Résumés et présentations des auteurs
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Casanova. « Écrire à tort et à travers »
- Pages : 197 à 202
- Collection : Rencontres, n° 158
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 17
Résumés et PRÉSENTATIONS DES AUTEURS1
Jean-Christophe Igalens, « “Deviner mon secret”. Madame F. et Casanova entre les lignes »
Jean-Christophe Igalens, agrégé de lettres modernes et docteur en littérature française, est maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne. Il appartient au Centre d’étude de la langue et des littératures françaises (UMR 8599 du CNRS et de l’université Paris-Sorbonne). Il a publié Casanova. L’écrivain en ses fictions (Paris, 2011), et coédite, avec Érik Leborgne, l’Histoire de ma vie (Paris, depuis 2013).
Cette étude analyse les enjeux de la communication « entre les lignes » dans l’Histoire de ma vie, à travers l’épisode des amours de Casanova avec Mme F. à Corfou. L’art de dire amoureux peut être mis en relation avec « l’art d’écrire » évoqué par Leo Strauss dans La Persécution et l’Art d’écrire. Tous deux supposent une entente avec le destinataire, une préférence pour l’expression oblique. Ils permettent aussi d’esquisser en creux la relation idéale que Casanova suggère au lecteur d’entretenir avec son texte.
This article presents a detailed reading of a famous episode of Casanova’s Story of my life: his love affair with Mme F., in Corfu. It focuses on some aspects of what we could call a communication “between the lines”. The way Casanova evokes amorous and erotic realities can be linked to the “art of writing” analysed by Leo Strauss in his book, Persecution and the Art of Writing. Both imply complicity with the receiver of the discourse and a predilection for oblique expression. The analysis of the Corfu episode sheds an interesting light on the ideal relation that Casanova suggests his reader should maintain with his text.
Raphaëlle Brin, « “On m’accusera d’être trop peintre là où je narre plusieurs exploits d’amour”. Casanova et l’écriture érotique »
Raphaëlle Brin, ancienne élève de l’ENS, est agrégée de lettres modernes. Elle a notamment publié : « “Tout dire ?” : Casanova et la sélection des souvenirs », dans 198le nº XI des Cahiers de Littérature française (Bergame, 2011), et « “Du savoir-vivre au savoir écrire” : la sociabilité mondaine comme modèle d’écriture dans l’Histoire de ma vie de Casanova », dans le no 21 de la revue Lumières (Bordeaux, 2013).
Cet article étudie quelques aspects de l’écriture érotique dans l’Histoire de ma vie. La mise en récit des jouissances passées est en effet un point sur lequel Casanova revient à de nombreuses reprises, dans ses préfaces comme dans sa correspondance. Ces remarques éparses, parfois contradictoires, permettent de cerner les principaux enjeux du récit érotique casanovien : la relation au destinataire, la question de la forme, le rapport du descriptif et du suggestif, la mise à distance de l’obscène, etc.
This article presents various aspects of Casanova’s erotic writing, focusing mainly on the Story of my life. The article analyses Casanova’s metadiscourse (particularly his prefaces and his letters, which outline a first theorisation of his erotic writing and its effects on the reader) in relation to some episodes of the Memoirs. A careful reading of the Story of my life leads us to identify some of the main contradictions and specificities of Casanova’s erotic writing: the role of the reader, the relationship between suggestion and description, the issue of obscenity, etc.
Françoise Tilkin, « Topographie du dégoût casanovien »
Françoise Tilkin, professeur à l’université de Liège, dirige le Groupe d’étude du dix-huitième siècle et des révolutions (GEDHSR). Ses travaux portent sur la littérature française du xviiie siècle. Elle a notamment édité Adolphe, dans les Œuvres complètes de Benjamin Constant (Tübingen, 1995) et l’« Essai sur les mœurs », dans les Œuvres complètes de Voltaire (Oxford, 2014).
Bien que placée dès sa préface sous le signe du plaisir, l’Histoire de ma vie évoque souvent le dégoût et lui assigne un rôle important. Le dégoût tend souvent à être provoqué par des objets sexués, donc souvent par des femmes. Son absence et sa disparition sont également souvent notées. Il faut s’interroger aussi sur la suspension du dégoût chez le lecteur, pourtant confronté à des éléments racontés qu’il pourrait juger répugnants – n’est-ce pas là le signe que Casanova parvient à nous imposer sa vision ?
In spite of being built as a pleasure quest from the first lines of its preface, the Story of my life very often contains references to disgust, which plays a crucial part in the plot. Disgust is caused by sexual objects, consequently very often by women. Casanova also emphasizes the lack of and the disappearance of disgust. One should also question 199the suspension of disgust from the perspective of the reader, who is exposed to tales that might be regarded as repugnant – isn’t this the sign that Casanova succeeds in imposing his vision on us?
Marine Ganofsky, « À la faveur de la nuit. Figures féminines de la nuit dans l’Histoire de ma vie de Casanova »
Marine Ganofsky, maître de conférences en littérature française à l’université de St Andrews, est l’auteur d’une thèse sur la nuit dans le roman libertin, soutenue à l’université de Cambridge. Ses recherches portent sur l’Histoire de ma vie de Casanova, la gravure d’illustration, les petites-maisons, les clairs-obscurs libertins.
Depuis son évasion des Plombs jusqu’à ses exploits amoureux en passant par ses supercheries cabalistiques, les grandes scènes des Mémoires de Casanova ont presque toujours lieu à la faveur de la nuit. Cet article envisage la nuit comme une autre figure féminine de l’Histoire de ma vie, une véritable entité maternelle. Il analyse en quoi cette représentation de la nuit comme force bénéfique est en fait l’écho d’une évolution des mentalités au xviiie siècle envers le phénomène nocturne.
From his escape from the Piombi in Venice to his amorous exploits, from his urban wanderings to his esoteric hoaxes, the greatest scenes of Casanova’s memoirs are virtually all set under cover of darkness. This article aims to consider night as yet another feminine figure haunting the recollections of Story of my Life, a true maternal entity. This chapter explores the extent to which Casanova’s representation of night as a benevolent power echoes a crucial evolution in the history of ideas affecting the experience of and discourse on the nocturnal phenomenon in the long eighteenth-century.
Angéline Dulac, « “Le caprice me fit répondre que j’étais médecin”. L’art médical de Casanova dans l’Histoire de ma vie »
Angéline Dulac est doctorante à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand et prépare, sous la direction de Jacques Wagner, une thèse portant sur le corps, le temps et l’écriture dans l’Histoire de ma vie de Casanova. Elle a notamment publié : « L’alliance des commerces amoureux et gastronomiques chez Casanova », dans le no 5 Les Cahiers Européens de l’Imaginaire (Paris, 2013).
Cet article s’intéresse aux motivations de l’attirance de Casanova pour la médecine. Il démontre que grâce à l’étendue de ses connaissances dans deux domaines antagoniques, les sciences médicales et les pratiques occultes, 200Casanova entretint sa santé mais aussi celle des autres. Il étudie les procédés par lesquels l’aventurier s’octroya la confiance des plus crédules et parvint à saper l’autorité des représentants du savoir, pour arriver à ses fins et assouvir son plaisir.
This study aims to analyse Casanova’s interest in medicine. Through his knowledge of the antagonistic fields of medical science and the occult, Casanova maintained his own health and cured others. This article examines the processes by which he managed to gain the trust of naive subjects and undermine the authority of medical practitioners, in order to facilitate his conquests and quench his thirst for pleasure.
Guillaume Simiand, « Casanova entrepreneur »
Guillaume Simiand est agrégé de lettres modernes et enseigne à l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne. Ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay et de l’Institut d’études politiques de Paris, il a soutenu en octobre 2013 une thèse intitulée : « Les aventuriers du xviiie siècle au prisme de l’Histoire de ma vie, de Giacomo Casanova. Contribution à une histoire de l’aventure ».
Casanova consacre plusieurs dizaines de pages de son autobiographie aux activités financières et manufacturières auxquelles il aspire à prendre part. Au fil de ses voyages, il découvre des techniques financières et assurantielles en développement et multiplie les projets de manufactures. L’aventurier se confond avec un type d’homme nouveau, l’homme à projets, qui connaît un succès si vif en ce milieu du xviiie siècle qu’un mot émerge pour le désigner : « entrepreneur ».
Casanova was in deed well acquainted with the economic life of his time, and was keenly interested in various financial and manufacturing activities. This interest in economics, which has not yet been much analysed, is one of the most surprising features of the Story of my life. Through his numerous journeys, Casanova discovered new techniques related to finance and insurance, based on the progress of probability theory, which he also used as a gambler.
Séverine Denieul, « L’Essai de critique sur les sciences, sur les mœurs et sur les arts de Casanova. Un dictionnaire raisonné de la sottise humaine ? »
Séverine Denieul est agrégée de lettres modernes. Elle a publié notamment « Du beau parleur occasionnel au conteur professionnel : la conversation dans l’Histoire de ma vie de Casanova », dans le nº XI des Cahiers de Littérature française (Bergame, 2012011) et « “Écrire comme on parle” et “parler comme on écrit” », dans El Legado de Rousseau : 1712-2012 (Murcie, 2013).
Dans l’Essai de critique sur les sciences, sur les mœurs et sur les arts, Casanova poursuit deux objectifs : faire une évaluation raisonnée des connaissances humaines, et proposer une satire de la « sottise » et de la « folie » humaines. Cet article s’intéresse à la collusion de ces objectifs : fonctionnent-ils de façon complémentaire ou conflictuelle ? Si Casanova se rêve dans l’Essai en « instituteur de morale », cette posture, non dénuée d’ambiguïtés, se révèle peu tenable et mérite d’être interrogée.
Casanova’s Essai de critique sur les mœurs, sur les sciences et sur les arts could be read, at first glance, as a kind of philosophical dictionary. Casanova’s own ideas and obsessions appear everywhere. His ambition is to reveal the essence of human stupidity: he thus presents himself as a “moral teacher” (a tradition which goes back to Seneca and his letters to Lucilius). But what kind of moral teacher is Casanova? This article tries to answer the question.
Sophie Rothé, « L’écriture du doute dans l’œuvre philosophique de Casanova »
Sophie Rothé, enseignante à l’IUT. de Tours, a soutenu en 2014 une thèse consacrée aux notions de raison et de superstition dans l’œuvre de Casanova. Ce travail a donné lieu à la publication de Casanova en mouvement. Des attraits de la raison aux plaisirs de la croyance, Paris, Le Manuscrit, 2016.
La redécouverte et la diffusion des philosophies sceptiques antiques de la Renaissance au xviiie siècle influent sur le mode casanovien d’appréhension du monde. Casanova développe un « scepticisme modéré » (Richard Popkin). Ses œuvres portent la trace stylistique de ses hésitations, par leur caractère parfois dialogique et antithétique. Casanova choisit des formes fragmentaires, modalisées et contradictoires. Il échappe ainsi à la fixation, par la forme de ses écrits et l’expression de ses conceptions philosophiques.
The rediscovery and the diffusion of ancient scepticism, from the Renaissance to the 18th century, had an impact on Casanova’s perception of the world. He developed what Richard Popkin has called a “moderate scepticism”. In his philosophical works, often dialogical and antithetic, Casanova’s “passion for freedom” and his aversion to the systems lead to an aesthetics of disorder and free expression. Unable to gather all the knowledge available, Casanova chooses fragmentary and contradictory forms, which bear the stylistic marks of his hesitations.
202Gérard Lahouati, « Écriture et images de soi. Quelques réflexions sur le manuscrit de l’Histoire de ma vie et sur sa publication dans la Bibliothèque de la Pléiade »
Gérard Lahouati est professeur émérite de littérature française du xviiie siècle à l’université de Pau (laboratoire CRPHLL). Après une thèse intitulée « L’idéal des Lumières dans l’Histoire de ma vie » (1988), il a publié de nombreux articles sur Casanova et édité son Essai de critique (Pau, 2001). Il codirige l’édition de l’Histoire de ma vie (Paris, « La Pléiade », 2013-2016).
Cet article présente les caractéristiques du manuscrit de l’Histoire de ma vie dans la collection de la Pléiade, esquisse une chronologie de la rédaction des Mémoires, et justifie les choix éditoriaux. Il montre un Casanova au travail, corrigeant, améliorant et amendant son texte jusqu’à sa mort, et étudie comment ont pu se constituer et se modifier au cours de l’écriture certaines images du Vénitien. L’article est suivi d’un texte sur les notes infrapaginales, qui constituent l’une de spécificités de l’édition Pléiade.
This article describes the distinctive features of the manuscript of Casanova’s Memoirs in the series Pléiade, provides a chronology of the writing process and justifies the choices made by the editors. It allows us to see Casanova at work. It gives us a better understanding of the relationship between the act of writing and the construction of various images of the self. The article is followed by a short text, examining the issue of the footnotes, which constitutes one of the specificities of this edition.
1 Dans l’ordre où les articles se succèdent dans l’ouvrage.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-5139-3
- EAN : 9782812451393
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5139-3.p.0197
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/12/2016
- Langue : Français