a aussi écrit son Europe galante. Passeur de frontières et non démolisseur de celles-ci, comme on l’a trop souvent écrit, Larbaud ne pouvait se détourner d’un genre où s’exerce « le besoin fondamental de transgression », selon les termes de Breton. Cette contribution souligne combien les frontières identitaires – vêtements, corps et langues – sont, dans l’œuvre larbaldienne, consubstantielles au désir. Pas de désir chez Larbaud sans racines, pas d’érotisme sans exotisme.
Gil Charbonnier, « L’idée de l’Europe dans L’Europe galante de Paul Morand »
L’Europe galante (1925) de Paul Morand décrit les nouveaux comportements amoureux de l’Europe des Années folles. L’article interroge les contextes culturels et géopolitiques de l’époque afin de situer la position de Morand dans les débats issus de la « crise de l’esprit » initiée par Paul Valéry.
399Jean-François Louette, « 1928, année érotique ? Le recevable et l’interdit »
Pourquoi Histoire de l’œil était-il un texte irrecevable par les grands éditeurs de la place de Paris en 1928 ? Pour comprendre à quel point pouvait choquer son refus du spirituel, on rappelle l’état de l’âme de Simone de Beauvoir cette année-là, d’après son journal, puis on présente, à titre de points de comparaison, deux romans parus chez Gallimard en 1928 : Le Dieu des corps, de Jules Romains, et Amour, terre inconnue, de Martin Maurice.
Michel Murat, « Un érotisme aux couleurs de La Nouvelle Nouvelle Revue française. Le Lis de mer d’André Pieyre de Mandiargues »
Paru en 1956, Le Lis de mer permet à André Pieyre de Mandiargues de sortir de la confidentialité de son « cabinet » baroque et de devenir un auteur Gallimard. Ce « petit roman classique » raconte la défloration d’une jeune fille, mise en scène par elle-même comme un rite d’initiation, dans une Sardaigne préservée. Sa publication sous l’œil de Paulhan et de Dominique Aury nous apparaît comme un des points de passage du roman érotique vers la littérature légitime – conjonction riche de malentendus à venir.
Raymond-Josué Seckel, « Sade au grand jour ? »
Entre 1920 et 1940, ont paru plusieurs éditions de Sade, pas toutes clandestines loin de là, proposant des textes souvent inédits. Ces publications émanent pour la plupart de sociétés de bibliophiles, ce qui a autorisé une diffusion hors des circuits traditionnels de la librairie. Notre étude analyse cette séquence éditoriale à travers les publications de la Société du Roman philosophique et son animateur, Maurice Heine, le plus grand sadien du xxe siècle sans doute.
Camille Koskas, « Le rôle de Paulhan dans la légitimation de la littérature érotique dans les années 1950 »
Cette contribution montre que Jean Paulhan constitue une de ces figures de « passeur », qui ont jalonné la réception de la littérature érotique au cours du siècle, et grâce auquel celle-ci a conquis sa place au sein de la littérature dite légitime. Dans cette opération de « légitimation » de la littérature érotique, l’article s’interroge sur le rôle joué par La NNRF, dirigée par Paulhan depuis 1953 aux côtés d’Arland.
400Olivier Bessard-Banquy, « Le livre érotique de 1945 à 1968. Tendance subversive »
La période de l’après-guerre est parmi les plus paradoxales pour ce qui est du livre érotique ; jamais peut-être les serviteurs de l’écriture de charme n’ont été plus talentueux et jamais peut-être, depuis le xixe siècle, l’État ne s’est montré plus empressé de vouloir sévir. Il en aura fallu plus pour décourager les glorieux éditeurs d’Histoire d’O ou d’Emmanuelle… Comment ont-ils réussi à travailler dans cette ambiance de puritanisme tracassier ? Comment l’étau s’est-il ensuite desserré ?
Anne Urbain-Archer, « Aux frontières de la liberté. Le relâchement de la censure morale française (1960-1970) »
En 1967, pour la première fois depuis la loi du 29 juillet 1881, un assouplissement est apporté à l’encadrement moral de la presse et de l’édition françaises. Malgré un sursaut réactionnaire dont pâtiront de nombreux auteurs et éditeurs au tournant des années 1960-1970, les années 1968 auront, dans l’ensemble, raison de la censure morale qui a sévi en France depuis la fin du dix-neuvième siècle.
Sophia Leventidi, « Érotisme et frontières de l’enfance »
Depuis les découvertes freudiennes, la majorité des interdits d’ordre sexuel ont disparu dans la permissivité totale du monde occidental. La pédophilie, autrefois considérée comme une transgression parmi tant d’autres, sera défendue par la fine fleur de la pensée française post-68, avant qu’elle ne devienne l’« ultime interdit » – même sur le plan littéraire et artistique –, au sein des sociétés contemporaines qui, tout en sacralisant l’enfant, font de lui un objet de convoitise, hautement érotisé.
Alexandra Destais, « Vers un érotisme littéraire féminin ? »
Quel est le parcours qui a conduit des écrivaines à quitter les rives rassurantes de l’art d’aimer pour investir les chemins buissonniers, tantôt sombres, tantôt lumineux, de l’ars erotica ? Pendant des siècles, les écrivaines n’avaient pas accès au code érotique de l’amour, peu conforme à l’idéal de pudeur. Comment les écrivaines sont-elles donc passées de l’union des cœurs à la liaison des sens ? Quelles sont celles qui ont osé conquérir ce territoire fait par et pour les hommes ?
401Didier Alexandre, « Annie Ernaux, la mémoire et le sexe »
Chez Annie Ernaux, la revendication d’une écriture objective, sociologique, ethnographique du sexe doit composer avec le désir de sauver l’image, le souvenir, la mémoire du moment érotique. L’ambition d’objectivité empruntée aux sciences humaines et appelée à mettre en procès la littérature, est donc habitée d’un projet plus anthropologique et, disons-le, plus sacré : écrire le désir qui est la vie même. C’est cette dualité du projet d’Annie Ernaux que cette étude esquisse à grands traits.
Éric Marty, « La nudité est frontière »
L’hypothèse sur laquelle repose cette intervention est que la nudité crée une disproportion dans la géométrie et la matière de l’espace. Cette disproportion, l’œil n’est pas en mesure de l’assimiler. Après avoir posé quelques réflexions d’ordre théorique appuyées notamment sur Manet et Zola, cet article, à partir de quelques extraits de mon œuvre de fiction, examine la nature de cette frontière constitutive de la nudité.
Louis Watier, « Les Chansons de Bilitis. Séduction de l’exotisme, érotisme de la traduction »
Pierre Louÿs a hésité à présenter Les Chansons de Bilitis comme une pseudo-traduction, pour finalement s’y résoudre. Présenter Bilitis comme une héritière de Sappho, et d’une Grèce quelque peu « asiatique », pouvait ainsi lui permettre de mieux faire accepter l’érotisme de certains poèmes. Cette contribution montre que l’intérêt de la supercherie réside aussi dans le mécanisme même de la mystification : à travers le travestissement littéraire, l’érotisme tient à ce que l’on puisse deviner l’homme derrière la femme.
Marine Riguet, « Érotisme et transfiguration poétique dans l’œuvre de Pierre Jean Jouve »
Parler de l’érotisme chez Pierre Jean Jouve relève presque aujourd’hui d’une lapalissade, tant les forces sensuelles et sexuelles tiennent dans son œuvre une place centrale. En confrontant les notes quasi pornographiques des Beaux Masques à l’œuvre officielle, cette étude tend à prouver que l’érotisme, loin d’être une fantaisie mineure, devient un acte hautement poétique, conciliateur du mythe et de l’incarnation, de la trivialité et du sublime.
402Yvon Houssais, « Mythe et transgression »
Parce que l’érotisme, comme le texte bref, reposent sur une esthétique de la suggestion, une quête de l’intensité maximale, la déstabilisation du lecteur atteint dans la nouvelle érotique une efficacité remarquable. Dans cette entreprise de provocation, il est frappant de constater à quel point l’imaginaire érotique sollicite le mythe, lui-même figure de la transgression. En témoigne l’œuvre de Claude Louis-Combet.
Gaëtan Brulotte, « La dimension pédagogique de la littérature érotique. Perspectives historiques et contemporaines »
Cet article cherche à mettre au jour la dimension pédagogique, explicite ou implicite, de cette littérature jusqu’à l’extrême contemporain. Très présente à travers l’histoire, cette dimension persiste de nos jours mais sous des manières différentes qui sont révélatrices du nouveau statut de la littérature sensuelle. Cette réflexion touche aux frontières discursives et à leur formation, aux frontières conceptuelles, historiques, spatiales et culturelles (Occident/Orient) ainsi qu’aux frontières des genres.
Frédéric Glorieux, « Mesurer les frontières de l’érotisme (textométrie). Littérature du verbe »
Comment programmer un détecteur automatique de littérature érotique ? Ce projet technique inutile permet d’établir des indices mesurables. La pornographie se détecte par un vocabulaire de métier, comme la littérature réaliste. L’érotisme évite les mots obscènes, mais se trahit par des verbes spécifiques, qui insinuent la suggestion. L’instrument découvre un changement du récit érotique depuis les années 2000, par un lexique psycho-moteur comportemental, négligeant l’intériorité.
- CLIL theme: 3639 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Art épistolaire, Correspondances, Discours
- ISBN: 978-2-406-08577-5
- EAN: 9782406085775
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08577-5.p.0397
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-12-2019
- Language: French