Revue Entreprise & Société (ENSO) Appel à contribution
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Entreprise & Société
2023 – 2, n° 14. varia - Pages : 207 à 210
- Revue : Entreprise & Société
REVUE ENTREPRISE & SOCIéTé (ENSO)
Appel à contribution
La Gestion peut-elle être
au service de l’émancipation des salariés ?
Clément Carn, Emmanuelle Nègre,
Jean-Christophe Vuattoux
La Gestion renvoie à la fois aux Sciences de Gestion en tant que discipline académique qui se consacre à la production et à la diffusion de connaissances sur le fonctionnement des entreprises (Martinet et Pesqueux, 2013) et à la Gestion en tant que pratiques reposant sur un ensemble d’outils, de normes comptables et de pratiques managériales. Une problématique récurrente en Gestion concerne celle de la gestion des salariés à laquelle s’ajoute aujourd’hui la gestion pour – et par – les salariés.
Le courant dominant de la recherche en Gestion, qui repose sur des théories économiques ou fonctionnalistes de l’entreprise, se voit aujourd’hui reprocher d’avoir eu une influence négative sur les pratiques et outils de gestion, en participant à la propagation d’une vision du monde pouvant être perçue comme « idéologiquement amorale » (Ghoshal, 2015, p. 76). Cette vision du monde repose sur la poursuite du « business-as-usual » et sur la prépondérance des enjeux financiers sur les enjeux sociétaux qui a eu d’importantes répercussions notamment sur les salariés. L’humain est dans cette perspective réduit à une charge, un actif immatériel ou une « ressource » qui, dans tous les cas, se veut être au service du développement de l’entreprise. Cet ensemble de représentations se confond désormais dans le terme de capital humain. Au sujet du capital humain, Bessieux-Ollier et al. (2022) soulignent la face sombre de ce concept qui, pensé au départ à l’aune de préoccupations sociétales, se 208retrouve aujourd’hui enfermé dans une logique néolibérale, et conduit ainsi à renforcer les processus de contrôle au travail et participe à la marchandisation de l’humain.
Parallèlement, des recherches critiques, s’appuyant notamment sur des cadres théoriques sociologiques ou philosophiques, se sont développées depuis une trentaine d’années et permettent d’interroger la rationalité, la neutralité et l’objectivité des pratiques de Gestion (Morales et Sponem, 2009). Dans ce courant de recherche, la Gestion est présentée comme un ensemble de dispositifs disciplinaires au service du capitalisme financier et des acteurs dominants, et serait incompatible avec des logiques d’émancipation. Dans ce contexte, la question que nous proposons de poser dans le cadre de cet appel est la suivante : comment repenser la Gestion pour la mettre au service de l’humain et notamment des salariés ?
Que faut-il entendre par émancipation des salariés ? L’émancipation peut se définir comme le « processus par lequel des individus et des groupes se libèrent de conditions sociales et idéologiques répressives, en particulier celles qui imposent des restrictions socialement inutiles au développement et à l’articulation de la conscience humaine » (Alvesson et Willmott, 1992, p. 432). Quant aux réalités recouvertes par le mot salarié, les évolutions du cadre juridique d’exercice du travail conduisent à élargir aujourd’hui le périmètre circonscrit au seul contrat de travail pour inclure dans la réflexion les travailleurs intérimaires et indépendants.
Des idées nouvelles bousculent la recherche en Gestion depuis quelques années. De manière non exhaustive, on peut citer dans le désordre l’entreprise libérée, l’empowerment, les espaces de discussions, les méthodes de comptabilité socio-environnementales. Elles ont en commun un projet de renouvellement du rôle et de la place des salariés dans la Gestion. En outre, dans un contexte post-crise sanitaire où les mutations du travail et du rapport au travail sont fortes, la Gestion peut-elle rester aveugle à ces changements ? Si les employeurs parlent de grande démission, les salariés s’expriment davantage sur la perte de sens du travail.
C’est dans cette perspective que s’inscrit ce cahier spécial qui vise à penser collectivement la Gestion autrement, pour en faire une Science et une pratique au service de l’humain. Plusieurs thèmes pourront être abordés pour répondre à cette question et définir collectivement de nouveaux contours possibles pour la Gestion :
209–Liens entre outils de gestion et santé physique et mentale : création ou régulation ? Comment penser la Gestion pour qu’elle soit au service du bien-être au travail ?
–Les alternatives managériales (empowerment, entreprise libérée) : potentiel émancipateur ou réappropriation managériale des questions d’émancipation ?
–Participation des salariés à la gestion et au capital (administrateurs salariés, actionnaires salariés) : quel potentiel transformatif de la gouvernance d’entreprises ?
–Les nouvelles formes de comptabilités par (contre-comptabilité ou counter-accounting) et avec les parties prenantes (comptabilité dialogique) ou encore les modèles de comptabilité élargie au service de la cause écologique et humaine. La comptabilité peut-elle être un moyen par lequel le dialogue s’épanouit et la démocratie s’exprime à l’intérieur des entreprises ?
–La mise en lumière des inégalités entre les salariés et la reproduction des différentes formes de discriminations : Comment les pratiques de gestion participent-elles à reproduire les injustices ou au contraire accompagnent-elles la transformation des entreprises ?
–Les mécanismes d’appropriation des textes réglementaires (bilan social, devoir de vigilance, déclaration de performance extra-financière…) par les managers : quel bilan et quelles perspectives pour la hard law ?
–La gouvernance sans le contrôle : quelles alternatives à la gestion disciplinaire des salariés notamment au sein des coopératives ?
DATES ET INFORMATIONS IMPORTANTES
Rédacteurs invités : Clément Carn, Emmanuelle Nègre et Jean-Christophe Vuattoux
Longueur indicative : 5 000 à 7 000 mots
Date limite de soumission : 15 février 2024
Publication : automne 2024
Soumission : clement.carn@dauphine.psl.eu
210Les auteurs prendront soin d’envoyer leur soumission à Clément Carn et la déposeront, avec une lettre d’accompagnement spécifiant la participation au cahier « La gestion peut-elle être au service de l’émancipation des salariés ? » ainsi que leur tapuscrit anonymisé (page titre et auteurs déposée à part) et aux normes de la revue sur la plateforme : www.classiques-garnier.com/ojs/
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
Alvesson, M., Willmott, H. (2012). “On the Idea of Emancipation in Management and Organization Studies”. The Academy of Management Review, 17(3), p. 432-464.
Bessieux-Ollier, C., Negre, E., Verdier, M.-A. (2022). “Moving from Accounting for People to Accounting with People : A Critical Analysis of the Literature and Avenues for Research”. European Accounting Review, 0(0), 125.
Ghoshal, S. (2005). “Bad Management Theories are Destroying Good Management Practices”. Academy of Management Learning & Education, 4(1), p. 75-91.
Godowski, C., Negre, E., Verdier, M.-A. (2020). Dépasser la discipline pour rendre les salariés acteurs de la gestion : une réflexion. Entreprise & Société, 1(5), p. 177-199.
Morales, J., Sponem, S. (2009). « Rationaliser, dominer, discipliner. Une revue des recherches critiques en contrôle de gestion ». Économie et Société, 21, p. 2001-2043.
- Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN : 978-2-406-16593-4
- EAN : 9782406165934
- ISSN : 2554-9626
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16593-4.p.0207
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/04/2024
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français