Notice à l'établissement du texte
- Publication type: Book chapter
- Book: Correspondance de la Grande Guerre à Folco de Baroncelli. Tome I (1914-1915). Sauver le grand homme, réhabiliter l’image de la petite patrie
- Pages: 67 to 70
- Collection: Correspondence and Memoirs, n° 32
- Series: Les xxe et xxie siècles, n° 4
NOTICE À L’ÉTABLISSEMENT DU TEXTE
La correspondance de Jeanne de Flandreysy à Folco de Baroncelli pendant les années de la Grande Guerre est conservée au Palais du Roure (Avignon) dans le Fonds Montgolfier. C’est une correspondance volumineuse qui comprend 998 lettres. Dans ce premier volume, nous reproduisons les années 1914-1915 dans leur intégralité car elles forment un tout cohérent. Elles relatent l’histoire tumultueuse d’une amitié et nous éclairent sur le rôle essentiel que Jeanne de Flandreysy a joué en ces années-là dans la destinée du soldat Baroncelli et dans la fabrique du poète provençal. Elles constituent, en outre, un témoignage personnel inestimable sur la manière dont les Françaises et les Français ont vécu cette guerre.
En raison de la rareté des correspondances féminines pendant la Grande Guerre et de correspondances aussi complètes et substantielles que celle-ci, il nous a paru essentiel de la faire connaître dans sa totalité. Certes, toute reproduction intégrale présente des inconvénients – la longueur, la présence de lettres qui peuvent paraître moins essentielles, les redites – mais ce n’est qu’en conservant intacte cette correspondance que nous pouvons apprécier à sa juste valeur la place qu’occupe l’écriture dans la vie de Jeanne pendant la Grande Guerre et surtout la force de son engagement à l’égard de Folco de Baroncelli et de la Provence (la petite patrie).
Inévitables dans une correspondance de cette envergure, les redites éclairent en fait la dynamique des échanges épistolaires entre Jeanne et Folco. D’abord, elles nous renseignent sur la personnalité des correspondants et les tensions qui se font jour entre eux pendant ces années de troubles. Parce que Folco éprouve le besoin presque obsessionnel de savoir, Jeanne est appelée à revenir sur les sujets que Folco évoque encore et toujours dans ses lettres comme les conversations qu’elle a tenues à telle ou telle personne, Charles Roux en particulier, ou les démarches qu’elle et ses amis ont entreprises en vue de son rapatriement dans le 68Midi. Jeanne est elle-même quasi obsédée par tout ce qui arrive à Folco. Toutes ses journées se passent à essayer de trouver le moyen de le sauver et à lui écrire pour le tenir au courant de ses démarches et des progrès qui ont été accomplis. Les redites qu’on observe dans certaines lettres servent non seulement à informer Folco mais aussi à le rassurer en lui montrant tout ce qui est fait à son intention, ce qu’il a tendance à oublier lorsque le désespoir s’abat sur lui. La répétition, dans ce cas, constitue une preuve d’amitié. C’est la marque du caractère « indestructible » de cette amitié, le rappel du pouvoir qu’elle a de surmonter les obstacles qui se dressent entre les correspondants dans ces temps difficiles.
Caractéristique des échanges épistolaires en général, la répétition l’est plus encore des échanges pendant la guerre. Dans une conversation de vive-voix, les gestes de notre interlocuteur et l’expression de son visage nous indiquent si nous nous sommes fait comprendre. Ces signes sont absents dans l’échange épistolaire, d’où le besoin qu’éprouve l’épistolière de revenir sur certains points. L’incertitude dans l’acheminement du courrier en temps de guerre ne fait qu’accroître ce besoin. Au moment où Jeanne écrit, elle n’a souvent pas reçu la réponse de Folco à sa dernière lettre. Ignorant s’il a eu connaissance des informations envoyées précédemment, elle se voit forcée de les répéter.
La répétition s’avère également nécessaire lorsque le destinataire ne répond pas aux questions qui lui sont posées ou le fait de manière incomplète ou imprécise. Ainsi en va-t-il des requêtes que Jeanne adresse à Folco, qu’il s’agisse de clarifications concernant les explications qu’il a eues avec ses chefs, de la rédaction de légendes ou de traductions du provençal en français car tantôt Folco les ignore tantôt il ne parle qu’à demi-mots.
Une reproduction tronquée, on le voit, donnerait une idée erronée du sens et des enjeux de cette correspondance et nuirait à son authenticité.
Nous avons focalisé notre attention sur une seule voix, celle de Jeanne. La voix de Folco est toutefois très présente dans la correspondance flandreysienne, soit que Jeanne évoque le contenu des lettres de Folco, soit qu’elle en cite des extraits ou s’arrête sur des mots qu’il a utilisés. À lire Jeanne, on se fait une idée assez juste de la teneur de la correspondance de Folco, de la personne privée, du poète et de son œuvre. Ce personnage nous est donné à voir non seulement à travers les yeux de l’épistolière mais aussi à travers les yeux de ceux qui l’ont bien connu et dont Jeanne rapporte les opinions dans ses lettres.
69En somme, ce projet d’édition est l’occasion de reconsidérer l’amitié entre Jeanne et Folco sous un prisme jusqu’ici ignoré et de faire sortir de l’ombre la femme hors du commun derrière le grand homme au moment où la France est en proie à l’une de ses guerres les plus effroyables.
Ce volume renferme 73 envois en 1914, totalisant 107 feuillets et 409 envois en 1915, totalisant 876 feuillets et 87 cartes postales. Les feuillets sont le plus fréquemment du format +/- A4 plié en 2, utilisé souvent recto-verso. Les cartes sont du format carte postale standard.
Nous avons conservé l’ancienne habitude, adoptée par Jeanne, qui consiste à mettre une majuscule aux mois et aux jours. En revanche, nous avons supprimé la majuscule qu’elle utilise de manière erronée pour les adjectifs de nationalité (« Je suis Dauphinoise »). Par souci de lisibilité, nous avons régularisé la ponctuation, les guillemets en particulier. L’usage qui en est fait manque de rigueur au point qu’on ne sait plus parfois si la voix qui nous est donnée à entendre est la voix de Jeanne ou celle d’une autre personne. Nous avons ajouté des virgules lorsque leur absence risquait d’obscurcir le sens et des points pour remplacer les tirets que Jeanne utilise en guise de point final comme on le fait parfois quand on rédige à la main. Nous avons corrigé silencieusement les fautes d’orthographe. Les lettres en contiennent relativement peu, ce qui est assez remarquable, compte tenu du fait que Jeanne rédige souvent ses lettres en toute hâte (entre deux rendez-vous), dans des lieux publics (gare, terrasse d’un café, train) et à toute heure de la journée (6h du matin, 11h du soir). En revanche, nous avons conservé certaines constructions maladroites comme « ce sentiment que vous rêviez » (21 mai 1915) qui relèvent du langage familier et populaire. Nous avons signalé les lettres et les mots biffés, les mots rajoutés, les ratures ou taches d’encre de sorte à conserver le caractère spontané de cette écriture. Les mots ou phrases soulignés ont été reproduits tels quels. Pour la grande majorité, les abréviations des noms dans les lettres codées à partir du 20 juin 1915 ont été laissées intactes. Toutefois, la même abréviation peut désigner différents individus, un nom de personne ou un nom de lieu, un nom de famille ou un prénom. Vu l'usage erratique que Jeanne fait des abréviations, il a été fourni un index élucidant les principales occurrences et dans les lettres contenant un grand nombre d'abréviations, les noms ont été donnés entre crochets.
Les lettres se présentent pratiquement toutes de la même manière avec, en haut à gauche, le nom du lieu, la date en dessous (le jour et le mois sur 70une ligne, l’année sur la suivante), quelques lignes en dessous l’adresse au destinataire où la virgule manque invariablement (« Bien cher Ami »), puis le texte quelques lignes en dessous. Si le papier manque, Jeanne fait suivre le texte immédiatement après l’adresse au destinataire. Elle écrit également verticalement sur le côté gauche de la page et termine parfois sa lettre à la première page en utilisant l’espace droit en haut de la page. Il était impossible de reproduire ces variations. Par souci de clarté et d’esthétique, nous n’avons pas non plus reproduit les chiffres que Jeanne utilise (II, III) chaque fois qu’elle utilise une autre page. Toutefois, le passage d’un feuillet à l’autre a été signalé par //.
En appendice, une table des correspondances indique la cote de chacune des lettres (au fonds Mongolfier), la date où la lettre a été écrite et envoyée, sa provenance, sa destination et ses particularités. Nous avons indiqué tout renseignement concernant le contenu des envois effectués par Jeanne (coupure de journal, fleurs séchées, lettre d’un ami que Jeanne souhaite partager avec Folco) et la spécificité d’un chacun : le lieu et les circonstances de la rédaction des lettres, l’en-tête qui se trouve sur l’enveloppe ou le papier à lettres, la ville représentée sur la carte postale et où Jeanne se trouve au temps de la rédaction.
- CLIL theme: 3639 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Art épistolaire, Correspondances, Discours
- ISBN: 978-2-406-07219-5
- EAN: 9782406072195
- ISSN: 2261-5881
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07219-5.p.0067
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-27-2018
- Language: French