Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Épopées postcoloniales, poétiques transatlantiques
- Pages : 301 à 305
- Collection : Littérature, histoire, politique, n° 41
Résumés
Inès Cazalas et Delphine Rumeau, « Introduction. L’épopée dans les littératures postcoloniales et dans les espaces transatlantiques »
Ce texte présente deux champs de recherche en plein renouvellement – les études sur l’épopée et les études postcoloniales – dont le point de rencontre est la réflexion sur les questions collectives et identitaires. Est ensuite expliqué le choix d’aborder les épopées postcoloniales dans une perspective transatlantique. Enfin, le corpus étudié dans le livre est présenté, en récapitulant les différents positionnements par rapport au genre épique et les possibles politiques inventés par les œuvres.
Delphine Rumeau, « Postcolonial et transatlantique. De quelques épopées nord-américaines au xixe siècle »
Cet article analyse le désir d’épopée qui caractérise nombre de poèmes américains, même si la forme de leurs ambitions diffère selon les traditions continentales. Or le caractère réflexif de l’écriture et l’affirmation des enjeux identitaires vont à l’encontre de la polyphonie et de la « pensée » narrative qui caractérisent ce que Florence Goyet appelle « travail épique ». L’intertextualité constitue cependant un autre moyen par lequel restaurer une forme de complexité et de recherche ouverte.
Christophe Imbert, « La gloire de l’empire à l’ère du soupçon. L’aspiration épique chez Walcott, entre horizon post-colonial et post-moderne »
L’œuvre de Derek Walcott pose le problème de l’héritage épique d’une culture et d’une langue d’empire. L’aspiration épique nécessaire chez un poète des West Indies à l’heure de l’indépendance contient un double risque de naïveté : la légende impériale et impérialiste, ainsi que la légende indigéniste et primitiviste. La poésie engage la conquête d’une maturité pour assumer 302l’héritage du colonial et du colonisé à travers une morale épique classique et une morale chrétienne augustinienne.
Cécile Chapon-Rodríguez, « Retrouver l’histoire à travers l’épopée – ou s’en délester ? Communauté antillaise et prisme épique dans Ormerod d’Édouard Glissant et Omeros de Derek Walcott »
Cette étude analyse les usages des intertextes et des codes épiques pour montrer comment Édouard Glissant et Derek Walcott construisent une représentation différente de l’histoire caribéenne et envisagent une communauté possible. Glissant, en liant des épisodes de résistance historique, accomplit un « travail épique » plus poussé, tandis que Walcott établit un dialogue virtuose avec la tradition épique qui lui permet de questionner les notions d’autorité et d’empire, mais surtout d’échapper à l’histoire.
Florian Alix, « Penser avec et sans concepts. Permanence de l’épique dans l’essai postcolonial martiniquais (Césaire, Fanon, Glissant, Chamoiseau) »
Alors que les deux genres de l’essai et de l’épopée semblent aux antipodes, cet article relève des traces épiques au sein d’un corpus d’essais martiniquais et les analyse en recourant à certaines notions empruntées à la théorie de Florence Goyet. Les écrivains mettent en effet en scène leur propos en empruntant certains procédés à la littérature épique, tout en la mettant à distance. De même, ils construisent leur pensée par le biais de concepts mais aussi de personnages.
Tina Harpin, « Mystères, cri et poésie, l’épopée des sans-voix. Ultravocal et Les Affres d’un défi de Frankétienne »
Cet article analyse l’origine et l’originalité de la grandeur épique des spirales de Frankétienne, Ultravocal et Les Affres d’un défi. Dans ces textes, le travail épique tient au travail de la voix poétique, héroïque, qui marronne et fait advenir le réveil des sans-voix. En ce sens, les spirales de Frankétienne sont des « épopées de la complexité » et des « contre-épopées » qui performent un affranchissement de la voix, et qui invitent à repenser les définitions de l’épopée postcoloniale.
303Cyril Vettorato, « Modèle(s) épique(s) et expérience post-esclavagiste dans Wise Why’s Y’s d’Amiri Baraka »
Le poème long Wise Why’s Y’s d’Amiri Baraka a été qualifié d’« épopée » des Noirs américains. Cet article pousse plus loin cette réflexion générique en examinant les traces concrètes du modèle épique dans le texte et comment le jeu avec la tradition épique a permis au poète d’entamer un dialogue critique avec sa propre œuvre. Le résultat est un objet poétique ouvert, antimonumental, qui déplace les enjeux du récit collectif du côté de l’art pour dire l’expérience des peuples dépossédés d’eux-mêmes.
Mathilde Rogez, « L’épopée chez Sol T. Plaatje. Une relecture de Mhudi »
Cet article se propose de voir en quoi une relecture générique de Mhudi, s’appuyant sur les développements récents de la critique, permet de mieux en déceler la portée : c’est d’abord par un travail générique que Plaatje prend position sur le contexte de son époque de mise en place d’une ségrégation raciale, tout en renouvelant les canons littéraires hérités des cultures africaines et européennes.
Pierre Soubias, « Entre tradition et refondation. Le sens des références épiques chez Sembène Ousmane et Ahmadou Kourouma »
Autour de 1960, le roman francophone africain s’affirme, en entretenant un lien complexe avec l’héritage épique. Sembène Ousmane tente de réactualiser l’esprit de l’épopée. De son côté, Ahmadou Kourouma, dans Les Soleils des indépendances, réactive avec nostalgie le style épique mais sans que la résurgence de l’épopée soit possible. Avec des modalités et des significations différentes, les deux romans utilisent l’épopée pour donner du sens à une expérience collective, celle de l’Indépendance.
Yolaine Parisot, « “Travail épique” et poétique de l’immédiat. Links, Knots et Crossbones de Nuruddin Farah »
Rompant avec la reconstitution génésique d’une contre-histoire, le récit postcolonial ultra-contemporain recourt à la référence épique pour sonder la possibilité même de renouer avec la fable et, à travers elle, avec un rapport éthique au présent. Dans la trilogie Past imperfect de Nuruddin Farah, la 304fiction devient ainsi le lieu d’un « travail épique » (F. Goyet) qui interroge l’histoire immédiate, soit la phénoménologie d’une guerre civile sans fin, au prisme de la traduction.
Inès Cazalas, « Un recueil épique pour “rêvérer” les mondes qui font le Mozambique. Mia Couto, lecteur des nouvelles de João Guimarães Rosa »
Cet article analyse les possibles politiques inventés par l’écriture de Mia Couto dans un Mozambique dévasté par la guerre. Il montre que le travail épique fait dans Histoires rêvérées est marqué par l’intertextualité avec Guimarães Rosa : le jeu de la polyphonie et des personnages y est considérablement élargi par un merveilleux fondé sur l’animisme. Celui-ci accomplit un rituel de deuil qui participe à la réconciliation nationale, et permet plus largement de repenser la communauté des vivants.
Catherine Mazauric, « Donner voix au silence. Histoire tue et énonciation épique dans La Quête infinie de l’autre rive de Sylvie Kandé »
L’épopée en trois chants de Kandé, conjoignant la geste d’un souverain mandingue sur laquelle règne un « avis de silence » des griots à celle des aventuriers ouest-africains contemporains, est appréhendée depuis les silences dont elle s’extrait et selon les formes de subversion qu’elle leur oppose. Au-delà du projet d’histoire contrefactuelle dessiné, la texture hybride et la polyphonie du poème soutiennent d’un même élan l’énonciation épique et sa contestation depuis les plis de l’Histoire.
Sylvie Kandé, « L’épique et le subalterne »
Cet essai resitue le long poème narratif de l’auteure, La Quête infinie de l’autre rive. Épopée en trois chants, dans la problématique de la subalternité. Il suggère que l’épopée postcoloniale est caractérisée par l’attention soutenue portée au subalterne, qu’il soit compris comme individu, période ou mode d’être au monde. On y réfléchit sur le droit de l’écrivain.e à porter la parole des autres, à faire advenir le subalterne et le non-advenu à la représentation et à réenchanter les temporalités.
305Florence Goyet, « Conclusion. Geste épique et dynamique épique : deux régimes possibles de l’épique dans le cadre postcolonial »
Ce texte ressaisit l’ensemble des contributions du volume et propose deux grandes lignes de partage des œuvres étudiées (qui peuvent cependant interagir). Soit celles-ci sont régies par le geste épique (revendication ou déconstruction du genre), soit c’est la dynamique épique qui prime (agissant contre le monument, proposant une autre forme de pensée, et pouvant se déployer hors du genre épique). Il s’agit aussi de situer l’épopée postcoloniale par rapport à l’ensemble de « l’épopée moderne ».
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10390-5
- EAN : 9782406103905
- ISSN : 2261-5903
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10390-5.p.0301
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/06/2020
- Langue : Français