Gilles Eckard (1949–2022)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Encomia
2022, n° 44. varia - Auteur : Corbellari (Alain)
- Pages : 255 à 257
- Revue : Encomia
Gilles Eckard (1949–2022)
Né le 4 février 1949 à Mulhouse, Gilles Eckard a fait toutes ses études en France. Reçu 4e à l’agrégation de Lettres Modernes en 1972, il est professeur dans le secondaire de 1972 à 1977, puis assistant de Georges Straka à l’Université de Strasbourg de 1977 à 1981. Il y soutient, en 1980, sa thèse sur L’Antithèse sen(s)-folie dans la littérature française du Moyen Âge et devient l’année suivante — à l’âge de 32 ans ! — professeur ordinaire de langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université de Neuchâtel, succédant à Jean Rychner et, plus lointainement, à Arthur Piaget. Il a conservé et marqué de son empreinte cette chaire durant plus d’un quart de siècle.
Probité, rigueur, précision : ces qualités sont éminemment celles de ses publications, dont la focalisation sur des problèmes philologiques précis mène toujours à des considérations littéraires d’une portée considérable. Dans le domaine de la littérature courtoise, on rappellera en particulier qu’on lui doit (en collaboration avec Yasmina Foehr-Janssens et Olivier Collet) l’étude et l’édition des traductions françaises médiévales de la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse (Université de Genève, 2006), ainsi que des articles sur Le Lai de L’oiselet (‘“Li oiseaus dit en son latin”. Cant et langage des oiseaux dans trois nouvelles courtoises du Moyen Âge français’, Critica del testo, II, 2 (1999), pp. 677–93) ou sur La Châtelaine de Vergy (‘De la mystique courtoise à la méditation religieuse : La Chastelaine de Vergi et la LXXe nouvelle de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre’, in Pierre Nobel (éd.), Formes et figures du religieux au Moyen Âge, Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2002, pp. 199–215).
Ses comptes rendus mêmes, aussi brefs qu’ils soient, sont tous d’une acuité qui fait de leur lecture un complément indispensable à celle de l’ouvrage critiqué ; c’est le cas notamment pour son compte rendu du livre de Charles Brucker, Sage et son réseau lexical en ancien français des origines au xiiie siècle (Paris : Champion, 1979), paru dans la Zeitschrift für romanische Philologie, 100, 1984, pp. 456–62. Enfin, historien attentif de sa 256discipline, Gilles Eckard a produit à propos de son maître et prédécesseur Jean Rychner des études que l’on peut considérer comme définitives. Un volume de Mélanges lui a été dédié sous le titre de Philologia ancilla litteraturae (Genève : Droz / Neuchâtel : Recueil de travaux publiés par la Faculté des Lettres et Sciences humaines, 57, 2013).
Gilles Eckard a par ailleurs présidé des Sociétés et Commissions scientifiques importantes, en particulier la Commission philologique du Glossaire des patois de la Suisse romande, le Collegium romanicum et la branche suisse de la Société internationale arthurienne (2002–2011). Directeur du séminaire des langues romanes, il a intégré à deux reprises le bureau décanal de la Faculté. Il a également fait partie de nombreuses Sociétés scientifiques internationales et de plusieurs comités de rédaction. Professeur invité aux Universités de Bourgogne et de Franche-Comté, il a en outre toujours été un expert très apprécié dans les jurys de thèse, où sa finesse et son humour faisaient toujours mouche sans démagogie et dans le respect le plus absolu de l’ethos scientifique.
Profondément ébranlé par les polémiques internes qui ont secoué l’Université durant les premières années du xxie siècle, Gilles Eckard dut prendre une retraite anticipée en 2008. On ne le voyait plus qu’exceptionnellement en public, mais les contacts qu’il garda avec d’anciens élèves témoignaient de ce qu’il conservait un intérêt et une acribie intacts pour la philologie et la littérature de l’ancien français. Après une mauvaise chute en décembre 2021, il fit une embolie pulmonaire et décéda le 22 mars 2022.
Il laisse le souvenir d’un pédagogue exceptionnel qui sut enthousiasmer les étudiants de français pour des matières parfois réputées arides. Il a inspiré à un large public l’amour des lettres médiévales, à travers un enseignement profondément humaniste dont la rigueur n’excluait pas l’humour. On mesurera son rayonnement au fait que non moins de quatre de ses élèves et ancien-en-s assistant-e-s sont actuellement en poste dans toutes les universités romandes.
Alain Corbellari
Université de Neuchâtel – Université de Lausanne
257© Famille Eckard
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-16726-6
- EAN : 9782406167266
- ISSN : 2430-8226
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16726-6.p.0255
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/04/2024
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français