Avant-propos
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Diderot et l’Antiquité classique
- Auteur : Lehmann (Aude)
- Pages : 7 à 17
- Collection : Rencontres, n° 354
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 27
Article de collectif : 1/27 Suivant
Avant-propos
Les raisons qui présidèrent à la tenue d’un colloque sur « Diderot et l’Antiquité classique » furent multiples. À la curiosité d’une latiniste – sensible à la présence constante des auteurs anciens dans l’œuvre de l’Encyclopédiste, à la volonté de rendre hommage à Diderot lors du tricentenaire de sa naissance, s’ajoutait la conviction qu’une réflexion sur le Philosophe des Lumières dont les idées avaient été largement diffusées dans l’Europe de son temps trouverait tout naturellement sa place dans le cadre du laboratoire ILLE (Institut de recherche en langues et littératures européennes – EA 4363).
Comme l’observe en effet Léon Gorny, même dans ses ambitions d’Encyclopédiste soucieux de rassembler, en un seul ouvrage, l’ensemble du savoir universel, Diderot s’est contenté, en réalité, de donner principalement un aperçu des découvertes et des idées qui ont pris naissance dans la vieille Europe : « Cette volonté d’information universelle, dans la seconde moitié du xviiie siècle se heurte pourtant à certaines limites et ne peut que rarement, superficiellement – en dépit de l’intérêt porté aux autres continents et aux civilisations différentes – dépasser les frontières de la culture européenne1 – », une culture dont Diderot, de sa jeunesse à sa mort, n’a jamais oublié les fondements gréco-romains.
Ainsi se trouvait légitimé le choix d’un thème qui permettait de réexaminer l’œuvre du natif de Langres sous un angle spécifique offrant de surcroît une ample matière à des regards croisés, ceux des Antiquisants versés dans les littératures grecque ou latine, l’histoire de l’art antique, la philologie classique ou l’histoire de la philosophie d’une part, ceux 8des savants ou chercheurs, spécialistes des littératures modernes et comparées de l’autre. Les séances du colloque ont ainsi effectivement donné lieu à des débats fructueux, montrant à quel point Diderot, figure éminente de la modernité, était resté tributaire de la pensée antique et quels rapports – oh combien étroits ! – il ne cessa d’entretenir avec les Anciens. Les contributions dont on lira le texte, toutes consacrées à un aspect ponctuel de la problématique choisie pour le présent colloque en donneront – pensons-nous – un riche aperçu, tout en soulignant les limites de la dette du Langrois à l’égard des auteurs de l’Antiquité.
Certes, le thème avait déjà été abordé partiellement dans des études antérieures et les biographes de Diderot ne se font pas faute de souligner la place prééminente des langues et littératures anciennes dans l’enseignement des Jésuites dont le jeune Denis fut l’élève au collège de Langres2. On se plaît généralement à rappeler la fierté de son père, coutelier de son état, lorsqu’il aperçut son fils revenir du collège « les bras chargés de(s) prix » et « les épaules chargées de couronnes – trop larges pour <son> front3 ». Or, parmi ces distinctions figuraient « deux seconds prix », « l’un de vers latins, l’autre de version latine » assortis de la mention Bene merenti4 et concrétisés par les deux tomes de l’Histoire de l’Église du Japon par le père Jean Grasset, comme si, dès ce moment, les maîtres jésuites de l’adolescent avaient voulu lui donner, par-delà le classicisme de leurs leçons, une ouverture sur le monde et l’axer sur une modernité inscrite dans un inéluctable devenir5. Diderot fut pourtant loin d’être un élève docile puisque, de son propre aveu, il s’amusait à « tendre des pièges à (s)on régent » en utilisant pour ses compositions 9latines des tournures rares que celui-ci taxait d’entorses aux règles strictes de la syntaxe classique :
Il se récriait, il se déchaînait contre moi ; et quand il s’était bien déchaîné, bien récrié, je renvoyais toutes ses injures à Virgile, à Cicéron, ou à Tacite6.
Toutefois, cet esprit malicieusement taquin n’a pas empêché le Langrois de s’imprégner durablement des beautés des langues et des littératures anciennes, si l’on en juge par le nombre de citations d’auteurs grecs ou latins, de renvois explicites ou implicites à leurs œuvres, d’imitations de leurs genres littéraires, de confrontations systématiques de sa propre pensée à celle des Anciens. Sans que nous puissions prétendre à l’exhaustivité, les textes recueillis dans le présent volume en apporteront des preuves suggestives et stimuleront les recherches ultérieures dans ce vaste champ d’investigation. De fait, l’Antiquité a accompagné Diderot tout au long de son existence : elle a contribué à former sa pensée, sa vision du monde ; elle a infléchi sa doctrine philosophique, au fur et à mesure de son évolution ; elle a forgé ses théories esthétiques et littéraires, inséparables de sa conception de la morale, elle a orienté considérablement ses idées politiques.
Il est vrai que l’occasion lui fut donnée, à chaque étape de sa vie, de compléter sa formation classique initiale et d’élargir sa culture antique durant ses années d’otium studiosum7 à Paris, mais aussi tout au long de sa carrière d’écrivain et, plus particulièrement, au cours de la grande aventure de l’Encyclopédie, terme dont il propose une définition fondée sur une étymologie rigoureuse8. De surcroît, dans cet ouvrage, il rédige lui-même plusieurs articles portant sur l’Antiquité, animé qu’il fut du souci de faire figurer les humanités classiques aux côtés de la modernité anglaise et de la modernité française9. Et si, dans le Plan d’une université 10– élaboré à l’intention de Catherine II – il repousse à la fin du cursus l’étude du grec et du latin, c’est parce qu’à ses yeux, l’exégèse et la compréhension des grands auteurs antiques requiert une certaine maturité10. Il a du reste réfléchi au problème général de la traduction tant pour les langues anciennes que pour les langues modernes. Sa première œuvre, publiée en 1743, fut, on le sait, la traduction française d’un ouvrage de Temple Stanyan, l’Histoire de Grèce11 et Diderot, non initié à la langue de Shakespeare, avait eu recours pour cette tâche à un dictionnaire anglais/latin, montrant par là même l’utilité de la médiation de cette langue ancienne pour pénétrer les finesses d’une langue vivante étrangère12. Cela n’empêcha pas, plus tard, le Langrois pourtant lui-même rompu à la traduction des auteurs anciens, de se défier des versions modernes de leurs œuvres telles qu’elles fleurissaient à son époque et dont le style risquait de dénaturer ou d’affaiblir les pensées exprimées jadis13. Il est vrai qu’il avait acquis, dès son plus jeune âge, une pratique familière des grands auteurs : Homère, Pindare, les tragiques et les philosophes grecs14. Rappelons, en effet qu’il traduisit lui-même, en prison, sans 11dictionnaire, l’Apologie de Socrate et le Criton15 et qu’il fut en mesure de discuter les règles d’Aristote sur le théâtre16. Il se montra tout aussi versé dans les œuvres de Térence17, de Cicéron, d’Horace, de Virgile, de Pline l’Ancien, de Perse, de Quintilien, de Sénèque et de Tacite18. Son exégèse des vers 1-2 de l’Ode III, 6 d’Horace révèle indiscutablement des qualités de philologue averti19. Ses prises de position en faveur de Pline l’Ancien contre les accusations, déplacées à ses yeux, de Falconet20 témoignent d’une excellente connaissance des livres de l’Histoire naturelle consacrés aux œuvres d’art. Il découvre enfin, durant la dernière période de sa vie, la richesse philosophique et morale de l’œuvre de Sénèque qu’il place alors bien au-dessus de Cicéron21. Plus profondément encore, les genres littéraires et les modes d’écriture qu’il adopte, en particulier le dialogue et la satire ainsi que le dithyrambe, trahissent indéniablement une dette intellectuelle à l’égard des Anciens22.
12Dans le domaine artistique, Diderot qui n’a jamais été en Italie et ne connaît les chefs-d’œuvre de la statuaire antique que d’après des moulages23 est néanmoins convaincu de la supériorité des Anciens sur les Modernes dans le domaine de la sculpture. Bien plus, il s’extasie devant le génie des Anciens qui ont découvert, selon lui, « la ligne idéale », « le “contour de la belle nature”24 » au point d’aboutir à un type parfait, celui de l’Antinoüs du Vatican25. Il faut néanmoins, précise-t-il, se garder d’imiter servilement les Anciens dont les créations ne pouvaient s’appuyer sur aucune tradition. Certes, le recours à l’Antique est fécond, mais il ne saurait dispenser l’artiste contemporain de l’effort personnel de façonner une œuvre en fonction de sa perception subjective du Beau26.
De fait, Diderot ne fut ni un admirateur béat ni un sectateur aveugle des Anciens. Bien au contraire, il s’insurge contre l’anticomanie stupide de certains fidèles des salons mondains de son temps, au point de caricaturer avec une rare férocité le « singe numismate27 ». Il ne se prive pas davantage de blâmer ceux de ses contemporains qui puisent invariablement leur inspiration aux sources antiques et ne savent se détacher des figures traditionnelles de la mythologie « ce maudit catéchisme païen » dit-il28, 13faisant ainsi obstacle à l’émergence d’une mythologie moderne. Il se montre tout aussi critique vis-à-vis des Anciens en matière de médecine. Celse reste pour lui une référence incontournable ; en revanche, il ne valorise pas excessivement Hippocrate29. De même, dans le domaine de l’acoustique, il préfère très nettement les théories récentes d’Euler à celles de son prédécesseur lointain, Aristoxène de Tarente30. Plus généralement, Diderot est d’avis qu’« il faut parler des choses modernes à l’antique31 », se ressourcer certes chez les Anciens, mais pour donner une impulsion nouvelle à la création artistique et littéraire de son temps. On perçoit ainsi, chez le Langrois, une perpétuelle tension entre l’Antiquité et la Modernité. Et c’est très précisément ce paradoxe d’un auteur séduit par le progrès, mais dont l’œuvre accuse un recours et un retour constants aux modèles des Anciens qui a nourri les contributions des participants au colloque et leurs savantes discussions.
Dès lors qu’il s’agissait d’une célébration du tricentenaire de la naissance de Diderot qui vit le jour à Langres le 5 octobre 1713, les dates de la rencontre scientifique s’imposaient d’elles-mêmes : ce serait les 4 et 5 octobre 2013.
Quant au choix du lieu, il pouvait s’expliquer par d’autres considérations encore que par les thématiques abordées au sein du laboratoire ILLE. Certes Diderot n’avait avec l’Alsace que des liens ténus. Il n’avait guère 14voyagé au-delà de Paris et de Langres avant son séjour tardif à la cour de Russie32. Il se révèle comme les Anciens très attaché à sa « petite patrie33 » ; à la manière des rhéteurs anciens, il s’emploie à valoriser sa ville d’origine et les origines de sa ville natale en insistant, preuves à l’appui, sur son passé prestigieux34. Il n’hésite pas même à formuler, à l’encontre des autorités locales – indifférentes aux richesses archéologiques du site – une remarque assassine35. Et lui, qui se plaît à considérer la Marne comme sa « compatriote », n’a aucune affinité particulière avec le Rhin36.
Toutefois, si Diderot, à l’inverse de Voltaire, n’a point séjourné en Alsace, il a entretenu, semble-t-il, de bonnes relations avec certains Alsaciens impliqués dans la vie culturelle de son temps. Rappelons tout 15d’abord que la première édition des Regrets sur ma vieille robe de chambre fut publiée en 1772 à l’initiative du Strasbourgeois Friedrich Ring soit à Bâle (où il était libraire) soit, plus vraisemblablement, si l’on adopte les conclusions de François Moureau, à Karlsruhe37. D’autre part, le musicien Antoine Bemetzrieder, appelé à devenir le maître de clavecin d’Angélique Diderot et auteur d’un traité musical stylistiquement revu par le Philosophe38, avait fait ses études universitaires à Strasbourg avant de s’établir, en 1766, à Paris39. La figure de ce pédagogue et théoricien éminent est, du reste, évoquée dans le Neveu de Rameau40. De surcroît, un autre Alsacien fut amené, dans un contexte plus sombre, à jouer un rôle auprès de Diderot. En effet, au cours de la dernière partie de sa vie, l’Encyclopédiste, contraint de s’en remettre à plusieurs médecins, fait appel, peu avant sa mort41, au docteur Bacher, « praticien alsacien qui lui administre quelques pilules de sa fabrication42 ». Ce spécialiste reconnu de l’hydropisie eut aussi le triste privilège de procéder, avec deux confrères43 et à la demande préalable de Diderot, à son autopsie44. Enfin, en 1884, cent ans après sa mort, lorsque, selon l’expression de Raymond Trousson, on assiste à « la première tentative importante pour faire de Diderot l’un des mythes mobilisateurs de la conscience culturelle et politique45 », c’est à un sculpteur colmarien, Frédéric Auguste Bartholdi – alors sur le point d’achever la fameuse statue de la Liberté éclairant le monde – que fut confié le soin de réaliser une effigie à l’image du grand défenseur des libertés, la statue de Diderot debout, 16érigée dans sa ville natale, sur la place qui porte son nom le 31 juillet 1884 et inaugurée le 3 août46.
Les cérémonies d’anniversaires et d’hommages se réitérèrent par la suite, à mesure que les querelles entre le parti des prêtres et les positions des anticléricaux s’apaisaient47. La manifestation la plus récente, celle de 198448 apparaît, à cet égard comme une consécration largement favorisée par les récentes recherches en critique littéraire et en histoire des idées. C’est dans ce sillage que le colloque mulhousien de 2013 ambitionnait de se situer, avec l’espoir d’avoir contribué au désir de Diderot de passer à la postérité et de pouvoir se glorifier comme Horace, son poète latin favori, de « ne pas mourir tout entier49 ». Or si Diderot ou ses mânes peuvent prétendre à une forme de survie, c’est évidemment grâce à une œuvre diffusée aujourd’hui dans le monde entier et grâce à une pensée certes séduite par le progrès, mais indiscutablement élaborée « à l’école des Anciens50 ».
Aude Lehmann
Université de Mulhouse
17Au moment de la publication des actes de ce colloque dans la collection dirigée chez Garnier par J. Berchtold et C. Seth –, j’exprime ma gratitude aux Professeurs P. Schnyder et F. Toudoire-Surlapierre. Notre reconnaissance s’adresse aussi au Professeur M. Faure, directeur de l’École doctorale « Humanités ». Nos remerciements vont enfin à Madame la Présidente de l’Université de Mulhouse.
1 Léon Gorny, Diderot, un grand européen, Paris, 1970, Préface, p. vii. La notoriété de Diderot en Europe est, du reste, soulignée par Hume en ces termes : « <le> célèbre Monsieur Diderot dont les mœurs et la bonté sont, comme son génie et son savoir connus de toute l’Europe » (cf. New Letters of David Hume, éd. R. Klibansky et E. C. Mossner, p. 181), cité par Arthur M. Wilson dans Diderot. Sa vie et son œuvre. Traduit de l’anglais par Gilles Chahine, Annette Lorenceau, Anne Villelaur, Paris, 2013, p. 452.
2 Voir notamment Jacques Chouillet, Diderot, chronologie et bibliographie par Anne-Marie Chouillet, Paris, Sedes, 1977, part. p. 37-38. Jean Thomas, L’Humanisme de Diderot, Paris, Les Belles Lettres, 1932. Jean Seznec, Essais sur Diderot et l’Antiquité, Oxford, 1957 ; France Marchal, La culture de Diderot, Paris, 1999 ; Serge Baudiffier, « La culture classique de Diderot », Revue de la Franco-Ancienne, janv. 1975, p. 36-39 ; Chantal Grell, Le Dix-huitième siècle et l’Antiquité en France, Oxford, 1995 ; C. Volpilhac-Auger, article « Antiquité » du Dictionnaire de Diderot, sous la dir. de Roland Mortier et Raymond Trousson, Paris, 1999, p. 38-43 ; R. Trousson, article « Auteurs grecs », ibid., p. 52-57 ; E. Flammarion, article « Auteurs latins », ibid., p. 57-64, sans compter les nombreuses études ponctuelles sur des auteurs anciens précis que nous ne mentionnerons pas ici.
3 Cf. Diderot, Œuvres, Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 262 = Lettre à Sophie Volland du 18 octobre 1760.
4 Arthur M. Wilson, op. cit., p. 16.
5 Arthur M. Wilson, op. cit., ibid. qui signale que l’ouvrage, en deux volumes, se trouve actuellement au musée de l’hôtel du Breuil.
6 Cf. Diderot, Œuvres, Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 1774 = Lettre à l’abbé Galiani du 25 mai 1773.
7 Durant ses années dites de « bohème », Diderot ne cessa de se consacrer à l’étude et de combler les lacunes de sa formation : cf. Jacques Attali, Diderot ou le bonheur de penser, Paris, Fayard, 2012, p. 39 et p. 45-46 ; Gerhardt Stenger, Diderot. Le combattant de la liberté, Perrin, Paris, 2013, p. 25-32, part. p. 28.
8 Cf. Diderot, Œuvres, t. I, Philosophie, Encyclopédie, article « Encyclopédie », éd. L. Versini, p. 363 : « Ce mot signifie enchaînement de connaissances ; il est composé de la préposition grecque ἐν, “en”, et des substantifs κύκλος, “cercle” et παιδεία, “connaissance”. »
9 Cf. Jacques Chouillet, Diderot, op. cit., p. 103 où le spécialiste de Diderot affirme : « Parce que Diderot rejette l’étude du grec et du latin à la fin du cursus universitaire (Plan d’une université), on se le représente volontiers comme un sectaire du modernisme. C’est le contraire qui est vrai. Peu de “philosophes” parmi les grands noms de la philosophie de son siècle ont été à ce point imbibés de culture gréco-latine. »
10 Cf. note précédente et Diderot, Œuvres, Politique, Plan d’une université, t. III, éd. L. Versini, p. 449, 451, 454 et surtout p. 459 : « Que signifient ces lettres de Cicéron à Atticus, à Brutus, à César, à Caton, où les replis tortueux de la politique romaine sont développés, sous les yeux d’un enfant ? Lorsque je me rappelle qu’on me faisait interpréter l’oraison de Cicéron Pour la loi Manilia, j’ai pitié de mon professeur et de moi. J’étais pourtant en rhétorique. »
11 L’ouvrage parut en 1743 : cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 42 qui souligne par ailleurs l’aptitude, rare au xviiie siècle, de Diderot à lire l’anglais et, partant, à avoir accès aux grands penseurs britanniques s’exprimant seulement dans cette langue, à la différence de Bacon et de Newton (cf. ibid.). Voir aussi, à ce sujet, le maître livre de Charles Dédéyan, Diderot et la pensée anglaise, Florence, 1987.
12 Cf. Robert Niklaus, article « Angleterre » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 28 et Arthur M. Wilson, op. cit., p. 17 qui cite le passage suivant de l’art. « Encyclopédie » de l’Encyclopédie, dû à Diderot lui-même : « Aussi rien n’est-il plus mal imaginé à un Français qui sait le latin que d’apprendre l’anglais dans un dictionnaire anglais-français, au lieu d’avoir recours à un dictionnaire anglais-latin (…) Au reste, je parle d’après ma propre expérience : je me suis bien trouvé de cette méthode. »
13 Cf. les remarques formulées dans le Sur Térence (Diderot, Œuvres. Esthétique. Théâtre, t. IV, éd. L. Versini, p. 1361-1363), à propos du poète comique, mais aussi des prosateurs latins, ainsi que dans le Plan d’une université (Diderot, Œuvres. Politique, t. III, éd. L. Versini, p. 454) à propos d’une traduction de Lucrèce par Lagrange, pâle reflet de l’original selon Diderot.
14 Contrairement à bon nombre de ses contemporains, Diderot était également versé dans la langue grecque et dans la langue latine : cf. Jean Seznec : Essais…, op. cit., p. 8.
15 Cette tâche, effectuée à partir d’un petit Platon de poche, intervient à un moment où, déjà grand admirateur du philosophe athénien, Diderot s’identifie à lui et assimile son sort au sien. Précisons, en outre, que si la traduction de l’Apologie de Socrate fut menée à terme, celle du Criton fut interrompue par la remise en liberté de Diderot. Voir à ce sujet Jean Seznec, Essais…, op. cit., p. 2 sq. Pour la fascination exercée par le sage de l’Antiquité sur le Philosophe du xviiie s., cf. Pierre Hartmann, Diderot. La figuration du philosophe, Paris, 2003.
16 Cf. Raymond Trousson, article « Auteurs grecs » du Dictionnaire Diderot, op. cit., p. 53 et surtout Mary-Anne Zagdoun, « Diderot et l’esthétique d’Aristote » dans le présent volume.
17 Son opuscule Sur Térence atteste de surcroît une connaissance approfondie des sources antiques dont nous disposons pour l’étude de cet auteur, comme le montre Gualtiero Calboli : cf. « L’essai sur Térence de Diderot et la Vie de Térence chez Donat. Étude critique et comparée » dans le présent volume.
18 Tacite a notamment nourri la pensée politique de Diderot comme cela apparaît dans les Notes écrites de la main d’un souverain en marge de Tacite (1774) et dans l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron. Diderot lui rend hommage en le présentant comme « le Rembrandt de la littérature : des ombres fortes et des clairs éblouissants » (cf. Pensées détachées sur la peinture dans Diderot, Œuvres. Esthétique. Théâtre, t. IV, éd. L. Versini, p. 1038).
19 Cf. Diderot, Œuvres ; Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 1168 sq. = Lettre à l’abbé Galiani, 25 mai 1773 où Diderot sollicite l’arbitrage du diplomate napolitain à propos d’une « querelle philologique » (ibid.) avec son ami Naigeon. Contrairement à la tradition – reprise par les commentateurs modernes (cf. L. Versini, ibid., n. 1) – Diderot rattachait le génitif majorum à immeritus, et non à delicta et traduisait ainsi les deux vers : « ‘Romain, indigne de tes ancêtres, tu seras châtié de tes forfaits, tant que tu ne relèveras pas’, etc. »
20 Diderot, Œuvres ; Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 616-617 = Lettre à Falconet du 15 février 1766.
21 Cf. Diderot, Œuvres, Philosophie, Essai sur les règnes de Claude et de Néron, t. I, éd. L. Versini, part. p. 1228-1229.
22 Sur le dialogue, forme d’expression privilégiée par Diderot, en particulier dans ses œuvres philosophiques où l’on reconnaît un héritage platonicien, mais aussi dans ses œuvres dramatiques et, même, dans les Salons, cf. Roland Mortier, article « Dialogue » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 139-142. Quant à la satire, originellement sermo, « conversation » en latin, et genre hybride au départ, elle a marqué de son empreinte la Satire première, puis le Neveu de Rameau : cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 350 où l’auteur souligne l’influence des Satires d’Horace sur cette œuvre littérairement inclassable intitulée par l’auteur Satyre seconde (cf. aussi L. Versini, Diderot Œuvres. Contes, t. II, Satyre seconde. Le neveu de Rameau, intr., p. 605-606). Pour l’imitation du dithyrambe, nous renvoyons à la contribution de Tatiana Smoliarova, « L’inspiration pindarique chez Diderot ou la Composition personnifiée » dans le présent volume.
23 Voir à ce propos la contribution de Jean-Marie André, « Diderot et l’Antiquité romaine : antiquités et Antiquité » dans le présent volume.
24 Cf. Jean Seznec, Essais…, op. cit., p. 24 sq. et Pierre Hartmann, « Nature normative et sentiment de la nature dans les Salons », Dix-huitième siècle, no 45, 2013, La nature, p. 379-396, qui relève chez Diderot une « connexion » « entre sa doctrine de la nature et sa conception esthétique » (ibid., p. 382).
25 Cette statue, en réalité un Hermès, figure au nombre des œuvres les plus souvent citées par Diderot : Jean Seznec, Essais…, op. cit., p. 22-42 et Diderot, Œuvres. Esthétique. Théâtre, t. IV, éd. L. Versini, Salon de 1765, p. 351-352 ; Essais sur la peinture, p. 486-487.
26 Cf. Annie Becq, article « Esthétique » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 186 et C. Volpihac-Auger, article « Antiquité », ibid., p. 41.
27 Cf. Jean Seznec, op. cit., p. 79-96 et Diderot, Œuvres. Esthétique, Salon de 1767, t. IV, éd. L. Versini, p. 794 qui parle des « petites bésicles de l’anticomanie ».
28 Diderot, Œuvres. Esthétique, Salon de 1767, t. IV, éd. L. Versini, p. 641 (à propos des peintres Drouais, Roslin, Valade et du portrait du Maréchal de Belle-Isle par ce dernier) : « sans les dieux du paganisme, ces gens-là ne sauraient que faire. Je voudrais bien leur ôter ce maudit catéchisme païen ».
29 Celse jouissait de l’estime de Diderot, de ses collaborateurs de l’Encyclopédie et des savants du xviiie siècle ; cf. Aurélien Gautherie, « Celse et le De Medicina dans l’Encyclopédie de Diderot » dans le présent volume. La médecine grecque, incarnée par « Esculape, Hippocrate et Galien » sert de caution à Diderot lorsqu’il plaide en faveur de la réunion de la médecine et de la chirurgie : cf. Première lettre d’un citoyen zélé…. à M.DM…. écrit anonyme du 16 décembre 1748 (cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 78-79). Hippocrate et Galien figurent parmi les classiques du Plan d’une université (cf. Diderot, Œuvres, Politique, t. III, p. 475, éd. L. Versini). Mais, Diderot se montre ouvert à la science médicale de son temps dans les Éléments de physiologie (cf. ibid. et Arthur M. Wilson, op. cit., p. 582 sq.).
30 Diderot avait fait la connaissance des deux mathématiciens suisses, Leonhard Euler et son fils Jean-Albert Euler, tous deux membres de l’Académie des Sciences de Russie où il fut lui-même élu, cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 526 (et p. 76). Il avait par ailleurs une bonne connaissance des doctrines des savants grecs, Pythagore et Aristoxène. Il s’écarte cependant des théories trop subjectives de ce dernier dans les Principes généraux d’acoustique : cf. Jacques Chouillet, Diderot, op. cit., p. 72-73 et se rapproche des conclusions de Leonhard Euler auteur du Tentamen nouae theoriae musicae : cf. ibid., p. 73.
31 Voir à ce sujet Raymond Trousson, « Diderot et la leçon du théâtre antique », Actes du colloque international Diderot (Paris, Sèvres, Reims, Langres des 4 et 11 juillet 1984), éd. par Jacques Chouillet, Paris, 1985, p. 487.
32 Diderot avait renoncé à se rendre en Italie, alors même qu’il en commente les chefs-d’œuvre artistiques dans les Salons, cf. L. Versini, Diderot, Œuvres, Esthétique, t. IV, p. 171 (Intr.) ; G. Imbrugia, « Un voyage manqué : Diderot, Grimm et le mythe de Venise », Diderot and European culture, de F. Ogée and A. Strugnell, Oxford, Voltaire Foundation, 2006, 09SVEG ; Jean-Marie André, « Diderot et l’Antiquité romaine : antiquités et Antiquité » dans le présent volume. Diderot ne s’est jamais rendu non plus en Angleterre, alors qu’il doit tant à la pensée anglaise et qu’il fut membre de la Society of Antiquaries of Scotland (cf. Peter France, “Diderot and Scotland” dans Diderot. Les dernières années. Actes du colloque d’Édimbourg des 2-5 sept. 1984, p. 3-16, Edimburg Univ. Press, 1985 éd. P. France et A. Strugnell).
33 Cette notion est présente chez les auteurs latins qui proclamaient leur appartenance à trois patries : leur lieu de naissance, Rome et l’univers. Voir notamment Pline le Jeune, Lettres I, 3 ; II, 5 ; III, 6 ; IV, 13 ; IV, 30 ; V, 7 ; V, 11 ; VII, 32.
34 Diderot connaissait les topoi de la rhétorique de l’éloge, cf. Dominique Bocage-Lefèbvre, « La célébration de l’Antiquité dans trois œuvres esthétiques de Diderot », Essais sur la peinture, Éloge de Térence, Pensées détachées sur la peinture dans le présent volume. À propos des éloges de cités, on consultera le livre de Laurent Pernot, La rhétorique de l’éloge dans le monde gréco-romain, Paris, 1993, t. I, p. 178-216. Mais c’est l’article « Langres » de l’Encyclopédie qui atteste le mieux la fierté d’appartenir à une cité jadis prospère, cf. Robert Bedon, « Diderot et l’article “Langres” de l’Encyclopédie », texte de la conférence liminaire du colloque dans le présent volume ; ainsi que Id., Atlas des villes, bourgs, villages de France au passé romain, Paris, Picard, 2001, article « Langres », p. 183-184.
35 Cf. Anne-Marie Chouillet, article « Voyages à Bourbonne, à Langres » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 532.
36 À cette nuance près que dans une lettre à Mme d’Épinay écrite à La Haye le 18 août 1773, Diderot signale que « le vin du Rhin trempé de beaucoup d’eau a tout à fait raccommodé (s)on estomac » (cf. Diderot, Œuvres. Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 1187-1188). D’autre part, si, dans un tout autre registre, Diderot déclare exécrer les vers de la Pharsale de Lucain qui évoquent le Rhin, c’est uniquement pour des raisons poétiques (cf. Lucain, Pharsale V. 289-290 cités par Diderot dans le Salon de 1767 : cf. Diderot, Œuvres, Esthétique, t. IV, éd. L. Versini, p. 778). Il évoque « (s)a triste et tortueuse compatriote, la Marne » dans la lettre à Sophie Volland du 25 sept. 1760 (cf. Diderot, Œuvres. Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 227).
37 Cf. François Moureau, Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, avril 1994, p. 113-123. Voir aussi Arthur M. Wilson, op. cit., p. 716, n. 49 pour les éditions successives.
38 Cf. Arthur M. Wilson, Diderot. Sa vie son œuvre. op. cit., p. 494-495 et Jean Mayer, article « Bemetzrieder Anton » dans Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 73 : Diderot, accusé d’avoir étroitement collaboré à l’ouvrage, assurera qu’il s’était contenté de corriger le français quelque peu « tudesque » de l’auteur… (cf. ibid.).
39 Cf. Jean Mayer, article cit., ibid.
40 Cf. Diderot Œuvres. Contes, t. II, éd. L. Versini, p. 682 : « j’ai entendu la conversation qui suit, entre une espèce de protecteur et une espèce de protégé », petite phrase qui aurait pu blesser Bemetzrieder dont les relations avec Diderot ne furent pas toujours « harmonieuses » (cf. Jean Mayer, article cit., ibid.) ; et p. 684, allusion à la doctrine du musicien : « Rien de si plat qu’une suite d’accords parfaits… »
41 Cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 592.
42 Cf. Jacques Attali, Diderot ou le bonheur de penser, Paris, 2012, p. 419 et la note 518, p. 493.
43 Cf. Arthur M. Wilson, op. cit., p. 777, n. 87 : il s’agit des docteurs Dupuy et Lesne.
44 Cf. ibid., p. 594.
45 Cf. Raymond Trousson, article « Commémorations, Anniversaires » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 107-108.
46 Cf. ibid. et Madeleine Pinault-Sörensen, article « Iconographie » du Dictionnaire de Diderot, op. cit., p. 243.
47 Cf. Raymond Trousson, ibid., p. 107.
48 Cf. ibid., p. 108.
49 La question de la survie des intellectuels, des gens de lettres et des artistes dans la mémoire des hommes du futur a préoccupé Diderot. Ce fut aussi l’objet d’une de ses controverses avec Falconet : cf. Diderot, Œuvres, Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 582 = Lettre à Falconet du 10 janvier 1766 où il cite Horace, Odes III, 30, v. 6-7 : Non omnis moriar multaque pars mei/Vitabit Libitinam ; ibid., p. 617-618 = Lettre à Falconet du 15 février 1766 avec une citation du vers fameux de la même ode (III, 30, v. 1) et, au préalable, la mention d’Agasias soucieux d’inscrire son nom au pied de la statue Le Gladiateur et d’Epaminondas, fier de ses victoires de Leuctres et Mantinée garantes de son immortalité (cf. ibid., p. 601). Le thème est récurrent dans les missives adressées à Falconet : voir notamment la Lettre du 5 août 1766 où Diderot reproduit non seulement les vers d’Horace (Odes III, 30, 6-7), mais les vers 871-876 des Métamorphoses XV d’Ovide affirmant, eux aussi, la volonté délibérée du poète d’échapper à l’oubli (cf. Diderot, Œuvres. Correspondance, t. V, éd. L. Versini, p. 669).
50 Nous empruntons cette expression au titre de l’ouvrage de Laurent Pernot, À l’école des Anciens. Professeurs, élèves et étudiants signet – Belles Lettres – Précédé d’un entretien avec Jacqueline de Romilly. Textes réunis et présentés par Laurent Pernot, Paris, Les Belles Lettres, 2008.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-07327-7
- EAN : 9782406073277
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07327-7.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/08/2018
- Langue : Français