Note on Vues sur la vie dominicaine

NOTE SUR VUES SUR LA VIE DOMINICAINE

Dans le tome deuxième du Supplément aux Œuvres complètes1, on trouve p. 457 et p. 458, un court texte de Paul Claudel intitulé Vues sur la vie dominicaine. À l’évidence il fait ici référence à un ouvrage illustré du père Ceslas Durand o.p. Il s’agit de Fils de lumière, un album de 115 pages grand format, illustré de photos de Maurice Gilet, réalisé au monastère des frères prêcheurs de Saint-Maximin, qui offre un aperçu d’ensemble sur la vie religieuse : prise d’habit et profession, offices liturgiques, cérémonies d’ordination, vie de travail et d’apostolat. L’ensemble des photos, à l’exception de deux vues des Jacobins de Toulouse p. 35 et p. 113, ont été prises dans le monastère et la basilique de Saint-Maximin. Sur les pages de droite on trouve une ou deux photos et en regard sur la page de gauche une citation sans mention de références. Il faut se reporter à la table des matières en fin d’ouvrage pour trouver une liste des références ou des auteurs : Psaumes, Évangile, saint Paul, Apocalypse, prières liturgiques, constitution des frères prêcheurs, pères et docteurs de l’Église… mais aussi des auteurs contemporains. C’est ainsi que l’on peut lire p. 32 en regard de photos d’un office liturgique :

Ce n ’ est pas assez de courir, volons ! Volons avec des ailes au secours de chaque créature et apportons-lui ce qui lui manque pour compléter cette confession catholique qu ’ elle essaye en souffrant et en gémissant d ’ enfanter, c ’ est-à-dire l ’ Univers, la version à l ’ unique, l ’ ensemble de la création dans la confession d ’ un seul Dieu.

Nos lecteurs auront reconnu les propos de Saint-Maurice, l’aviateur, à Grégoire, marchand de curios, dans « Samedi » des Conversations dans le Loir-et-Cher2. Ici les interlocuteurs ne sont plus dans le Val-de-Loire, mais entre Honolulu et San Francisco, sur le pont d’un bateau japonais, qui revient de l’Extrême-Orient.

On trouvera aussi des citations d’Ernest Hello, Léon Bloy, Charles Péguy, Georges Bernanos, Paul Valéry…

Au début de son texte, Claudel évoque sa visite3 au couvent de Saint-Maximin, la basilique, taillée dans le froc blanc de saint Dominique qui est de pierre aussi bien que de laine4, le 6 avril 1936, dimanche des Rameaux, qui sera suivie de celle du monastère désaffecté du Thoronet avant de se rendre pour suivre les offices du Triduum pascal à l’abbaye cistercienne de Lérins qui est, comme l’antique Tyr biblique, au cœur de la mer. Dans « Le monastère in corde maris », daté du 10 avril 1936, paru dans Yggdrasill no 7 de novembre 1936 puis dans Mesures du 15 janvier 1937, avant d’être repris dans le recueil Contacts et circonstances (1940), il revient plus longuement sur ce séjour.

L’attention de Claudel est attirée par la photo qui se trouve en page 34 en regard de laquelle on trouve une citation de Catherine de Sienne. Il va se livrer à un exercice qui lui est cher, que nous nous permettrons d’appeler « d’exégèse architecturale », et que l’on peut rapprocher des considérations du Développement de l’Église écrites cinquante ans plus tôt.

Cette photo est celle de l’abside de l’église conventuelle des Jacobins à Toulouse, chef d’œuvre de l’architecture de la fin du 13e siècle, dont les voûtes gothiques à croisées d’ogives culminant à 28 mètres sont soutenues par trois colonnes. Jaillissant du sommet de la dernière colonne, vingt-deux nervures de la voûte composent un gigantesque palmier minéral à la ramure géométrique.

Un pilier unique d ’ où s ’ échappent de tous côtés un torrent de nervures, une chevelure de directions, une ascension de palmes, qui ne s ’ élèvent que pour retomber circulairement, comme succombant au fruit.

Le moyen pour ne pas se laisser envirer ou égarer par cette profusion, c’est cette colonne, nous dit Claudel, immuable, qui te l’enseigne, elle qui, multifarium multisque modis5, explose vers tous les aspects de l’horizon à la fois.

Cette colonne, c ’ est l ’ Église catholique, apostolique et romaine, et c ’ est aussi l ’ ordre de saint Dominique.

La bibliothèque du Saulchoir conserve deux exemplaires sous les cotes 453A2 et 430A2, quasiment identiques de Fils de lumière portant la mention : achevé d’imprimer sur les presses de SADAG Bellegarde (Ain) le 15/6/1951. Mais sur le second exemplaire on trouve en regard de la page de titre en guise de préface le texte de Claudel. Compte tenu de sa date, Noël 1951, cela ne peut être qu’un ajout après coup, qui n’a pas fait l’objet d’une nouvelle édition.

Nous terminerons cette brève note en apportant quelques précisions sur le père Ceslas Durand. Contrairement à ce que pourrait laisser penser son prénom il n’est pas polonais ou d’origine polonaise. Ce nom est son nom en religion emprunté au bienheureux Ceslas, compagnon de saint Dominique, qui implanta l’ordre des prêcheurs en Pologne. Le père Ceslas Durand est un languedocien, Joseph François Georges Durand pour l’état-civil, né le 19 mars 1923 à Sète, mort le 4 mars 2014 à Marseille. Vestition pour la Province de Toulouse le 14 octobre 1942 à Toulouse, profession simple le 15 octobre 1943 à Toulouse, profession solennelle le 20 août 1947 à Saint-Maximin, ordination sacerdotale le 10 juillet 1949 à Saint-Maximin. Il a été prieur du couvent de Marseille. Il était également poète et essayiste sous le nom de Georges Lauris6.

René Sainte Marie Perrin