Explorations
- Publication type: Journal article
- Journal: Considérant – Revue du droit imaginé
2023, n° 5. varia - Authors: Bareït (Nicolas), Connil (Damien)
- Pages: 11 to 12
- Journal: Journal of Imagined Law
EXPLORATIONS
Le cinéma permet d’ouvrir les perspectives. Celles des spectateurs. Celles des critiques. Celles du droit imaginé, aussi. Car le « droit imaginé » – et cette revue, comme nous l’indiquions dès le numéro d’ouverture et avons essayé de le mettre en évidence dans chacun des volumes parus depuis – entend considérer autrement, largement et tout aussi attentivement les rapports qu’entretiennent le droit et la fiction, le droit et ses représentations, le droit et l’imaginaire juridique. De ce point de vue, le cinéma et l’écran apparaissent, à coup sûr, comme un terrain d’exploration que les juristes – aussi – peuvent investir à profit… Le droit imaginé, derechef.
Ce numéro de Considérant en est une nouvelle illustration à travers la publication des actes d’un colloque organisé à Aix-en-Provence le 18 février 2021 par l’Association des étudiants de l’Institut Louis Favoreu1. Le colloque, ambitieux et à la hauteur de son ambition, portait sur « Le droit constitutionnel à l’écran », titre conservé pour le dossier du présent numéro. Les auteurs y invitaient à l’exploration cinématographique. Les contributions réunies en témoignent.
Celles-ci proposent une sorte d’Odyssée de l’espace – géographique, au moins : de Hong Kong et son cinéma aux Pays-Bas de Paul Verhoeven, du Japon voire du monde de Miyasaki au Commonwealth de The Crown. Ce sont aussi bien des systèmes juridiques différents que des traditions diverses qui se trouvent alors questionnés, des pratiques et des habitudes multiples, des façons de penser le droit, de le mettre en œuvre ou de le pratiquer.
Mais c’est également un Retour vers le futur, explorant la IIIe République sous l’œil de Bertrand Tavernier ou les institutions libérales par le prisme des films « catastrophe », interrogeant l’univers Star Wars ou observant le contentieux constitutionnel comme impensé du cinéma. Il ne s’agit pas seulement de voir la fiction pour la confronter à la réalité 12ou inversement. Il s’agit aussi d’observer ce que l’on ne voit pas. Du moins, pas toujours. Plus encore même, il s’agit peut-être de chercher – par un pas de côté, de celui qui raconte ou de celui qui regarde – ce que l’on pourrait voir.
Et pourquoi pas aussi quelque Rencontre du troisième type : le chef de l’État en chef de guerre, le ministre perdu d’In the Loop, de Gaulle et le gaullisme ou le Parlement entre réalités et fictions. L’exploration est multiple car le champ est vaste. Inépuisable, sans doute. Utile, assurément. Parce que l’enjeu n’est pas (pas uniquement, en tout cas) celui d’une pause divertissante ou d’un détour distrayant. L’exploration est bel et bien un moyen de réflexion, en tous les sens du terme.
Le cinéma nous renvoie une image autant qu’il nous incite à re-penser notre objet, à le reconsidérer. Pour dépasser, certainement, « les obstacles à la découverte que dressent le savoir illusion, les fausses certitudes2 ».
L’exploration se prolonge d’ailleurs en Varia, par une expérimentation pédagogique : pour enseigner le droit par l’imaginaire et même, plus exactement peut-être, pour enseigner le droit en passant – aussi – par l’imaginaire.
De telles explorations invitent alors à poursuivre le chemin. Il est toujours utile de mesurer la distance parcourue ; il est aussi important de savoir avancer. Mais dans quel sens ? Vers quelle direction ? Avec quels objectifs ? Pour quelles finalités ? Telles sont les questions qu’il conviendra ensuite de se poser. Le questionnement ne devrait-il pas désormais trouver une nouvelle orientation ? Au travers d’interrogations peut-être davantage méthodologiques. Comme pour marquer une étape ou passer un cap. Pour affermir la réflexion autant qu’en affirmer la spécificité. Celle des juristes comme des non-juristes, qu’il s’agisse de littérature, de cinéma ou d’autres formes de représentations. Pour se doter d’outils, importés d’autres disciplines ou créés sur mesure3, qu’il faut encore discuter et éprouver. Autour de cet objet singulier : le droit imaginé.
Nicolas Bareït et Damien Connil
1 À l’initiative de Frédéric Sédat avec Cédric Aguzzi, Manon Bonnet, Théo Brillanti-Derien, Evan Lagune, Servane Le Dû, Arnaud Morando et Julien Padovani.
2 Boorstin, Daniel, Les découvreurs, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2004, p. 5.
3 V. la célèbre distinction proposée par Claude Lévi-Strauss entre le bricoleur et l’ingénieur dans La Pensée sauvage (1962), Œuvres, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 2008, p. 576.
- CLIL theme: 3260 -- DROIT -- Droit général
- ISBN: 978-2-406-14748-0
- EAN: 9782406147480
- ISSN: 2729-2177
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14748-0.p.0011
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-29-2023
- Periodicity: Annual
- Language: French
- Keyword: imagined law, representations, fiction, cinema, literature, knowledge, methodology