Un avant-dernier point (dans l’ordre de la typologie, non de la chronologie) concerne l’île en fonction d’observatoire. On la rencontre en particulier dans des textes où les valeurs d’intimité de la retraite et de l’asile (et pourquoi pas du paradis) se retournent (à la faveur d’un glissement qui s’opère autour de l’idée de solitude) en stratégie défensive et disciplinaire, en exil, en servitude. En drame. Un Éden y devient lieu de faute et de peine. Un malheur insulaire est, notamment, celui des habitants d’utopie qui contreviennent aux lois. Malheur à ceux qui dérogent aux obligations du bonheur. Ils sont sous les yeux d’un dispositif où l’île est tout entière un regard en situation de tout voir et punir. Utopiquement, la visibilité totale à laquelle on soumet les insulaires en lieu clos garantit l’intelligibilité des idées qu’on entend leur faire intérioriser. Mais si l’île est un lieu parfait car achevé, complet (dont la totalité se donne à voir en bloc aussi bien qu’en détail), il n’en va pas ainsi de l’insulaire en personne. Il se pourrait que la visibilité soit trompeuse, au demeurant. C’est le cas dans des romans (surtout contemporains) qui multiplient les trompe-l’œil et font de l’île un labyrinthe où réel et fiction deviennent indiscernables entre eux parce que les doubles y prolifèrent et que l’Ailleurs y prend les couleurs d’un ironique alibi, quand ce n’est pas d’une apocalypse.