Balises 1
- Publication type: Book chapter
- Book: Des îles en littérature. Une bibliothèque ouverte à tous les vents
- Pages: 25 to 25
- Collection: World Geographies, n° 39
Balises 1
Pour des raisons qui tiennent à sa représentation, l’île est un espace où l’origine est constitutive. Un « premier homme » y récite une humanité première en raccourci (dans l’espace), en accéléré (dans le temps). C’est à peine si ces commencements mythiques ont besoin d’un naufrage ; ils baignent en continu dans le spectacle vivant d’une éternelle Genèse. À chaque fois que la nature en ouvre le Livre, ils se répètent ; et c’est la répétition qui, justement, les consacre et les définit. C’est le fait que ce soient les mêmes, indéfiniment recommencés, toujours antérieurs ; et c’est, justement, cette antériorité qui préside à leur évidence en même temps qu’à leur secret. Car il y a secret, sinon dans la Création, du moins dans sa reprise. De là, chez tous les écrivains d’île intéressés par une histoire (autrement dit donner des suites aux commencements), nécessité simultanée d’un récit d’île et d’un « roman » de l’île. Un récit d’île : agencement des différents motifs instituant l’insularité dans sa dimension narrative (voyage, naufrage, séjour, retour, ou non…), descriptive (site, tableau, scène…), discursive (adamisme, érotisme, exotisme, hédonisme…). Un roman de l’île : exploration de l’énigme interne à l’antériorité de tout récit d’île et dont l’une des figures est, logiquement, le Prédecesseur, en qui s’incarne à la fois le « premier homme » et ce dieu caché, cet homme-providence à tuer symboliquement pour avoir le droit de s’approprier l’île comme si cette île, aucune autre, était désormais non seulement déserte mais aussi vierge de toute trace, de toute écriture. Récit d’île et roman de l’île ont donc, on le voit, partie liée : le secret du second consiste en la refondation du premier.