Notices biographiques des correspondants et des personnages principaux évoqués dans les lettres
- Publication type: Book chapter
- Book: Correspondance croisée 1869-1873
- Pages: 99 to 105
- Collection: Sodome et Gomorrhe, n° 3
Notices biographiques
des correspondants
et des personnages principaux
évoqués dans les lettres
Nous proposons ici des notices biographiques de manière à compléter les informations fournies dans l’introduction de ce volume. Les correspondants font l’objet de notices, ainsi qu’Emmanuel Gasquet et Auguste Gérard, deux amis qui jouent un rôle important dans la vie des correspondants. Nous fournissons aussi des éléments biographiques sur les personnes aimées par les correspondants : Albert Frézard (Adrien Juvigny), Thérèse Maquet (Paul Bourget) et Charles Henry des Tureaux (Georges Hérelle). Quant aux autres personnes évoquées dans les lettres, on trouvera en note des éléments biographiques à leur sujet à la première évocation de leur nom et on se référera à l’index des noms pour repérer ces notices.
Georges Hérelle (1848-1935), professeur de philosophie à Dieppe (1871-1873), Vitry-le-François (1875-1881), Évreux (1881-1887), Cherbourg (1887-1896) et Bayonne (1896-1903). Historien et archiviste de l’histoire de la Champagne, il se passionne également pour les Pastorales basques, au sujet desquelles il publie plusieurs études et des éditions érudites de textes. Hérelle se consacre à l’histoire de l’amour entre hommes et rédige une vaste étude : Nouvelles études sur l’amour grec (3 volumes, 1700 feuillets), demeurée inédite. Il fait paraître en 1930, sous le pseudonyme L. R. de Pogey-Castries, une traduction annotée de l’Histoire de l’amour grec dans l’antiquité (1837) de Moritz Hermann Eduard Meier, « augmentée d’un choix de documents originaux et de plusieurs dissertations complémentaires ». Hérelle se fait connaître pour ses nombreuses traductions littéraires. Il traduit de l’italien les œuvres d’Enrico Annibale Butti, Gabriele D’Annunzio, Grazia Deledda, Guglielmo Ferrero, 100Antonio Fogazzaro et Matilde Serao, et de l’espagnol celles de Vicente Blasco Ibáñez, Rubén Dario, Ventura Garcia Calderon et Mauricio Lopez Roberts. En 1897, l’Académie française couronne sa traduction du roman Les Vierges aux rochers de D’Annunzio du prix Langlois. En 1925, Georges Hérelle décide de faire don de sa collection de livres et de ses archives. On trouve ses études sur les Pastorales basquesà la Bibliothèque de Bayonne et certaines lettres et notes à la Bibliothèque nationale de France. Il lègue à la Bibliothèque municipale de Troyes la plus grande partie de ses archives : documentation personnelle et familiale, correspondances générales et celles qui concernent ses traductions, ses manuscrits, sa bibliothèque d’ouvrages et sa vaste documentation sur les amours entre hommes. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1900, Hérelle décède à Bayonne en 1935, quelques jours avant la disparition de Paul Bourget.
Paul Bourget (1852-1935), obtient son baccalauréat en août 1871 et une licence ès lettres à la Sorbonne en avril 1872. Dès 1873, il fréquente des salons littéraires importants et fait partie du Cercle des poètes zutiques et du club littéraire des Hydropathes. Dans un premier temps, il se fait remarquer en publiant des recueils de vers : La Vie inquiète (1875), Edel (1878) et Les Aveux (1882), ainsi que des articles dans La Revue des Deux Mondes, Le Parlement et La Renaissance littéraire et artistique. Ses Essais de psychologie contemporaine (1883), publiés dans la Nouvelle Revue entre 1880 et 1883, représentent son premier grand succès de librairie. Viennent ensuite des romans à scandales qui confirment son statut de romancier à la mode : Cruelle énigme (1885), Un crime d’amour (1886), Mensonges (1887), Le Disciple (1889) et Un cœur de femme (1890). En 1894, Bourget est élu à l’Académie française, au fauteuil 33, celui de Maxime Du Camp. Il se rapproche à cette époque du catholicisme conservateur, nationaliste et antidreyfusard. Il se convertit en 1901, transformation reflétée dans trois romans – L’Échéance (1900), Un divorce (1904) et L’Émigré (1907). Bourget épouse Minnie David en 1890, mariage sans postérité. Il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1889, Officier de la Légion d’honneur en 1895, Commandeur de la Légion d’honneur en 1923, Grand-officier de la Légion d’honneur en 1931 et Grand-croix de la Légion d’honneur en 1935.
101Maurice Bouchor (1855-1929) publie son premier recueil de vers, Chansons joyeuses (1874), à l’âge de dix-neuf ans. Il fait paraître ensuite Poèmes de l’amour et de la mer (1875), Le Faust moderne (1878), Les Contes parisiens (1880), L’Aurore (1884). Il collabore avec des compositeurs qui mettent ses poésies en musique : L’Âme des bois (1878), Le Petit sentier (1878) avec Ernest Chausson et Viens ! (1878) avec Ladislas Wieniec. Il rédige des pièces religieuses : Tobie (1889), Noël (1890) et Sainte Cécile (1892), jouées au Petit-Théâtre des marionnettes de la galerie Vivienne à Paris et une pièce en vers, Conte de Noël, jouée au Théâtre-Français en 1895. Bouchor est dreyfusard, membre de la Ligue des Droits de l’Homme ; il milite pour la laïcité et le socialisme et collabore à l’Humanité, à la Revue Socialiste et à la Vie Ouvrière. Il est impliqué dans les Universités populaires pour lesquelles il rédige plusieurs pièces de théâtre : La Muse et l’ouvrier (1900), Le Pain (1901), Le Pont, l’Églantine et le Citoyen (1902) et Jacques et Marianne (1905). Il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1889. L’Académie française lui octroie le prix Vitet en 1892 pour l’ensemble de son œuvre poétique et le prix Auguste-Furtado en 1921 pour ses Chansons animées. Bouchor épouse en 1890 Éléonore Perné (1848-1925) et reconnaît officiellement alors les deux enfants de sa femme : Madeleine Cécile Emma Bouchor (1881-1945) et Jean-Sébastien Bouchor (1882-1953).
Adrien Juvigny (1849-1873), issu d’un milieu très modeste, perd son père vers 1865, sa mère en 1869 et son frère Joseph vers 18711. Il obtient une bourse au lycée Louis-le-Grand de par sa vocation de devenir prêtre et étudie ensuite au petit séminaire de Vanves. Lorsqu’il décide de ne plus poursuivre une carrière ecclésiastique, l’abbé Thenon le prend sous sa protection et lui trouve un poste de précepteur durant l’été 1870. Vers juin 1871, Juvigny continue ses études, occupe un poste de maître d’études et travaille à la bibliothèque de l’École des Carmes à Paris, dirigée par l’abbé Thenon. Son acte de décès indique qu’il fut en 1873 « correcteur d’imprimerie ». Ses lettres à Paul Bourget font état de ses nombreux projets dont un roman en vers, Paulin Braconnier, et un long poème, Albert. Son désir de publier ses œuvres et de se créer une vie plus stable ne se réalisera pas. Juvigny évoque souvent ses problèmes de 102santé pulmonaire. Il décède après une longue agonie dans sa chambre à l’école des Carmes, au 70 rue Vaugirard, le 3 septembre 1873.
Félix Bourget (1856-1895) se destine à la carrière d’enseignant, obtient son baccalauréat ès lettres et ès sciences vers 1876 et est nommé maître-auxiliaire au lycée Henri IV pour l’année scolaire 1876-1877. Albert Feuillerat, beau-frère de Paul Bourget, caractérise Félix ainsi :
Félix, le plus âgé des garçons après Paul, achevait ses études à Sainte-Barbe et voulait se consacrer aux sciences mathématiques par affection pour son père. Mieux doué que grand travailleur, de manières élégantes, affectant volontiers des airs blasés, imaginatif – il écrivait, lui aussi en secret –, il aimait les beaux gestes et piquait sur ce milieu sérieux une note mondaine et comme aristocratique2.
Il est professeur de mathématiques au collège d’Ajaccio avant octobre 1880 et obtient alors une bourse d’études à la faculté des sciences de Marseille. Un article dans Le Petit Clermontois du 16 octobre 1887 sur les funérailles de Justin Bourget indique que Félix est « préparateur à la Faculté des sciences » (nous ne savons pas de quelle faculté il s’agit). Il intègre ensuite l’armée, devient maréchal-des-logis au 38e régiment d’artillerie et se porte volontaire pour la Seconde expédition de Madagascar. Il meurt à Tananarive le 19 octobre 1895.
Emmanuel Gasquet (1854-1886) est le « le second fils de l’économe du lycée de Clermont-Ferrand et le frère d’un élève à Sainte-Barbe3 » (Amédée Gasquet, le frère aîné, est camarade de classe de Paul Bourget4). Emmanuel Gasquet et Georges Hérelle se lient d’amitié en avril 1870. Plusieurs 103lettres témoignent de leur affection mutuelle et peut-être même de leur amour réciproque. Ils entretiennent une correspondance suivie entre 1868 et 1876, mais Georges Hérelle indique avoir détruit leurs lettres, ainsi que « diverses lettres d’amour adressées à Emmanuel par plusieurs personnes5 ». Paul Bourget exprime des sentiments d’affection à l’égard d’Emmanuel Gasquet dans plusieurs lettres et dans un un poème de septembre 18696. Gasquet décède le 17 novembre 1886 à Paris. Le registre des décès de la mairie du XVIIe arrondissement donne les informations suivantes : « acte de décès de Sylvain Emmanuel Gasquet, âgé de trente-deux ans, sous chef de bureau à la Préfecture de la Seine […] décédé en son domicile rue Brémontier 4, le seize novembre courant à dix heures du soir […] célibataire ». La déclaration de décès a été faite par : « Paul Vignon, âgé de quarante-quatre ans, instituteur, […] et de Alexandre Lacial, âgé de trente ans, employé […] amis du défunt7 ».
Auguste Gérard (1852-1922) fait carrière comme diplomate et écrivain. Il fréquente Paul Bourget et Georges Hérelle au collège Sainte-Barbe et au lycée Louis-le-Grand. Il poursuit ses études à l’École normale supérieure de 1872 à 1876 et part ensuite à Berlin où il est nommé lecteur et secrétaire français de l’impératrice francophile Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach, épouse de Guillaume Ier. À son retour en France en 1880, il entame une illustre carrière diplomatique : secrétaire d’ambassade à Washington (1880-1881) ; chef de cabinet de Léon Gambetta aux Affaires étrangères (1881-1882) ; postes diplomatiques à Madrid (1882-1883), Berne (1883-1886) et Rome (1886-1889) ; ministre plénipotentiaire au Monténégro (1889-1891), à Rio de Janeiro (1891-1893), Beijing (1894-1897) et Bruxelles (1897-1906) ; ambassadeur de France au Japon de 1907 à 1914. Gérard publie des ouvrages sur la diplomatie, parmi lesquels : L’Effort japonais (1916), Ma mission en Chine, 1893-1897 (1918), œuvre couronnée du Prix Thiers par l’Académie française, Nos alliés d’Extrême-Orient (1918), La Triple entente et la guerre (1918) et L’Extrême-Orient et la paix (1919). Il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1885, Officier de la Légion d’honneur en 1894, Commandeur de la Légion d’honneur en 1897 et Grand-officier de la Légion d’honneur en 1913.
104Thérèse Maquet (1858-1891), poétesse et femme de lettres. Elle est la fille de Marie Thérèse Félicie Poittevin et de Hector Maquet, qui fonde, en 1841, avec son frère Charles, la maison Maquet, papeterie et maroquinerie de luxe. L’oncle de Thérèse, Auguste Maquet (1813-1888), est un collaborateur d’Alexandre Dumas et a sans doute encouragé sa nièce dans ses travaux littéraires. Son recueil Poésies posthumes, avec une préface de Sully Prudhomme, est publié en 1892. Elle collabore avec les compositeurs Cécile Chaminade (1857-1944), Armand Vivet (1869-1937) et Jules Massenet (1842-1912) qui adaptent après son décès plusieurs de ses poèmes en musique. Paul Bourget se dit amoureux de Thérèse Maquet en 1872.
Albert Frézard (1855-1926), fils de Delphine Duband et de Lucien Frézard8, licencié en droit, fait carrière comme avocat et est nommé juge de la paix suppléant en décembre 1893. Il est conseiller municipal et maire de Sauzelles de 1900 à 1919 et conseiller général de l’Indre pour le canton de Tournon-Saint-Martin de 1911 à 1919. En 1921, il est nommé administrateur de la Société des Lièges des Hamendas et de la Petite Kabylie et devient ensuite président du conseil d’administration de la société. Il est également Président de la société de secours mutuel de Saint-Génitour au Blanc et Président de l’Office Départemental des Pupilles de la Nation. Il épouse Cécile Devaux le 31 mars 1888, mariage demeuré sans postérité. Adrien Juvigny raconte avoir développé une intense affection pour Albert Frézard lorsque ce dernier était jeune élève à l’École des Carmes.
Charles Henry des Tureaux (1857-1932) est le fils du médecin Alfred Henry des Tureaux (1811-1882) et Françoise Émilie Boucheron (1828- ?). Georges Hérelle est son précepteur au château des Tureaux (Méry-ès-Bois) durant les étés de 1870, 1871 et peut-être en 1872. Charles Henry des Tureaux est renvoyé du collège Sainte-Barbe en 1872, à l’âge de quinze ans à cause d’une liaison avec un camarade de classe, et a sans doute terminé sa scolarité dans un autre établissement. Il est conseiller municipal et maire de Méry-ès-Bois de 1893 à 1912, et conseiller général 105du Département du Cher pour la commune de La Chapelle-d’Angillon de 1884 à 1925. Propriétaire du château des Tureaux et de ses terrains, Charles Henry de Tureaux est décrit comme étant un « grand amateur de chevaux et passionné de chasse à courre9 ». Il se marie le 31 mai 1890 avec Marguerite Joséphine Adèle Lefebvre (1866- ?) et ils auront trois fils.
1 Une lettre de son frère de février 1871 est conservée dans les archives de Georges Hérelle, Fonds Hérelle, MS 3141, t. IV, 7e chemise, liasse IV, fo 3.
2 Albert Feuillerat, Paul Bourget : histoire d’un esprit sous la Troisième République, Paris, Plon, 1937, p. 34.
3 Anna-Hélène Chaubard, « Georges Hérelle maître auxiliaire au Lycée impérial de Dijon (Décembre 1869-Juin 1870). Esquisse d’après des documents inédits suivie d’une bibliographie des travaux de G. Hérelle », Communication du 14 décembre 1973, Mémoires de la Société académique du département de l’Aube, t. CVII, Arts – Lettres et Histoire, 1975, p. 303.
4 Amédée Gasquet (1852-1914), historien et homme politique français. Il devient le chef de sa famille en octobre 1870, au décès de leur père, étudie à l’École normale supérieure (promotion 1871), est reçu à l’agrégation des lettres en 1874 et docteur en histoire en 1879. Professeur à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand, recteur de l’académie de Nancy de 1893 à 1902 et ensuite directeur de l’enseignement primaire au ministère de l’instruction publique à partir de 1902. Il fait également une carrière dans la politique municipale de Clermont-Ferrand, élu conseiller municipal en 1886 et maire de 1888 à 1893.
5 Fonds Hérelle, MS 3807, fo 85.
6 Nous reproduisons ce poème en annexe, p. 808-809 et 819-820.
7 Archives de Paris, 1886 V4E 7479, acte no 2580.
8 Lucien Frézard est le propriétaire associé de la Manufacture Blanchard, fabricants d’outils pour bourreliers, selliers, tanneurs, cordonniers, maroquiniers, établis au 24 rue des Marais à Paris, où est également né Albert Frézard.
9 Bernard Toulier, Cahier de l’Inventaire no 26. Châteaux en Sologne, Paris, Éditions Imprimerie nationale, 1991, p. 277.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-16012-0
- EAN: 9782406160120
- ISSN: 2742-846X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16012-0.p.0099
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-05-2024
- Language: French