Résumés et présentations des auteurs
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Entreprise et responsabilité sociale en questions. Savoirs et controverses
- Pages : 331 à 338
- Collection : Rencontres, n° 302
- Série : Économies et sociétés, n° 1
Résumés
et présentations des auteurs
Jean-Pierre Chanteau, Kathia-Martin Chenut et Michel Capron, « Introduction générale. Entreprise et responsabilité sociale en questions : regards pluridisciplinaires sur les controverses »
Reconnaître les diverses « parties prenantes » est un enjeu reconnu du développement durable. Mais négocier dans des délais serrés pousse à reproduire des clivages antérieurs, tandis que la méthode par consensus pousse à éviter les « questions qui fâchent ». De l’intérêt de mieux connaître l’état des savoirs scientifiques sur les controverses et de croiser les éclairages disciplinaires : l’entreprise ne se réduit pas à une organisation économique, à une chaîne de valeur ni à une personne morale.
Franck Aggeri, « RSE et compétitivité : une relation introuvable ? Mise en perspective historique et enjeux contemporains »
Franck Aggeri, professeur de management au Centre de gestion scientifique (CGS-i3) de Mines ParisTech (PSL Research University), est spécialiste de RSE et travaille actuellement sur les questions d’écoconception, de comptabilité carbone, de stratégies bas carbone et d’économie circulaire. Il est co-responsable de la chaire ParisTech EcoSystèmes Mines Urbaines et chroniqueur à Alternatives économiques.
L’analyse des rapports historiques entre les questions de RSE et celles de compétitivité montre que : 1. La notion de responsabilité sociale émerge quand naissent de grandes entreprises dotées d’une puissance d’agir inédite ; 2. La RSE a eu pour fonction initiale de produire de la légitimité sociale ; 3. Le lien entre questions de RSE et compétitivité est récent et porte sur la problématique de l’innovation responsable dont les enjeux et les conditions sont discutés.
332Jean-Pierre Chanteau, « RSE et compétitivité : une relation sous conditions. Quelques leçons de l’économie de la qualité »
Jean-Pierre Chanteau, maître de conférences hdr en économie à l’université Grenoble-Alpes, étudie de façon comparative les modes de régulation des entreprises pour un développement inclusif, à partir des questions de localisations industrielles, de commerce équitable, de normalisation, de droits de gouvernance. Membre de comités de rédaction (Revue de la régulation ; Revue de l’Organisation responsable).
L’économie de la qualité permet de montrer pourquoi « s’engager dans la RSE est rentable » est une affirmation trompeuse, et quelles conditions doivent être remplies pour des sociétés soumises aux contraintes de marché – ce qui détermine aussi la portée et les limites de la RSE pour la réalisation d’un développement durable. Entre « tout-marché » et « tout-État », se dessine alors une forme d’action collective politiquement plus légitime et économiquement plus tenable.
Nicolas Mottis, « Performance financière et RSE. Deux enjeux à piloter ensemble »
Nicolas Mottis, professeur à l’École polytechnique (département Management de l’innovation et entrepreneuriat), est docteur en économie de l’École polytechnique (1993) et a obtenu une habilitation à diriger des recherches (hdr) à l’université Paris-Dauphine (2000). Ses recherches portent sur les questions de pilotage des performances et sur la gestion de projets dans des contextes de haute technologie.
Ce texte traite de RSE sous l’angle du pilotage des performances des entreprises. Il discute d’abord la corrélation entre performances financières et extra-financières et tire les leçons de l’investissement socialement responsable (ISR). Puis, du côté de l’entreprise, il met l’accent sur les enjeux de pilotage à l’aide de différents cas concrets. La conclusion insiste sur quelques enjeux opérationnels clés à traiter, notamment dans le cadre des futurs travaux de la Plateforme RSE.
Béatrice Bellini, « Agir pour le développement durable par la consommation responsable »
Béatrice Bellini est maître de conférences en sciences de gestion à l’université Paris-Nanterre. Ses recherches portent sur le développement de modèles d’affaires responsables dans les organisations, via la valorisation de la qualité environnementale 333et sociale de solutions de consommation. Ses approches visent aussi à démontrer le besoin de nouveaux outils dans les différentes disciplines de management.
Le citoyen ne fait souvent pas le lien entre ses consommations au quotidien et leurs impacts environnementaux et sociaux. Il est donc important de surligner son rôle de consomm’acteur. Savoir repérer la qualité écologique et sociale devient alors un enjeu fondamental. L’article propose aussi une typologie concernant le niveau d’intégration de la responsabilité sociale dans la stratégie de l’organisation pour faire apparaître l’importance d’agir aux niveaux du produit mais aussi du modèle d’affaires.
Jean-Pierre Chanteau, « Développement durable : gagnant-gagnant ou dilemme ? Les leçons du “paradoxe de Condorcet” pour gouverner une responsabilisation sociale »
Un peu de mathématiques montre que le calcul ou le vote individuel ne peuvent seuls régler des problèmes collectifs même si chacun le désire vraiment. Il faut donc aussi des règles collectives sur les choix sociaux, et des procédures communes pour les adopter, afin de rendre possibles des compromis soutenables. Les réponses mixent une variété de dispositifs de « régulations conjointes » (contrats, conventions, traditions, coutumes…) et d’« autorités de régulation » (chef de famille, gouvernement…).
René de Quenaudon, « Le développement durable, la RSE et le droit, ou la rencontre de trois ordres imaginaires »
René de Quenaudon est professeur des universités en droit privé à la faculté de droit de l’université de Strasbourg et chercheur à l’UMR 7354 DRES. Il a publié divers articles et livres sur la RSE et le droit, notamment Droit de la responsabilité sociétale des organisations : introduction (Larcier, 2014) et deux ouvrages collectifs (Pedone, 2016) avec K. Martin-Chenut.
Pour admettre que le développement durable et la RSE sont solubles dans le droit (lato sensu), il faut leur trouver une porosité entre eux. Elle apparaît dans la constatation que le développement durable, la RSE et le droit appartiennent à une même famille, celle des ordres imaginaires. À partir de là, il est envisageable de demander au droit d’organiser la confrontation des intérêts en présence afin que le politique puisse arrêter la décision la meilleure (ou la moins mauvaise) possible.
334Michel Renault, « Penser et élaborer des compromis. Une approche pragmatique de la responsabilisation sociale des organisations »
Michel Renault, enseignant-chercheur en économie à l’université de Rennes-1, CREM, étudie notamment l’histoire de la pensée économique, les nouveaux indicateurs de richesse et les processus de quantification, la RSE/RSO. Il a publié récemment « Le marché est-il naturel ? Essai sur les usages politiques, idéologiques et moraux du “marché biologique” dans le champ économique » (Tétralogiques, no 21).
La responsabilité sociale et environnementale des organisations est souvent vue comme une conformation ou allégeance à des cadres et référentiels prédéfinis. Nous montrons l’intérêt d’en faire un processus de responsabilisation construit au fil d’un processus d’enquête sur les « conséquences indirectes mais sérieuses » d’activités, amenant les parties prenantes à instituer un problème, définir la situation, prendre en compte des protagonistes, construire un monde commun et élaborer des solutions.
Michel Capron, « Faut-il renouveler la conception de l’entreprise ? »
Michel Capron est professeur honoraire des universités en sciences de gestion. Il a publié plusieurs ouvrages (avec Françoise Quairel-Lanoizelée) : Mythes et réalités de l’entreprise responsable (La Découverte, 2004), L’entreprise dans la société. Une question politique (La Découverte, 2015), La Responsabilité sociale d’entreprise (La Découverte, 3e édition, 2016).
Des travaux récents en sciences sociales ont remis en valeur la réflexion sur les conceptions de l’entreprise dans la société. Ils soulignent la nécessité de ne pas réduire l’entreprise à la seule « grande entreprise », de la distinguer de sa personnalité morale, de redéfinir son objet social, de réexaminer le statut de société anonyme, trop favorable à l’actionnaire, de préciser la notion de son « intérêt social » et d’envisager une gouvernance d’entreprise dans une vision partenariale élargie.
Jean-Pierre Chanteau, « La finalité de l’entreprise vue par les économistes. De la fonction d’utilité à l’entité sociale instituée »
Les économistes distinguent trois conceptions de la finalité : 1o fonctionnaliste (l’entreprise « utile », organisation de production) ; 2o individualiste (la « libre » entreprise, espace privatif de son propriétaire) ; 3o institutionnaliste (l’entreprise comme système social d’actifs productifs, doté d’autonomie 335grâce à des règles collectives privées et publiques). Ainsi l’entreprise n’a pas une finalité mais des finalités, selon les projets et pouvoirs des acteurs qui s’y investissent.
Stéphane Vernac, « Quelle(s) finalité(s) de l’entreprise ? De l’entreprise déformée à l’entreprise réformée »
Stéphane Vernac est maître de conférences en droit privé à l’université de Picardie Jules Verne, chercheur au Centre de droit privé et de sciences criminelles d’Amiens et associé au CGS Mines ParisTech. Ses recherches portent sur l’entreprise, le droit des groupes ou des restructurations. Il co-dirige le programme « Gouvernement de l’entreprise, création de commun » au Collège des Bernardins.
Le droit rend possible une représentation déformante de l’entreprise, portée par une doctrine concevant l’entreprise comme la propriété des actionnaires. Loin d’être impuissant, le droit étatique peut être réformé pour réinventer l’entreprise. Encore faut-il se défaire de la grammaire des intérêts, et réinventer des régimes de responsabilité adéquats ainsi que des mécanismes préservant ce qui forge le commun dans l’entreprise. Ce texte discute différentes propositions de réforme en débat.
Kathia Martin-Chenut, « La RSE saisie par le droit et par les juristes »
Kathia Martin-Chenut, chercheure en droit, co-responsable de l’équipe de droit comparé à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (UMR CNRS/Université Paris-1), a codirigé l’Idex « Attractivité des outils juridiques pour la RSE » (DRES, UNISTRA). Spécialiste du droit international des droits de l’homme, elle étudie la redistribution des responsabilités entre États et acteurs économiques privés.
Perçue d’abord comme un objet étranger au droit, la RSE est désormais rattrapée par la règle juridique et parfois par le juge. Un double mouvement s’opère : d’un côté, un « durcissement » juridique des engagements de la RSE ; de l’autre, une évolution des catégories juridiques. Cette densification normative de la RSE la rend mieux connue des juristes, et les outils juridiques disponibles permettent aux acteurs de prendre au mot la responsabilité sociale à laquelle les entreprises s’engagent.
336Nicolas Cuzacq, « La juridicisation de la RSE. Un panorama en droit économique »
Nicolas Cuzacq est maître de conférences hdr en droit privé à l’Université Paris-Est Créteil, agrégé d’économie et gestion, ancien élève de l’ENS Cachan. Il a publié de nombreux articles sur la RSE notamment sur l’ISR, le reporting extra-financier et le devoir de vigilance des multinationales.
À l’heure de la mondialisation de l’économie et de la croissance des groupes de sociétés, la territorialité des droits nationaux ou la fiction de l’autonomie juridique des filiales et des sous-traitants donnent l’image d’un droit parfois déconnecté de la réalité. Le droit économique propose cependant des solutions visant à dépasser cette dichotomie par les voies du droit de la concurrence ou par celles du droit de la consommation. Nous présentons ici la logique argumentative de ces voies.
René de Quenaudon, « La RSE doit-elle être juridicisée et judiciarisée ? Quelques réflexions à partir du droit du travail »
La question de savoir si la RSE doit être juridicisée et judiciarisée – autrement dit : les normes RSE souples doivent-elles être remplacées par des normes dont l’application relève du contrôle des juridictions étatiques ? – est avant tout un sujet de nature politique. En revanche, la question que l’on peut poser au juriste est de savoir si la RSE peut être juridicisée et judiciarisée. Et si ce juriste est travailliste, il se demande aussi quelles en sont les conséquences sur les relations de travail.
Kathia Martin-Chenut, « Juridicisation et judiciarisation de la RSE. Le rôle du droit international des droits de l’homme »
Le droit international des droits de l’homme contribue à la juridicisation et même à la judiciarisation de la RSE. Si dans un premier temps on observe une concurrence entre soft et hard law, la synergie semble prévaloir désormais. Cette densification normative de la RSE au niveau international affecte aussi l’évolution législative nationale. De même, la RSE est de plus en plus saisie par le juge, tant au niveau national qu’international.
337Nicolas Postel, « “L’entreprise responsable” : sujet ou objet politique et éthique ? »
Nicolas Postel, professeur de sciences économiques à l’université de Lille, CLERSÉ (UMR CNRS), préside le conseil d’orientation du RIODD. Ses travaux dans le champ de l’économie institutionnaliste posent de manière globale la question, dans le temps historique, au niveau des idées comme des faits, de la prise en compte des questions éthiques et politiques dans le processus économique. Il milite ainsi pour réinsérer l’économie dans les sciences sociales.
Pour jauger le potentiel régulatoire de la RSE, nous proposons de prendre du recul pour comprendre que ce n’est pas une nouvelle question mais une nouvelle réponse au problème historique de la nécessaire régulation éthico-politique du capitalisme. À l’aune de cette perspective, on conçoit mieux la nécessité d’institutions et de politiques publiques « réarmant les parties prenantes » pour que, dans la durée, la RSE soit un véritable levier de régulation.
Corinne Gendron, « Grande entreprise et gouvernement des sociétés. De l’acteur économique à l’institution sociale »
Corinne Gendron, professeure titulaire de la chaire de Responsabilité sociale et de développement durable à l’université du Québec à Montréal et professeure affiliée recherche à l’ICN (Nancy), développe une approche sociologique de la grande entreprise pour élargir le cadre d’analyse de la responsabilité sociale. Avec plusieurs collègues, elle anime l’École de Montréal de la responsabilité sociale.
La grande entreprise n’est pas qu’un agent économique : outre sa fonction de production, elle est un véhicule de (re)distribution de richesses et contribue aux orientations de la société. Plutôt qu’une organisation privée autonome du pouvoir politique, elle doit donc être vue comme une institution structurante des rapports sociaux et participant au système politique. Il faut donc prendre la pleine mesure de son pouvoir aujourd’hui dans le contexte de sociétés aux aspirations démocratiques.
Michel Capron, « Deux propositions d’explication des différences de conceptions de la RSE »
L’article propose deux explications des différences de conceptions de la RSE. L’une s’appuie sur l’analyse historique des relations entre les entreprises et la société lors de périodes-clés correspondant à des crises du système 338socio-productif capitaliste. La seconde, par une analyse philosophique et juridique, distingue deux conceptions de la responsabilité (responsabilité-imputation vs responsabilité-assomption) qui traduisent bien les oppositions présentes dans les discussions sur la RSE.
- Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN : 978-2-406-06935-5
- EAN : 9782406069355
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06935-5.p.0331
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/03/2017
- Langue : Français