Le métier de prédicateur selon Huarte de San Juan
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2018 – 1, n° 35. varia - Auteur : Saez (Ricardo)
- Pages : 365 à 387
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
LE MÉTIER DE PRÉDICATEUR
SELON HUARTE DE SAN JUAN
In memoriam Jean Claude Margolin1.
Aborder de front un tel champ exige de définir au préalable les termes qui, lexicalement parlant, le fondent et par conséquent l’éclairent. En outre, si le champ d’étude ici traité n’a de sens que réarticulé dans l’économie de pensée traversant le seul et unique ouvrage, intitulé Examen des esprits pour les sciences, que Juan Huarte de San Juan (1529 ?-1588) a légué à la postérité, il serait cependant de bonne méthode de ne pas le dissocier des coordonnées historiques dont il reste singulièrement redevable ni du contexte scientifique auquel son auteur, par expérience personnelle, fait directement référence. Car pour réélaboré qu’il soit, le texte n’efface pas entièrement ses attaches au substrat théorique et social dont il tire sa forme matérielle et son expression écrite ainsi que la finalité réformatrice qui, en l’occurrence, le suscite pleinement2. Aussi c’est de cette double équation collective autant qu’individuelle nourrissant la lettre et l’esprit de la conception huartienne, appliquée en l’occurrence au métier de prédicateur, que je partirai pour bâtir ma réflexion.
À cet égard, il convient d’observer, d’entrée, que le terme « métier » se décline en espagnol sous un double versant, à savoir oficio et ministerio. Autant dire que l’activité de la prédication est identifiée à un métier, 366ars, tekhnè, scientia relevant non seulement de l’apprentissage mais également soumise, de ce fait, à un processus d’acquisition dont la réussite réside dans une parfaite adéquation entre aptitude naturelle et champ professionnel choisi3. Un tel rapport n’est nullement éludé mais bien au contraire réitéré d’abondance au fil des pages de l’ouvrage. En effet, dès le Prologue à sa Majesté catholique Philippe II, Huarte fait savoir au monarque que le libre choix d’un métier chez ses sujets met cruellement à nu un décalage particulièrement négatif entre le choix et les dispositions naturelles de ceux qui l’exercent. Afin d’illustrer et d’accroître par là-même l’impact de son argument, il prend l’exemple des ravages causés par la connaissance mal maîtrisée de la théologie qui a été dévoyée et ruinée par ceux-là mêmes qui n’avaient pas d’aptitude pour une telle discipline, tenue depuis le Moyen Âge pour la « reine des sciences4 ». Un tel constat ne fait qu’accuser le caractère d’urgence que revêt pour une nation de s’attaquer en profondeur à l’orientation rationnelle de la variété des formes d’esprits afin d’ajuster ses besoins réels au fonctionnement rationnel de l’État. Loin encore de toute planification des savoirs, Huarte fait cependant sienne une des préconisations les plus insistantes de la pensée politique de son temps. Aperçu sous cet angle, serait-on en présence du vieux débat qui s’est noué entre l’inné et l’acquis, question éternellement sans réponse ? S’il est incontestable que ces deux entités coexistent dans le cerveau humain, marquent-elles pour autant l’horizon indépassable des puissances complexes déclenchées par l’acte de création où s’exprime l’éventail des forces démultipliées de l’esprit ? On sait au moins, depuis Condorcet, que l’esprit est perfectible parce que la nature se modifie au contact de la culture5. À bien y regarder, Huarte ne dit pas autre chose en se fondant sur Aristote, selon lequel « personne ne naît savant et il n’y a pas chez les hommes de savoir inné6 ». C’est pourquoi face à l’ordre des dysfonctionnements qu’il observe, Huarte s’attaque, de propos délibéré, à la figure du prédicateur afin d’interroger l’outillage 367que ce dernier communique, à travers les formes, les fonctions et le sens définissant son métier, à la production de la parole sacrée devenue, selon lui, un domaine envahi d’erreur et de confusion. Rompu à l’exercice critique, il enracine sa réflexion dans la dimension lexicale qui la révèle pour déployer ensuite la courbe des différentes phases du travail d’analyse dont on suivra ci-dessous la chronologie de raison qui l’incarne. Dans cette perspective, le chapitre x se révèle essentiel. Huarte articule son argumentation, introduite par un riche préambule faisant appel à la transversalité, non sur le principe de l’exclusion mais sur la convergence qui réconcilie ce qui au point de départ paraît à tous égards discordant. Aussi, le sermon est-il le lieu par excellence de l’union de l’entendement, de l’imagination et de la mémoire.
DÉFINITION DU MOT MÉTIER
ET THÉORIE SCIENTIFIQUE L’ENGLOBANT
Ceci posé, il n’est donc pas dénué d’intérêt de convoquer pour la circonstance la définition des mots oficio7 et ministerio8 proposée par le chanoine-lexicographe Sebastián de Covarrubias dans le premier dictionnaire unilingue espagnol publié en 1611. Pour ce qui est du vocable oficio, il est écrit : « Vulgarmente sinifica la ocupación que cada uno tiene en su estado, y por eso solemos decir del ocioso y desacreditado que ni tiene oficio ni beneficio. Díjose del latino officium. Oficial, el que ejercita algún oficio9 ». En ce qui concerne ministerio, on peut y lire très laconiquement : « el oficio que a cada uno incumbe10 » tirant son origine du latin minister, dont il est ajouté que le nom fut porté comme gage d’humilité par les supérieurs (perlados) de certains ordres religieux. C’est bien cette double facette 368tramée de profane et de sacré que conjoint en profondeur le mot métier, tel qu’il est utilisé par Huarte de San Juan pour traiter de l’art de la prédication, terme désignant tout à la fois un métier et un ministère remontant au bas latin ecclésiastique prædicere signifiant « dire devant ».
L’art de la prédication, ce qui constitue une singularité dans la typologie des traités (artes praedicandi, artes orandi) contenant une méthode et des techniques de diffusion de la parole11, est sous-tendu, dans la conception qui sert de socle référentiel à Huarte, par la théorie physiologique des humeurs remontant à Hippocrate, selon laquelle les quatre éléments cosmologiques qui forment la matière, à savoir, le feu, la terre, l’air et l’eau donnent naissance à des qualités premières, le chaud, le froid, le sec et l’humide, dont la combinaison engendre à son tour des tempéraments sanguins, colériques, flegmatiques et mélancoliques. Quelles sont, en réalité, les incidences de ces combinaisons ? Pour Huarte, héritier de la longue tradition encyclopédique, allant d’Hippocrate au De anima et vita de Jean Louis Vivès en passant par Aristote, Platon, Galien12 et les savoirs accumulés par l’avancée des connaissances scientifiques ainsi que de la pratique médicale, la combinaison de ces qualités féconde trois types de variétés d’esprits13. En effet, la combinaison du chaud et du sec produit un esprit régi par l’imagination, celle du chaud et du sec un second déterminé par la mémoire et celle, enfin, du froid et du sec un troisième structuré par l’entendement. Pour sa part, la combinaison du froid et de l’humide est inapte à l’activité intellectuelle. À ce modèle des trois différences d’esprits ici consignées correspondent un certain nombre d’activités que Huarte détaille au chapitre x de l’édition réformée ou posthume de l’année 1594. Sont acquises par la mémoire les arts et les sciences suivantes : la grammaire, le latin et toutes les autres langues, la théorie du droit, la théologie positive, la cosmographie et l’arithmétique. 369En revanche, la théologie scolastique, la théorie de la médecine, la dialectique, la philosophie naturelle et morale, la pratique du droit, appelée art de la plaidoirie relèvent, pour leur part, de la puissance de l’entendement. De l’imagination tirent leur source et origine tous les arts et toutes les sciences qui se fondent sur les représentations, leur correspondance, leur harmonie et leur proportion. Tel est le cas de la poésie, de la musique, de la prédication, de la pratique de la médecine, des mathématiques, etc.14 Une telle énumération fait ressortir une modalité tripartite qui, même si elle manque de bases argumentatives solides, n’en constitue pas moins l’apport le plus original, sinon le plus crédible de l’ouvrage. C’était l’avis de Jean-Claude Margolin (1923-2013), éminent spécialiste de l’humanisme occidental, pour lequel le rapprochement des outils intellectuels dont dispose l’esprit et les fonctions qui l’incarnent, offrait une piste à creuser15. Sensible à une telle perception, c’est cette piste que je souhaiterais emprunter et, si possible, approfondir.
Le schéma opérationnel des puissances rationnelles, à savoir la mémoire, l’imagination et l’entendement, décrit par Huarte est celui qui correspond en définitive aux plus grands esprits dans la mesure où les sciences divines requièrent un outillage intellectuel complet. C’est bien la parfaite alliance des trois champs compris dans le domaine commandé par la mémoire, l’imagination et l’entendement qui devrait, dans l’idéal, revenir exceptionnellement en propre au bon prédicateur. En effet, celui-ci se situe au carrefour d’un champ de compétence par définition pluridisciplinaire puisqu’il emprunte à des savoirs et à des habilités qui appartiennent tout à la fois aux puissances de la mémoire, de l’imagination et de l’entendement. Si l’éloquence et la prédication marquent le territoire de la faculté d’imagination, il faudra également au ministre de la parole, pour élaborer l’armature de son sermon, qu’il puisse se fonder sur la connaissance de la grammaire et des langues qui s’assimile par la mémoire, pour peu qu’il s’efforce de retrouver la fraîcheur et l’authenticité du texte divin, révélé en grec et en latin, à 370défaut de l’hébreu, ou dans la langue vernaculaire qui en véhicule la lettre mariant, selon le vœu humaniste, science et religion (scientia et pietas)16. En outre, le bon prédicateur aura obligatoirement recours à la théologie scolastique également connue sous le nom de théologie savante ou érudite, examinatrice et spéculative, selon les qualificatifs de l’époque, qui ne peut s’atteindre que par l’entendement grâce à un travail continu, en s’aidant des livres, du temps et des veilles17… afin de pouvoir distinguer, déduire, raisonner, juger et choisir18. C’est bien cette complexité qui est cernée dans la théorie émise par Huarte. C’est si vrai que le concepteur lui-même se réclame, sur ce point, du livre VII des Lois de Platon, lorsqu’il affirme que la perfection de chacune des sciences est tributaire de la connaissance que l’on possède de toutes les autres19. Par voie de conséquence, c’est précisément le manque de cette poussée d’ensemble qui a provoqué tous les abus qui se commettent à présent en matière de théologie car la pratique en vigueur déroge cruellement aux critères imposés par l’Église catholique à laquelle s’est substituée l’incompétence naturelle des esprits20.
Quel est l’argumentaire permettant de répondre, au terme d’un questionnement serré, à la problématique ici traitée, dont la logique sature les différentes phases du développement qui la porte : à quelle sorte d’esprit se doit-on de confier l’art de la prédication ? Face à un telle question, Huarte légitime sa démarche par une assertion tautologique s’imposant presque d’elle-même, tant celle-ci se révèle élémentaire. En effet, la réponse à la question posée est, à ses yeux, d’une importance capitale pour une nation chrétienne, devenue la citadelle inviolable de la foi, préservée des dérives et des dissensions religieuses qui gangrènent les confessions luthériennes, anglicanes et calvinistes, c’est-à-dire l’axe 371nord-sud de l’Europe. Pour ce faire et bâtir le cadre d’une solide conduite de discours, Huarte va construire son argumentation par paliers successifs pour aboutir à une conclusion dérivant des éléments mêmes qui l’ont étayée. Elle en est, d’ailleurs, parfaitement résumée, de façon pédagogique et tranchante, au terme du chapitre ici considéré dans un classement décroissant, décliné en deux pôles opposés, partagés entre l’excellence et la déficience. En effet, tout l’itinéraire logico-déductif qui soutient le discours du chapitre x est ramassé en une synthèse récapitulative dont il convient d’étudier les étapes pour mieux comprendre le processus interne du raisonnement lui-même.
ÉTUDE DU CHAPITRE x :
LES ÉTAPES DE SA CONSTRUCTION
Si l’on prétend prendre la mesure du chapitre x, il serait risqué de négliger l’épigraphe libellée de la sorte figurant en exergue : « où il est prouvé que la théorie de la théologie appartient à l’entendement et la prédication, qui en est la pratique, à l’imagination », annonçant et éclairant, dès le péritexte, l’enchaînement des déductions glissées dans le corps du chapitre. En effet, examinant un paradoxe, supporté par un constat d’expérience, Huarte fait état de l’observation expérimentale suivante : le théologien scolastique, pétri de savoir, seigneur et maître incontesté de sa discipline, n’est pas pour autant dans la pratique apte à la proclamation de la parole, comme on peut l’observer, lorsque celui-ci quitte le terrain du savoir théologique et monte en chaire pour la proférer. En revanche, il est extrêmement rare (por maravilla)21 qu’un prédicateur talentueux, éloquent et spirituel, soit tenu pour un expert renommé en théologie scolastique. Comment expliquer un tel paradoxe qui va à l’encontre de la réciprocité communément admise selon laquelle un grand théologien scolastique est un grand prédicateur et un grand prédicateur est, à son tour, un grand spécialiste de la théologie scolastique ? La première réfutation d’une telle corrélation qui, par réflexe habituel est attribuée, le plus clair du temps, à Dieu, repose sur la négation à 372admettre une intervention providentialiste que Huarte refuse et qu’il ne tient pour juste que parce que ceux qui la défendent méconnaissent, victimes de leur ignorance, les véritables causes qui l’expliquent. Car avancer sans aucune preuve que tout théologien scolastique est taillé pour la prédication et que tout prédicateur peut être rangé au rang de théologien scolastique équivaut à se priver de l’amorce même de tout principe rationnel conduisant à mettre sur le compte de Dieu ce qui échappe à l’observation humaine. Or, le paradoxe ici soulevé, qui n’est qu’apparent, obéit à des causes que le philosophe naturel cherche à démêler au moyen de sa méthode scientifique. D’ailleurs, Huarte n’a pas attendu le chapitre x où il traite dans toute son étendue la problématique des habilités du bon prédicateur. À cet égard, les chapitres v, viii et ix, sorte de long prologue introductif, ont déjà balisé le terrain d’approche d’un approfondissement ultérieur. Aussi ces trois chapitres sont-ils étroitement solidaires du contenu du chapitre x.
À cet égard, comment pourrait-on appréhender le métier et le ministère de la prédication si l’on n’intégrait pas dans une saisie d’ensemble l’art oratoire qui fait l’objet du chapitre ix ainsi que les « incompatibilités22 » et les « antagonismes23 » dont le prédicateur est l’incarnation vivante ? Pour résoudre une telle aporie, Huarte opère une nouvelle percée en énonçant que seule la recherche de la Vérité constitue l’indice même de la perfection de la prédication, la dialectique et la logique étant, quant à elles, des vecteurs auxiliaires, des outils ancillaires, de cette vérité. En effet, le prédicateur ne se doit pas de briller en exaltant les ressources profanes de la persuasion, ni en ayant recours aux fulgurances séductrices du style oratoire rehaussé par l’étalage des connaissances, la cascade des syllogismes ou la dramaturgie émanant de sa gestuelle et de sa voix. Le parfait prédicateur n’est investi que d’une seule mission : celle qui consiste à produire la vérité de la parole divine. Aussi, dans l’esprit de Huarte, seule la prédication réussit à réconcilier les talents divers et variés dont se doit de faire preuve le ministre de la parole, car sa proclamation contient au sein de la radicale imperfection constitutive de la mémoire, de l’imagination et de l’entendement, le surgissement d’une valeur suprême, la vérité de la Révélation, arrachée à l’incomplétude et à la pesanteur des savoirs, pour en faire le lieu le plus profond de l’unité chrétienne par où 373se vérifie la fidélité créatrice au Verbe fait chair, réactivé dans la plénitude de la profération du message évangélique24. C’est là que réside le premier apport de Huarte à une des questions les plus brûlantes de la période post-tridentine, celle qui est dévolue à la prédication, qu’il investit avec la singularité habituelle du philosophe naturel, dont l’indépendance, cet écart qui l’affranchit de tant de traités de rhétorique ecclésiastique de son temps, scelle les critères mêmes de la théorie exposée25. Peu soucieux, il est vrai, de se conformer à la vogue des Modi concionandi et des guides rhétoriques venant en aide au prédicateur, Huarte conçoit une autre méthode qui doit plus à une perspective personnelle qu’à un cadre venant conforter les décisions tridentines, ratifiées en Espagne par la pragmatique royale du 12 juillet 1564, et la recommandation de leurs applications lors de la tenue des conciles provinciaux qui eut lieu au cours des années 1565-1566, dont on conserve les Actes26. À cet effet, il est assez surprenant de remarquer qu’on ne trouve chez Huarte pratiquement pas de référence explicite au Concile de Trente27, qui marque pourtant une étape de relance vitale de la vie religieuse et d’insistance au rôle central assigné à la prédication28. Il appartenait au chapitre x d’en restituer dans le détail le schéma d’ensemble. Ce schéma d’ensemble traduit pleinement dans la pratique la conciliation des « antagonismes » et des « impossibilités » 374de la mémoire, de l’imagination et de l’entendement qui semblent, au départ, s’exclure épistémologiquement et dont la convergence et harmonie concourent au succès final de la prédication qui n’a pour sanction que la validation de la vérité en la réactualisant par le sermon dans son tissu de parole révélée et proférée.
PRÉDICATION ET RHÉTORIQUE
En matière de prédication, l’orateur mobilise, au premier chef, les ressources de l’éloquence qui s’appuient sur la rhétorique, dont la technique construit les effets oratoires du sermon grâce auxquels se manifestent les possibilités expressives du langage et la capacité à savoir les utiliser devant un public. Or, l’éloquence fait appel à la mémoire et à l’imagination alors que la théologie trouve son assise dans l’entendement. De ce fait, dans un premier temps, l’entendement apparaît comme incompatible avec l’éloquence. On en voudra pour preuve l’avertissement suivant :
L’appartenance de la théologie scolastique au domaine de l’entendement, nous l’avons démontrée précédemment […]. Je veux simplement faire comprendre que la grâce et l’élégance au moyen desquelles les bons prédicateurs attirent à eux l’auditoire pour le garder en haleine et sous le charme de leur parole, sont l’œuvre de l’imagination et, pour une part, de la [bonne] mémoire29.
Face à un tel constat, Huarte va établir des liens de connexion à travers la rhétorique et la dialectique afin de relier l’entendement et l’imagination. S’il est vrai que la rhétorique est tenue pour le premier des sept arts, dont le système est divisé, depuis Quintilien, en cinq éléments identificateurs, à savoir, inventio, dispositio, elocutio, actio et memoria, longtemps spécialité exclusive des juristes « qui s’étaient arrogé le nom et la profession d’orateur30 », un tel support, au lieu d’être rejeté car non exempt de l’arme redoutable du sophisme, créatrice de mensonge et d’illusion, va se voir annexé au 375dispositif des techniques de la prédication. Nourri de Platon autant que de Cicéron, Huarte n’entre pas en rupture avec le temps ayant précédé l’irruption du christianisme dans l’Histoire de l’humanité, qu’il qualifie de « doctrine évangélique31 ». Aussi plaide-t-il en faveur de la rhétorique mais dépouillée de ses artifices oratoires (ouk ev sophia logou) convoquant pour ce faire, non les « traits d’esprit, les qualificatifs plaisants, des sentences énigmatiques, des comparaisons bien venues32 », bref l’ornatus, mais plutôt une rhétorique de la communication et des concepts et non des formes et des effets. C’est pourquoi Huarte renvoie au seul paradigme que se doit de respecter le prédicateur qui se trouve textuellement explicité dans la première Epître aux Corinthiens (1, 17)33. En effet, l’annonce de la parole évangélique doit se garder de la contamination des subterfuges du langage dans la mesure où toute habileté de la pensée et de la rhétorique est dépassée par la sagesse divine. Mais pour irréductible qu’elle soit, car la sagesse du Christ n’est pas de l’ordre de la puissance humaine, elle demeure cependant la seule appropriée à la transmission de la sagesse de la Croix. La propagation d’une telle sagesse ne saurait, pour incomparable qu’elle se révèle, se passer des procédés de la rhétorique34, pas plus, d’ailleurs, que d’une autre méthode. C’est le cas, par exemple, de la dialectique, venue du fond des âges qui, remontant aux premiers penseurs grecs et plus particulièrement à Zénon d’Elée, s’élève du sensible pour se hisser jusqu’à la raison, intervenant comme un mode de connaissance. C’est le rapport noué entre rhétorique et dialectique qui permet, aux yeux de Huarte, au caractère rationnel de l’homme de fournir au raisonnement l’expression rigoureuse dont toute discipline a besoin pour se construire. Une telle fonction est clairement matérialisée dans l’extrait ici retenu :
Pour que je puisse me faire comprendre davantage et le faire toucher du doigt, il faut supposer tout d’abord que l’homme est un animal raisonnable, sociable et politique.
376Et pour améliorer ses capacités naturelles par la pratique d’une méthode, les anciens philosophes inventèrent la dialectique. Ils lui apprendraient ainsi à raisonner, ils lui enseigneraient les préceptes et les règles du raisonnement, la manière de définir la nature de chaque chose, de distinguer, de décomposer, d’inférer, de raisonner, de choisir et de juger. Personne, parmi ceux qui exercent une profession, ne peut se dispenser de ces opérations.
Pour pouvoir devenir un être sociable et politique, l’homme avait besoin de parler et de communiquer aux autres les idées que son esprit avait conçues ; de peur qu’il ne les expliquât pas sans ordre ni harmonie, les philosophes anciens inventèrent un autre art qu’ils appelèrent « rhétorique ». Cet art, par ses préceptes et ses règles, embellit le langage de l’homme au moyen des mots bien choisis, d’élégantes tournures, d’expressions et de couleurs agréables35.
On remarquera le concours étroit de la rhétorique et de la dialectique nécessaire non seulement à « la juste interprétation de la Bible qui contient, d’une certaine manière, toutes choses36 » mais également à la qualité du bon orateur (vir bonus dicendi peritus37) qui saura avec élégance et abondance, « ornate et copiose », faire vivre son prêche38. On mettra à l’actif de Huarte d’avoir ouvert l’éventail de la rhétorique à la totalité de ses registres alors qu’elle avait été confinée au stade, bien souvent, de la seule elocutio, comme l’a opportunément fait observer Cesare Vasoli39. Huarte, au lieu de restreindre les pouvoirs de l’outil rhétorique, va dresser la liste de ses ressources et la chronologie de ses différentes composantes. À cet effet, il retient huit qualités ou propriétés que se doit de maîtriser le parfait orateur. Faisons remarquer, d’emblée, qu’elles se rattachent toutes, en priorité, à l’imagination et accessoirement à la mémoire, comme son auteur ne manque pas de le souligner dans un ordre qui n’est pas forcément canonique tout en respectant cependant le schéma de base hérité du De inventione de Cicéron et de la Rhetorica ad C. Herennium attribuée par erreur au même Cicéron, dont Lorenzo Valla, entre autres, avait pourtant contesté la paternité40.
377Figurent au nombre des propriétés identificatrices du parfait orateur le choix du sujet traité mais également les arguments et les recueils de sentences et réflexions de portée morale destinés à l’édification de l’auditeur mis à profit par les théologiens41. Une telle propriété ressort, ipso facto, à l’imagination. La deuxième qualité, l’inventio ou heuresis, qui ne saurait manquer au parfait orateur, repose autant sur la capacité de création de ce dernier que sur ses connaissances tirées de ses lectures à l’aide desquelles il montrera son aptitude à trouver des idées convaincantes ou à savoir les gloser en les étayant sur des arguments, des exemples, des maximes et des sentences. Pour ce faire, il ne reproduira jamais de façon servile le savoir limité des livres mais en renouvellera par sa fertilité d’imagination le fonds des connaissances constituées, l’invention personnelle étant comme « une bonne source d’où jaillit sans cesse une eau fraîche, toujours nouvelle42 ». Aussi, le parfait prédicateur ne prononcera-t-il jamais deux fois le même sermon. Cette méthode scolastique, qui vise au dépassement et donc à l’inventivité permanente, est néanmoins guettée par le danger d’un pouvoir fictionnel qui, quittant le domaine de la vraisemblance (verisimilitudo), se voit happé par le fantastique débridé et incontrôlé servant d’illustration aux « fables », aux « livres fabuleux » et aux « escrits mensongers » car pour plaire il faut que « les choses feintes, selon Horace, soient approchantes des véritables43 ». Il est vrai que depuis Avicenne, le Proesme du translateur (1547)44, que l’on doit à Jacques Amyot, et les fables milésiennes, battues en brèche par le premier théologien laïque espagnol, Alejo Venegas de Busto, c’est bien la « semblance de vérité » qui apparaît comme le paradigme moral susceptible de corriger l’invention extravagante d’un imaginaire délirant45. À cette imagination, « maîtresse d’erreur et de 378fausseté », bridée par la raison, il faut adjoindre la faculté d’une « grande mémoire » pour que sans notes le prédicateur puisse bâtir et conduire l’homélie à son terme. L’épisode relatif à l’oraison funèbre en l’honneur de Nebrija, père de l’humanisme espagnol, rapporté par Huarte, stigmatise avec emphase l’interdiction de toute prédication écrite, procédé en tout point détestable, contrevenant aux procédures et normes qui fustigent toute prédication lue et non parlée dans la mesure où c’est bien l’oralité qui l’emporte, en la circonstance, sur le sermon rédigé. Aux propriétés mêlant imagination et mémoire est également associée la troisième composante constitutive du parfait orateur. Elle touche à la façon de savoir organiser et doser l’équilibre entre les arguments, les citations et le plan du sermon. Il s’agit, en réalité, de la partie réservée à la dispositio rhétorique qui a pour finalité la répartition de l’économie d’ensemble des parties que Huarte n’hésite pas à placer sous l’égide de l’imagination.
Le quatrième élément, le plus important de tous, selon Huarte, qui occupe, d’ailleurs, le quatrième rang tenu pour l’excellence du bagage du bon prédicateur, s’appelle l’actio ou pronuntiatio porteuse du souffle et de l’expression de la parole divine devant des auditeurs. Il s’agit de la partie appelée l’action qui est l’éloquence du corps et par conséquent des signes non-verbaux de la prédication. Une fois de plus, Huarte met l’accent sur la caractéristique de l’art oratoire et sur l’emprise de sa dimension orale tant il est vrai que tout sermon lu perd totalement de son intérêt car la plume est « incapable de représenter les mouvements et l’expression gestuelle qui sont de mise en chaire46 ». C’est la raison 379pour laquelle le prédicateur veillera à adopter un ton de voix calme et un débit mesuré propice au ministère de la parole capable de susciter des émotions et des sensations concourant aux effets de discours, évitant cependant les gesticulations inappropriées et les poses du comédien car la chaire n’est pas une scène de théâtre47. Il demeure toutefois que l’oralité marquée du prêche dans laquelle s’exprime le langage du corps agit comme un puissant vecteur de communication faisant appel à l’imagination du prédicateur car, soutient Huarte, les mouvements du corps se doivent d’être en harmonie avec le ton simple, vif ou élevé correspondant à la progression des différentes séquences du sermon. On remarquera que Huarte se démarque, en l’occurrence, en matière d’action rhétorique, d’une composante essentielle qui est la mémoire, telle que les sermonnaires l’ont fixée depuis longtemps au sein même de l’arsenal de l’art oratoire sacré.
Dans l’arsenal du parfait orateur, il est aussi une cinquième vertu unanimement appréciée fondée sur l’emploi des exemples et des comparaisons dont les traités relatifs à l’art de la prédication n’ont eu de cesse de louer la finalité didactique. L’exemple permet, en effet, de mieux retenir car il met à la portée du chrétien avec une plus grande efficacité la transmission de la doctrine chrétienne puisqu’il est avéré qu’un tel moyen dépasse le recours aux arguments et aux raisonnements qui exigent, quant à eux, des catégories d’esprits doués d’un grand entendement. Huarte n’ignore point que le Christ s’est abondamment servi de paraboles et de comparaisons pour rendre accessibles les mystères cachés de la religion chrétienne. S’il invoque l’invention des fables, c’est tout simplement parce que le mot renvoie étymologiquement à fabula (propos, parole) qui désigne la faculté de parler en suivant la poetica fabula qui, bien que rangée dans l’ordre de l’imagination, se rapproche du relief factuel du genre historique pour accroître de la sorte son statut de vraisemblance 380et de capacité persuasive48. Une sixième spécificité du parfait orateur, dont il a déjà été question, touche à la proprietas que Quintilien avait définie comme le lien les plus ajusté établi entre le mot et la chose dans un souci d’exactitude et de rigueur, afin de conférer au discours l’entière plénitude de son sens. Une telle insistance est au cœur d’un double débat qui a agité la conscience linguistique d’une nation ayant perçu que la langue vernaculaire était le véhicule le plus approprié, autant que le latin, le grec ou l’hébreu, à la clarté et à la justesse de l’expression oratoire. Point n’est besoin de récapituler la longue liste des apologies de la langue castillane publiées tout au long du Siècle d’or visant à en magnifier le prestige, l’éclat et la splendeur49. Envisagée sous ce jour, la langue espagnole est habilitée à pourvoir le lexique du prédicateur de « termes élégants, de tournures agréables et sans lourdeur50 ». Certaines des qualités oratoires, c’est l’avis de Huarte, appartiennent à l’imagination et d’autres à la mémoire.
Les deux dernières particularités qui font le parfait prédicateur, à savoir l’imagination et la belle voix sont le résultat d’un tempérament provenant de la même origine, c’est-à-dire de la chaleur qui produit une « forte mémoire et une imagination vive51 ». Preuve en est que le théologien scolastique au tempérament froid et sec, est dépourvu d’un bon organe vocal, ce qui est considéré comme un grave défaut pour la prédication. En revanche, les deux puissances mises à contribution par le bon prédicateur, la mémoire et l’imagination qui « gâtent l’entendement », procurent, quant à elles, satisfaction et contentement à l’auditoire52. Le huitième et dernier attribut revenant au « bon orateur » dérive de la langue agile, rapide et bien exercée qui ne peut en aucun cas être l’apanage d’hommes d’un grand entendement. Huarte s’en tient sur ce point à l’Institution oratoire de Quintilien et, plus particulièrement, à la troisième partie de la pronuntiatio connue sous le terme dicendo.
381LA MÉLANCOLIE ET LA RÉHABILITATION
DE SAINT PAUL
Parvenu à ce stade de son énumération, Huarte affirme que la promptitude et le débit rapide de la parole, ce qui demande beaucoup de chaleur et une sécheresse modérée n’existent pas chez les mélancoliques, qu’ils le soient par nature ou par adustion (bile brûlée) car leurs qualités élémentaires proviennent d’un tempérament froid et sec et que, de ce fait, leur parole est hésitante et chancelante. C’est ce que Huarte a soutenu au chapitre vi de l’édition princeps qui traitre des deux sortes de mélancolie :
La première est naturelle ; c’est la lie du sang et son tempérament inclut le froid et la sécheresse, avec une substance très épaisse ; elle ne vaut rien pour l’esprit ; au contraire elle rend les hommes sots, lourds et rieurs, parce qu’ils manquent d’imagination. La deuxième sorte de mélancolie s’appelle « atra bilis » ou bile noire, ou « bile brûlée » ; Aristote dit qu’elle rend les hommes très sages. Son tempérament est varié, comme celui du vinaigre : elle a quelquefois des effets calorifiques, au point de produire une effervescence au contact de la terre, d’autres fois, elle refroidit ; mais elle est toujours sèche et d’une substance très fine.
On observera à cet égard les inflexions, fluctuations et confusions auxquelles Huarte soumet, dans un premier temps, le texte d’Aristote pour sauver sa théorie, quitte à le forcer. C’est si vrai que Guillermo Serés, l’auteur de l’édition critique de Examen de ingenios para las ciencias, a bien mis l’accent sur les incohérences que Huarte met cependant un point d’honneur à rectifier53. Ce qui surprend, de prime abord, c’est le lien tissé par Huarte entre prédication et mélancolie. Car s’il est vrai que la mélancolie, terme à prendre dans son sens d’époque englobant la neurasthénie, la tristesse, la dépression et la folie, qui est à l’époque une maladie du corps et non de l’âme, n’est pas un phénomène absent du lexique des cloîtres et des évaluations défavorables que les censeurs 382inquisitoriaux portent sur les écrits de Thérèse d’Avila arguant que la mystique s’est laissée abuser par l’imagination mélancolique ou les ruses du démon. Ce qu’il convient de dégager, dans l’optique de Huarte, et le trait est à souligner, c’est qu’il revendique les aspects positifs de la mélancolie que la tradition galénique avait sécularisée mais la marquant encore de ses aspects négatifs54. C’est une telle modification qui lui permet d’associer la mélancolie à saint Paul, « prince et maître des théologiens », comme l’avait qualifié Laurent Valla55. En effet, saint Paul, bien que mélancolique, est apte à la prédication même s’il n’est pas un parfait orateur. Une telle assertion renverse une ligne interprétative de la mélancolie, la faisant accéder de la sorte à son statut de création légitimant finalement que le défaut de parole n’est pas rédhibitoire. C’est ce qui est avancé quelques pages plus loin.
On ira à l’essentiel laissant de côté les désaccords avec Aristote qui avait pourtant bien stipulé qu’« il fallait aller à la racine des choses pour comprendre la raison de chacune d’elles56 » et non les effets de surface. S’il refuse d’admettre l’explication du Stagirite qui alléguait que les orateurs étaient des esprits superficiels non par nature mais par un manque de travail sérieux, Huarte n’abandonne nullement le déterminisme de sa théorie, quitte à la nuancer, visant à démontrer que les orateurs sont dépourvus d’entendement. Il en résulte un grand danger puisque l’on confie « la charge d’enseigner avec autorité la vérité au peuple chrétien57 » à des orateurs sacrés qui ne sont pas entièrement armés pour un tel ministère puisqu’ils ne sont pas outillés pour aller à la source, à la raison d’être, à la justification du fondement et de la fonction de leur ministère. De tels prédicateurs sont, en définitive, des prédicateurs aveugles, comme le proclame l’Évangile de saint Matthieu au 383chapitre xv, cité en appui par Huarte58. D’ailleurs, il n’a aucune peine à illustrer le bien-fondé des causes cachées et des résultats immédiats d’une telle situation. Le réquisitoire mordant contre le verbiage, le langage creux, le flux de paroles et les faux prédicateurs en apporte la preuve59. C’est bien l’absence d’entendement chez les orateurs-prédicateurs qui a semé le trouble dans les auditoires anglais et allemands, provoquant une scandaleuse division au sein de l’Église coupée en deux et traversée désormais par une monstrueuse Glaubensspaltung sanctionnée par la présence d’une biconfessionnalité que Huarte ressent comme une insupportable rupture au sein de l’unité brisée de la foi. À ce constat d’expérience, il oppose l’antidote écrit et inscrit dans les Epîtres de saint Paul qu’il cite à sept reprises au chapitre x, dont six dans la seconde partie de ce même chapitre60. Une telle insistance, qui fait incontestablement de saint Paul une référence et un modèle pour l’Église, traduit une filiation de pensée qui le rapproche d’une sensibilité réformatrice incarnée par Jean d’Avila, fondateur de l’université de Baeza, foyer et ferment des vibrations spirituelles de l’Espagne du xvie siècle, où Huarte s’adonna avec ardeur à la philosophie avant de rejoindre Alcalá pour y étudier la médecine61. Même s’il a suivi unilatéralement la thèse de Marcel Bataillon sur la pénétration de l’érasmisme en Espagne, revue et corrigée depuis sa publication en 1937, Gabriel A. Pérouse n’a pas manqué de faire observer, mettant à profit les travaux du jésuite espagnol 384Mauricio Iriarte62, « les indices de cet esprit nouveau, dû sans doute au Bx Juan de Avila, nous semblent nombreux : Huarte a principalement étudié saint Paul, il est au courant de certains points d’exégèse63 ». Ce qui demeure incontestable ce sont les quelque cent soixante citations bibliques qui parsèment l’Examen des esprits, témoignant d’un bagage scriptuaire assez surprenant pour un laïc. On s’abstiendra de fournir une explication aussi sommaire que peu étayée de la prégnance du christianisme biblique dans l’ouvrage de Huarte pour laquelle Américo Castro invoque son hypothétique ascendance juive qui le rendrait familier de saint Paul64. Son attachement à saint Paul obéit à des raisons d’un autre ordre. Elles participent de l’esprit de lucidité critique que communique la mélancolie par le biais de l’ingenium à l’Apôtre des Gentils, dont Harald Weinrich a su mesurer culturellement la portée65. En effet, ce qui caractérise saint Paul, et quelques années plus tard la figure de don Quichotte élaborée par un fils de chirurgien, c’est bien l’ingenio (ingenium) – le génie propre –, concentrant la rencontre de l’imagination et l’entendement engendrée sous l’influence de l’atrabile ou melancolía por adustión. À bien y regarder, Huarte pouvait à bon droit s’autoriser d’une longue tradition médico-philosophique en vertu de laquelle la mélancolie rend possible 385le génie, comme l’écrit opportunément François Azouvi66. Au lieu de railler ou de diminuer les défauts oratoires de saint Paul, Huarte en fait, bien au contraire, l’éloge et en même temps le rempart contre la dérive négative de la proclamation de la parole évangélique. Mieux encore, ce n’est pas saint Thomas qui remporte la palme comme modèle du bon prédicateur mais saint Paul. Non seulement c’est audacieux, mais également subversif ! Un échantillon portant sur les citations contenues dans Comentarios sobre el Cathecismo christiano (1558)67 se situant dans la mouvance réformatrice de l’Espagne de la seconde moitié du xvie siècle est à tous égards instructif puisque saint Thomas est sollicité 122 fois alors que le nombre de références aux Epîtres de saint Paul se monte à 427. Un tel exemple montre parfaitement la ligne de partage entre une théologie traditionnelle et une ligne progressiste suscitée par la méthode et la pratique de saint Paul. Un tel écart accuse les affinités et les complicités qui se sont manifestées également ailleurs, en France tout notamment, à la même époque68.
Comment, est-on en droit de se demander, Huarte est-il parvenu à accréditer l’idée que les orateurs doués d’un entendement puissant et d’une imagination vive mais manquant de mémoire sont cependant susceptibles d’occuper une place brillante comme prédicateurs, alors même que leur propre ingéniosité les incite, constate-t-il, au vice ? En revanche, les esprits structurés par l’entendement sont inclinés à la vertu. Huarte fait état, tout d’abord, que « bien que nous ayons démontré qu’un entendement puissant éprouve une répugnance naturelle à s’allier à une imagination vive et à une bonne mémoire, il n’existe point de règle si universelle, dans aucun art, qui ne comporte quelque exception, sa faille en somme69 ». Un tel aveu, qui traduit l’ouverture d’esprit autant que la probité du philosophe naturel, s’accompagne d’autres critères venant modifier les effets du déterminisme de sa théorie qu’il rectifie en bon 386savant. En effet, l’atrabile crée un tempérament composite où se mêlent le froid et le sec. De ce fait, les esprits mélancoliques réunissent en eux un entendement puissant et une imagination vive ce qui fait d’eux les meilleurs prédicateurs que l’on puisse rencontrer, hormis les excellents sujets dont le nombre, force est de l’admettre, est bien infime. Mais comment pourraient-ils se montrer bons prédicateurs dans la mesure où leur mémoire est indigente ? Huarte acquiescerait bien volontiers à une telle objection tout en répondant cependant que « l’invention est si grande chez eux, que l’imagination elle-même leur sert de mémoire et de réminiscence70 ». Comme tous les « gens à bile noire brûlée », poursuit Huarte, ils sont sujets à un combat interne mais cette psychomachie71 n’est pas le fait du péché mais bel et bien la cause d’un excès de bile noire, dont saint Paul est l’emblème. Au regard de la logique même de la prédication, Huarte a raison sur toute la ligne car c’est bien par la prédication « à temps et à contretemps (2e Epître à Timothée, 4, 2) » que Paul de Tarse, persécuteur des premiers disciples du Christ, converti sur le chemin de Damas, qui a radicalement bouleversé sa vie, a fédéré les premières communautés chrétiennes prêchant un christianisme universel et innovant72. De ce point de vue, Huarte est fondé à considérer la prédication paulinienne comme la pratique la plus complète de l’apostolat de la parole73.
Aux analyses et commentaires qui jalonnent le corps du chapitre, Huarte apporte une conclusion en guise de synthèse récapitulative où se lit très clairement son souci de clarté. Conséquent avec lui-même, il propose par ordre décroissant un classement des prédicateurs les étageant selon leur mérite. Les premiers sont ceux dont les esprits allient la triple excellence de l’entendement, de l’imagination et de la mémoire. Mais une telle élite, on ne le sait que trop, existe à peine. Aussi, même si c’est par défaut, il classe au second rang les prédicateurs capables de joindre un entendement puissant à une imagination vive auxquels manque toutefois la mémoire. Arrivent en troisième position les prédicateurs jouissant d’un grand entendement mais privés d’imagination et de mémoire, qui, en dépit de ces deux défauts, rempliront cependant 387correctement leur ministère car ils enseigneront la vérité. Enfin, Huarte évitera de confier le ministère de la parole à ceux qui font preuve d’une mémoire solide et d’une imagination vive mais qui sont dépourvus d’entendement. C’est de la sorte, fort d’une indiscutable indépendance d’esprit et d’une observation fine des déficits inhérents à la prédication, que Huarte appelle à une réformation des usages de la parole évangélique dont on ne connaît que trop le poids qu’elle a occupé dans l’acculturation des sociétés modernes. Au terme de son propos, mêlant adroitement démarche intellectuelle et réalisme scientifique, Huarte tient saint Paul pour le paradigme du prédicateur car celui-ci est parvenu à faire accéder la Vérité à la révélation d’elle-même.
Ricardo Saez
Université Rennes 2 – Cellam
1 Au seuil du présent article me revient en mémoire le moment délicieux passé avec Jean-Claude Margolin, que j’avais pris à bord de ma voiture, pour nous rendre de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port où se déroulait la seconde journée du colloque consacré à l’enfant du pays. Le trajet, que j’aurais souhaité bien plus long, a permis de nous entretenir du maître livre de Marcel Bataillon, Érasme et l’Espagne et de l’Éloge de la folie d’Érasme.
2 R. Saez, « L’Examen des esprits : un projet politique et social pour l’Espagne de Philippe II », Juan Huarte de San Juan au xxie siècle, préface G.-A. Pérouse, textes réunis par V. Duché-Gavet, Anglet, Atlantica, 2003, p. 37-51.
3 Sur la prédication, on se permet de renvoyer à H. Martin, Le métier de prédicateur à la fin du Moyen Âge (1350-1520), Paris, Cerf, 1988 ; La prédication en Pays d’Oc (xie-début xve siècle), Cahiers de Fanjeaux, 32, 1997.
4 Juan Huarte de San Juan, Examen des Esprits pour les sciences, éd. 1575, éd. réformée de 1594, trad. en français moderne J.-B. Etcharren, préface de R. Saez, Biarritz, Atlantica, 2000, p. 2.
5 S. Boarini, « Turgot, Condorcet. Les Lumières face au progrès », Dix-huitième siècle, 43, 2011, p. 523-540.
6 Examen des Esprits, p. 31.
7 Huarte, Examen de ingenios para las ciencias, éd. G. Serés, Madrid, Cátedra, 1989, p. 465, où l’on trouve « el oficio de la predicación ». Je suivrai cette édition critique car la plus complète à mes yeux sans écarter les autres.
8 Examen de ingenios, p. 462, où l’on peut lire « el ministerio de la predicación ».
9 S. de Covarrubias, Tesoro de la lengua castellana o española [1611], edición integral de I. Arellano y R. Zafra, 2 t., Madrid, Universidad de Navarra, Iberoamericana, Vervuert, 2005, II, p. 1321. L’adjectif desacreditado peut être traduit par désœuvré.
10 Tesoro de la lengua castellana o española, p. 1284.
11 M. G. Briscoe et B. H. Jaye, Artes praedicandi. Artes orandi, Turnhout, Brepols, 1992. Th. M. Charland, Artes praedicandi. Contribution à l’histoire de la rhétorique au Moyen Âge, Paris, Vrin, 1936.
12 Galien, Opera, Venitiis, Filippo Pinzi, 1490. Cette édition remet en circulation, à l’orée des Temps modernes, la pénétration de Galien dans l’Europe de l’humanisme, comme le prouvent les éditions ultérieures parues à Paris, Leyde, Londres…
13 J. Arrizabalaga, « Juan Huarte de San Juan (c. 1529-c. 1588) en la medicina de su tiempo », Juan Huarte au xxie siècle, p. 65-98 ; J. Pardo Tomás y J. Arrizabalaga, « En torno al erasmismo y la medicina renacentista española », Erasmo y España. 75 años de la obra de Marcel Bataillon (1937-2012), coord. E. Serrano, Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2015, p. 209-247.
14 Examen des Esprits, p. 166. Fl. Vuillemier, « Les conceptismes », Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne, 1450-1930, publiée sous la direction de M. Fumaroli, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 521, ne mentionne, en ce qui concerne Huarte, que la théorie des humeurs sur laquelle se fondent les tempéraments intellectuels.
15 J.-Cl. Margolin, « En relisant Huarte et son Examen des esprits à la lumière de la caractérologie moderne », Juan Huarte au xxie siècle, p. 115-134, plus particulièrement les p. 131-132, essentielles pour mon propos.
16 Copulare scientiam et pietatem.
17 Fr. de Osuna, Le recueillement mystique. Troisième Abécédaire spirituel, introduction, traduction et notes par M. Darbord, Paris, Cerf, 1992, p. 46-50.
18 Examen des Esprits, p. 128 et 304.
19 Examen des Esprits, p. 304-305.
20 Examen des Esprits, p. 29-30. La critique y a vu une attaque voilée au seul Alonso Petrel, le « théologien positif » qui dénonça l’ouvrage de Huarte à l’Inquisition. La critique déborde cependant, et de loin, le cas particulier de son ennemi puisqu’elle vise très certainement l’impréparation des théologiens luthériens. C’est à la page 38 de l’édition réformée de l’année 1594 que l’on peut trouver une allusion perfide à Alonso Petrel, professeur de théologie positive et commissaire de l’Inquisition à Baeza. Penser qu’il s’agit d’une critique qui s’épuise dans la seule attaque ad hominem reviendrait toutefois à en restreindre considérablement la portée.
21 Examen de ingenios, p. 432.
22 Examen des esprits, p. 169.
23 Examen des esprits, p. 204.
24 Même si l’intéressant article de T. Albaladejo, « La retórica en el Examen de ingenios para las ciencias de Huarte de San Juan : elocuencia, verdad y el perfecto orador », Castilla, 21, 1996, p. 7-17, se cantonne au versant rhétorique laissant de côté les implications théologiques, il délimite avec pertinence l’importance du concept de vérité saisi plus au plan de la logique interne du discours que de la vérité due à la parole divine remise en circulation par le sermon. Lire, sur ce point, les très stimulantes réflexions de P. Ricœur, « II. Praxis et vérité », Histoire et Vérité, Paris, Seuil, 1955, p. 165-197.
25 Il nous est difficile de valider les pages consacrées par F. Herrero Salgado, La oratoria sagrada en los siglos xvi y xvii, Madrid, Fundación Universitaria Española, 1996 p. 153-154, qui se bornent à reproduire des passages de l’ouvrage de Huarte sans en signaler la nouveauté ni la perspective.
26 Pr. Tineo, « La recepción de Trento en España (1565). Disposiciones sobre la actividad épiscopal », Anuario de Historia de la Iglesia, 5, 1996, p. 541-596.
27 Examen des Esprits, p. 170-171.
28 J. Bernhard, Ch. Lefebvre, Fr. Rapp, L’époque de la Réforme et du Concile de Trente, Paris, Cujas, 1990, p. 384. Voir Concile de Trente, ses. 5 c.2 de ref. et ses. c.4 de ref. Le décret « Super lectione et praedicatione » (1546) est partiellement reproduit dans l’ouvrage de F. Herrero Salgado, La oratoria sagrada en los siglos xvi y xvii, p. 116. Pour une compréhension plus approfondie, voir A. Larios, « La reforma de la predicación en Trento (Historia y contenido de un decreto) », Communio, 6, 1973, p. 22-83 ; A. Byrne, El ministerio de la predicación en el Concilio de Trento, Pampelune, Eunsa, 1975 ; R. Saez, « Preludio al sermón », Criticón, 84-85, 2002, p. 45-61.
29 Examen des Esprits, p. 192. Je restitue l’épithète bonne figurant dans la version espagnole involontairement oubliée dans la traduction. On trouve la même assertion catégorique à la même page : « Nous y avons dit que la théologie scolastique est du domaine de l’entendement ».
30 Ibid.
31 Examen des Esprits, p. 194, « Après cette façon de défendre les causes, vint la doctrine évangélique »
32 Examen des Esprits, p. 195.
33 Examen des Esprits, p. 185 où est déjà mis à contribution un passage de la première Epître aux Corinthiens : « Non enim misit me Christus baptizare, sed evangelizare ; non in sapientia verbi, ut non evacuetur crux Christi », traduit de la façon suivante : « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais prêcher, sans aucune éloquence, pour que mes auditeurs ne croient pas que la croix du Christ est l’une de ces futilités que les orateurs ont coutume d’inculquer ».
34 Examen des Esprits, p. 194, « Mais depuis que la foi est reçue, il est bien permis de prêcher selon les procédés de rhétorique ».
35 Examen des Esprits, p. 192-193.
36 Examen des Esprits, p. 193.
37 A.-M. Taisne, « L’orateur idéal de Cicéron (De Or., I, 202) à Quintilien (Inst. oratoire, XII, i, 25-26) », Vita Latina, 1, 1997, p. 35-44.
38 Examen de ingenios, p. 437.
39 C. Vasoli, La dialettica e la retorica dell’Umanesimo. « Invenzione » e « Metodo » nella cultura del xv e xvi secolo, Milan, Feltrinelli, 1968.
40 Examen de ingenios, p. 438. Le lecteur tirera grand profit des notes nombreuses et pertinentes que l’on doit à la science de Guillermo Serés, l’auteur de l’édition critique de l’ouvrage de Huarte.
41 J.-B. Etcharren traduit sentencias par opinions. Nous avons gardé le mot sentence car il renvoie à une pratique courante consistant de la part des théologiens à se servir pour leurs cours, ouvrages et sermons, des recueils de réflexions où ils puisaient leurs connaissances. Ce sont dans l’Antiquité les excerpta (morceaux choisis ou résumés d’œuvres) ou les sententiae, plus tard les polyanthées, cornucopiae et les sylvae rethoricae où l’on trouvait des citations et des lieux communs susceptibles de meubler le discours.
42 Examen des Esprits, p. 196.
43 J. Amyot « Proesme du translateur (1547) » dans Héliodore, Histoire Aethiopique, édition critique, établie, présentée et annotée par L. Plazenet, Paris, Champion, 2008, p. 157-164.
44 Ibid.
45 M. Bataillon, Erasme et l’Espagne. Recherches sur l’histoire spirituelle du xvie siècle, Paris, Droz, 1937, p. 657 qui cite la dissertation placée en tête de l’œuvre posthume d’Alvar Gómez de Ciudadreal, Teologica descripción de los misterios sagrados [Tolède, Juan de Ayala, 1541] : « En esta fábula escribió Apuleyo su Asno dorado y Mahoma escribió su Alcorán, y todos los milesios escribieron sus caballerías Amadísicas y Esplandiánicas herboladas. Deste género de fábulas amonesta el Apóstol a Timoteo que huiga ». J’ai mis en caractères italiques le passage figurant dans l’édition princeps du maître livre de Marcel Bataillon dans lequel saint Paul avertit Timothée de fuir les récits extravagants. Voir sur ce point, G. Serés, « El enciclopedismo mitográfico de Baltasar Vitoria », La Perínola, 7, 2003, p. 397-421. Sur Alejo Venegas, Ildefonso Adeva Martín reste un guide éclairé comme le prouve son étude : El maestro Alejo Venegas de Busto. Su vida y obras, Tolède, Diputación Provincial, 1987.
46 Examen de ingenios, p. 443. J’ai retraduit la citation car il m’a semblé que Jean-Baptiste Etcharren interprète le texte, ne serrant pas de près, de ce fait, le sens littéral. Sur la gestuelle constitutive de la prédication, voir E. Orozco Díaz, « Sobre la teatralización del templo y la función religiosa en el barroco, el predicador y el comediante », Cuadernos para investigación de la literatura hispánica, 2-3, 1980, p. 171-188 ; L. Rodríguez Cacho, « Los símiles corporales y el coloquio misceláneo. Las comparaciones de Pérez de Moya », Le corps comme métaphore dans l’Espagne des xve et xviie siècles, études réunies et présentées par A. Redondo, Paris, PSN, 1992, p. 245-257.
47 Voir J. Dross, « Du bon usage de l’imagination : l’importance du regard intérieur dans l’œuvre philosophique de Sénèque », Pallas, 92, 2013, p. 225-235 ; F. Delarue « Cicéron et l’invention du regard », L’Information littéraire, 56, 2004, p. 32-41. Ces recommandations, qui confinent à l’injonction, sont toujours reprises dans tous les traités de prédication. On citera pour la circonstance un traité contemporain de Huarte, celui de Fray Diego de Estella, Modo de predicar y modus concionandi, estudio doctrinal y edición crítica por Pío Sagüés Azcona, O.F.M., 2 t., Madrid, Instituto Miguel de Cervantes, 1951, II, p. 157-163 ; R. Saez, « Preludio al sermón », La oratoria sagrada en el Siglo de Oro, p. 45-61.
48 P. G. Bietenholz, Historia and Fabula : Myths and Legends in Historical Thougth from Antiquity to the Modern Age, Leiden, Brill, 1994.
49 On citera seulement deux études, l’une et l’autre datées de l’année 1929 : J. Fr. Pastor, Las apologías de la lengua castellana en el Siglo de Oro, Madrid, Compañía iberoamericana de publicaciones, 1929 et M. Romera Navarro « La defensa de la lengua española en el siglo xvi », Bulletin Hispanique, 3, 1929, p. 204-255.
50 Examen des Esprits, p. 200.
51 Examen des Esprits, p. 201.
52 Ibid.
53 Examen de ingenios, p. 447. On saura gré à Anne Teulade d’avoir signalé les différences existant entre le texte de Huarte et les Problèmes d’Aristote : voir A. Teulade, « Le cops prédicateur. Mélancolie et hétérodoxie dans El Examen de ingenios de Huarte de San Juan (1575) », Études Épistémé, 28, 2015, en ligne.
54 Voir A. Armero Alcántara qui cite un très beau texte de Roger Bartra, dans Visiones del Quijote, Séville, Editorial Renacimiento, 2005, p. 284-285 ; R. Bartra, Cultura y melancolía. Las enfermedades del alma en la España del siglo de Oro, Barcelona, Anagrama, 2001 ; F. Gambin, Azabache. El debate sobre la melancolía en la España de los siglos de Oro, Madrid, Biblioteca Nueva, 2008 ; H. Tropé, Folie et littérature dans l’Espagne du xvie et xviie siècles, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 143-159.
55 « Ommnium theologorum longe principum ac teologandi magistrum », cité par R. Saez, « Le cops mystique comme métaphore religieuse », Le corps comme métaphore dans l’Espagne des xve et xviie siècles, p. 143-153. Jean Louis Vivès, pour sa part, le tiendra pour « un grand maître » : voir Anthologie des humanistes européens de la Renaissance, éd. de J.-Cl. Margolin, Paris, Gallimard, 2007, p. 397.
56 Examen des Esprits, p. 204.
57 Ibid.
58 Examen des Esprits, p. 205.
59 Il faudrait étudier, ce que je ne puis faire ici, les liens de similitude pour ne pas dire les identités de vue entre Huarte et les Tratados de Reforma qui font l’objet du tome VI des Œuvres complètes de saint Jean d’Ávila. Voir Obras Completas del santo Maestro Juan de Ávila, edición iniciada por el doctor don Luis Sala Balust, nueva edición, revisada y continuada por el doctor don Francisco Martín Hernández, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1971, p. 33-349.
60 Sont citées la première Lettre aux Corinthiens, 1, 7, la première Lettre à Timothée, 1, 5-7, la Lettre aux Romains, 16, 17-18, la deuxième Lettre aux Corinthiens, 11, 3 et 13-15, la Lettre aux Romains, 16, 18, la Lettre aux Romains, 7, 23, la Lettre aux Romains, 16, 18. Il s’agit, c’est incontestable pour la Lettre aux Romains, de deux lettres parmi les plus marquantes et substantielles de l’enseignement et de la prédication de saint Paul.
61 Voir R. Saez, « Huarte de San Juan o el nacimiento de la conciencia crítica », Huarte de San Juan, 1, 1989, p. 81-95, article dans lequel j’ai attiré l’attention sur le climat d’effervescence religieuse et sur le foyer « illuministe » que connurent la ville de Baeza et son université ; H. Jedin, « Juan de Avila als Kirchenreformer », Zeitchrift für Aszese und Mystik, 11, 1936, p. 124-138. Sur le milieu intellectuel et culturel de Baeza, P. Cátedra, Imprenta y lectura en la Baeza del siglo xvi, Salamanque, Sociedad de Estudios Medievales y Renacentistas, 2001.
62 M. Iriarte, S.J., El doctor Huarte de San Juan y su « Examen de ingenios ». Contribución a la historia de la psicología diferencial, Madrid, CSIC, 1948 (3e éd).
63 G. A. Pérouse, L’examen des esprits du docteur Juan Huarte de San Juan. La diffusion et son influence en France aux xvie et xviie siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1970, p. 27 ; R. García Villoslada, « El paulinismo de San Juan de Ávila », Gregorianum, 51, 1970, p. 615-647 ; M. Ruiz Jurado, S.J., « El paulinismo de San Juan de Ávila » Proyección, 251, 2013, p. 393-405 (résumé pédagogique de l’influence de saint Paul sur la spiritualité et la théologie de Jean d’Ávila).
64 A. Castro, El pensamiento de Cervantes, nueva edición ampliada y con notas del autor y de Julio Rodríguez Puértolas, Barcelona-Madrid, Editorial Noguer, 1972, p. 56-57 ; P. Cátedra, « Francisco de Borja en la escuela de Juan de Ávila : Luis de Noguera en la Inquisición y la pastoral bibliográfica », Homenaje al profesor Klaus Wagner, coordinación de Piedad Bolaños Donoso, Aurora Domínguez Guzmán y Mercedes de los Reyes Peña, Séville, Universidad, 2007, t. II, p. 505-542.
65 Voir H. Weinrich, Das ingenium Don Quijotes. Ein Beitrag zur literaischen Characterkunde, Münster, Aschendorf, 1956 ; du même auteur, « La mémoire linguistique de l’Europe », Langages, 114, 1994, p. 13-24, dont les pages 16 à 19 sont consacrées à Huarte et à Cervantès, liés par le concept et la conception qu’ils se font de la mélancolie. On adjoindra également les deux articles encore sous presse que l’on doit à M. Mestre, « Savoirs et ingenio chez Huarte de San Juan. L’encyclopédisme paradoxal de l’Examen de ingenios para las ciencias », Questions sur l’encyclopédisme : le cercle des savoirs de l’Antiquité jusqu’aux Lumières, éd. N. Correard et A. Teulade, et « Les métiers de l’imagination dans l’Examen de Huarte de San Juan » figurant dans le présent volume.
66 Fr. Azouvi, « Médecine et Philosophie chez Huarte de San Juan », Revue de métaphysique et morale, 31, 2001, p. 399-305 ; J. L. Orella, « El pensamiento filosófico y médico de Huarte de San Juan », Sancho El Sabio : revista de cultura y de investigación vasca, 5, 1996, p. 49-68.
67 B. Carranza de Miranda, Comentarios sobre el Cathecismo christiano, edición critica y estudio histórico por José Ignacio Tellechea Idígoras, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1972, t. II, p. 556-559.
68 Le temps des Réformes et la Bible, sous la direction de G. Bédouelle et B. Roussel, Paris, Beauchesne, 1989, p. 794-795.
69 Examen des Esprits, p. 209.
70 Examen des Esprits, p. 210-211.
71 J’ai gardé le mot forgé par Prudence de préférence au « bellum intestinum » plus habituel.
72 M. de Certeau, La fable mystique, 1, xvie-xviie siècle, Paris, Gallimard, 1982, p. 110.
73 Ph. Büttgen, « L’attente universelle et les voix du prêche. Sur trois interprétations récentes de saint Paul en philosophie », Les Études Philosophiques, 60, 2001, p. 83-101.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08322-1
- EAN : 9782406083221
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08322-1.p.0365
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/08/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français