Dédicace

Dédicace

Y’a quéqu’chose qui cloche là-d’dans, j’y retourne immédiat’ment1 !

Ce refrain de « La Java des bombes atomiques » de Boris Vian a un temps accompagné la signature du courrier électronique de Denis Hüe. Elle emblématise sa posture de chercheur : curiosité éclectique, goût affiché et revendiqué de la matérialité, dynamique incessante de la recherche, refus du pédantisme académique.

Amateur d’Oulipo et de Pataphysique, Denis Hüe a toujours un bidule, un machin ou un vistemboir en réserve dans son chapeau pour nous éblouir, pour notre plus grand plaisir. Sa faim insatiable de lectures et de rencontres a rendu sa fréquentation aussi plaisante qu’enrichissante pour tous les collègues et étudiant.e.s qui ont eu la chance de croiser son chemin. Avec Denis Hüe, l’échange humain est toujours premier : recherche ou enseignement, c’est un même moteur et un même plaisir du dialogue. Autant qu’un médiéviste et un collègue, c’est un ami, dont la présence, nœud papillon et voix puissante compris, a animé et continue d’animer, au sens fort du terme, la vie du Centre d’Études des Textes Médiévaux de Rennes. Spécialiste de la poésie mariale et du puy de Rouen, au sujet desquels ses travaux pionniers sont internationalement reconnus, Denis Hüe est aussi un chercheur encyclopédique, dont la curiosité et l’érudition transgressent la triste découpe séculaire et disciplinaire des études littéraires. En témoignent la variété des hommages rendus dans ce volume.

Les trente-cinq articles rassemblés en son honneur, organisés en cinq parties, reflètent cet éclectisme en même temps que les champs 8où il a exercé sa sagacité et où le porte son appétit intellectuel : encyclopédies et encyclopédisme, débats sur l’Immaculée Conception et poésie lyrique dédiée à la Vierge, pratiques théâtrales urbaines, narration médiévale (de la chanson de geste au roman arthurien en passant par l’hagiographie ou la chronique), réception du Moyen Âge et rémanences diverses. Des fils tissent intimement ces domaines : le pouvoir des mots et le plaisir de la langue ; l’enjeu didactique qui, à partir des encyclopédies médiévales, s’étend bien au-delà du Moyen Âge incluant le souci de la transmission des textes par l’école, par le travail d’édition ou de traduction, ou les bibliothèques ; la ville de Rouen où se nouent poésie, théâtre et esprit encyclopédique ; le plaisir de tous les arts (enluminures, sculpture, architecture ou bande dessinée…). Ampleur des champs et ouverture de la fourchette chronologique sont à l’image de l’érudition gourmande de Denis Hüe – « Maistre Hues mout bel traita2 » – et les limites imposées par le volume ne suffisent pas à en faire le tour !

Notre compagnonnage dans le département de Lettres et le groupe du CETM est ainsi passé par les voies universitaires savantes et pédagogiques au fil des colloques, programmes de recherche et cours partagés sous le signe de la complémentarité avec les deux normaliennes plus formatées, mais aussi par les voies parallèles des soirées gastronomiques mémorables du jeudi soir ou, aussi bien, d’un jeu de piste organisé dans les locaux de Rennes 2 pour les étudiant·e·s… Car le médiéviste est aussi un fameux cuisinier, un formidable convive, un orateur et animateur hors-pair, un « praticien » qui en toute situation, a une proposition ou une solution dans sa besace. Denis Hüe pourrait fait sienne cette réplique de la nouvelle de Jacques Perret intitulée Le Machin3 :

Pas tellement compliqué, dit-il ; c’est un vistemboir.

Quels que soient les difficultés ou les obstacles, contre vents et marées, la navigation est toujours joyeuse, et elle continue !

L’espasse de mil ans n’i samble pas un jor4.

Christine Ferlampin-Acher
et Fabienne Pomel

Université Rennes 2, CELLAM