Note sur l’établissement du texte
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre. Tome I
- Pages: 35 to 40
- Collection: French Theatre Library, n° 67
NoTe sur l’établissement
du texte
La fortune éditoriale des pièces de Boissy est assez riche, quoique très contrastée entre les comédies à succès, qui sont périodiquement réimprimées au xviiie et au xixe siècles, et certains textes satiriques et/ou parodiques, qui restent inédits. Le principe général adopté pour cette édition a été de recenser et de collationner les volumes parus du vivant de l’auteur, c’est-à-dire jusqu’en 1758. Dans certains cas, les éditions ultérieures ont également été consultées pour l’éclaircissement de certains points précis du texte. Une note sur l’établissement du texte, précédant chaque pièce, donne la liste complète des témoins collationnés.
En général, le texte de base adopté a été celui de la dernière édition à laquelle Boissy a pu collaborer ; en effet, les versions plus tardives s’avèrent habituellement plus correctes et plus complètes que les premières éditions, souvent réalisées à la va vite, et avec moins d’égards pour un auteur qui n’occupe jamais un rang de premier plan dans la République des lettres. Toutefois, il n’est pas toujours facile de savoir quel est ce dernier texte auquel Boissy a pu mettre la main. Il paraît peu probable que ce soit le cas des éditions étrangères, parues en Hollande, Angleterre ou Autriche : les détails biographiques dont nous disposons à propos de Boissy ne donnent pas l’impression d’un auteur entretenant des liens avec les pays d’immigration protestante, que ce soit pour cultiver une réputation internationale ou, dans certains cas, pour offrir une seconde vie à des pièces parfois en posture délicate en France. Il est bien plus probable que les seuls contacts de Boissy avec le monde des imprimeurs se soient limités aux officines parisiennes. Après une première période où il publie chez les frères Barbou ou la veuve Ribou, il semble d’ailleurs entretenir une relation quasi exclusive avec Pierre Prault.
Outre les éditions séparées des pièces, les comédies de Boissy ont connu un certain nombre d’éditions collectives, qu’il est approprié de décrire ici :
361o Œuvres / de théâtre / de / Mr. de Boissy. / THEATRE FRANÇOIS. / A PARIS, / Chez PRAULT Pere, Quay de Gêvres, au Paradis, / M.DCC.XXXVII / avec Privilege du roi.
Prault commence à publier cette édition en 1737. Les premiers tomes paraissent à un rythme assez soutenu jusqu’en 1740, regroupant des textes édités, souvent antérieurement, avec une page de titre et une pagination indépendante. À une date ultérieure, qui peut être fixée par conjecture à 1746, le projet est revu et étoffé avec les nouvelles pièces écrites entre temps par Boissy. Depuis 1742, Prault réimprime d’ailleurs, de façon indépendante, une série de pièces à succès. En 1746, il remet en chantier le recueil, en distribuant la matière en neuf volumes, dont le dernier semble publié en 1751. Cette nouvelle impulsion donnée à l’ouvrage n’est toutefois pas clairement exprimée, et les tomes de cette nouvelle édition s’inscrivent plus dans la continuité qu’en rupture avec l’entreprise de 1737. Le libraire reprend, d’ailleurs, le privilège initial, alors même que les contenus ont largement changé.
Le recueil est précédé d’une épître de l’auteur « À Monseigneur le comte de Saint Florentin », ainsi que d’une adresse de « L’auteur au libraire ». Ce sont des textes assez convenus, par lesquels Boissy cherche, d’une part, à placer son ouvrage sous la protection d’un grand, et à expliquer pourquoi il ne prend pas la peine d’expliciter ses intentions et de mettre en perspective ses textes. À l’exception de ces deux pièces liminaires, les comédies de Boissy manquent, en effet, de textes d’accompagnement.
La table générale de l’édition fait état de 33 pièces, mais en réalité on n’en trouve que 32 publiées dans neuf volumes, à raison de trois ou quatre pièces par volume. Elles sont livrées dans l’ordre chronologique, mais en respectant, du moins pour les cinq premiers tomes, une séparation entre pièces jouées au théâtre français et pièces jouées au théâtre italien. À partir du tome VI, cette séparation n’est plus respectée, non plus que l’ordre chronologique, qui fait totalement défaut au tome VIII. Celui-ci donne, en effet, L’Époux par supercherie, Pamela en France, La Fête d’Auteuil et Le Sage étourdi dans cet ordre, alors que cette dernière pièce a été jouée avant les autres, et aurait dû figurer au tome VII. On a ainsi l’impression d’un projet ajusté en cours de route, peut-être suite à une consultation tardive avec Boissy, qui souligne les lacunes des publications déjà effectuées.
37Entreprise du vivant de l’auteur, cette édition n’a pas la prétention d’être complète, celui-ci étant encore en activité. Elle laisse d’ailleurs de côté les pièces satiriques de Boissy, peut-être à la demande de celui-ci.
2o ŒUVRES / DE MONSIEUR / DE BOISSY, / contenant / Son Théâtre François & Italien. / NOUVELLE ÉDITION. / Revuë, corrigée, & augmentée de plusieurs / Piéces nouvelles. / A AMSTERDAM et a BERLIN, / Chez JEAN NEAULME, Libraire. / M. DCC.LVIII.
Cette édition en 8 tomes, désignée par la suite comme Néaulme 1758, que l’on trouve de nos jours reliée en 4 volumes, reprend l’ensemble des pièces publiées par Prault, auxquelles elle ajoute La Frivolité, qui n’avait été mise en scène qu’en 1753, donc largement après la fin de l’entreprise de Prault. Les pièces sont, chez Néaulme, d’abord dans le même ordre que chez Prault. À partir du tome II, on s’en écarte de plus en plus, pour des raisons qui ne sont pas très claires. À la différence de Prault, Néaulme semble moins attaché à la séparation du théâtre français et du théâtre italien, même s’il les mentionne à part dans la table des pièces de chaque volume. En même temps, il ne semble pas non plus suivre strictement la chronologie : son tome VII est aussi « fouillis » que le tome VIII de Prault. Il est probable que l’équilibre des volumes, en termes de nombre de pages, ait pu jouer plus dans cette distribution que les critères intrinsèques à l’œuvre éditée.
Comme dans l’édition Prault, l’ensemble est précédé par les épîtres de l’auteur au comte de Saint-Florentin, respectivement au libraire. Le texte est globalement assez soigné et la présentation aérée. Les coquilles et les erreurs ne manquement pourtant pas, et elles seront généralement corrigées tacitement dans la présente édition.
3o ŒUVRES / DE THEATRE / DE / MR. DE BOISSY, / DE L’ACADÉMIE FRANÇOISE. / nouvelle édition, / Augmentée de trois Pieces. / A PARIS, / Chez N. B. Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, / au-dessous de la Fontaine saint Benoît, / au Temple du Goût. / M.DCC.LVIII / Avec Approbation et Privilège du Roi.
Cette édition, désignée par la suite comme Duchesne 1758, propose trente-cinq pièces, regroupées, comme dans l’édition Prault, en 389 volumes. Les nouveautés par rapport à Néaulme sont Le Prix du silence et Le Retour de la paix, au IXe volume. Le recueil est clairement fondé sur celui de Prault, dont il distribue toutefois la matière différemment, selon une logique qui n’est pas, de nouveau, facile à saisir : les pièces françaises sont séparées des pièces italiennes, mais leur ordre n’est qu’approximativement chronologique. Pour n’en donner qu’un seul exemple, Le Rival favorable se trouve au tome 8, alors qu’il aurait dû figurer au tome 3, avec Le Pouvoir de la sympathie et Les Dehors trompeurs.
Il ne s’agit pas d’une nouvelle édition à proprement parler. Duchesne regroupe des impressions séparées des pièces, chacune avec sa pagination et sa page de titre. On y trouve surtout des cahiers imprimés par Prault, ayant servi soit à l’édition de 1737, soit à des publications ultérieures, légèrement revues et actualisées. Dans d’autres volumes, Duchesne reprend des ouvrages issus des ateliers de Cailleau ou de Jacques Clousier. Il n’y a guère que Admète et Alceste, Les Dehors trompeurs et La Frivolité qui soient édités par lui-même.
D’autres recueils, d’ambitions et de dimensions plus limitées, ont également vu le jour au xviiie siècle, et ont pu être consultés pour l’établissement de cette édition, mais ce sont principalement ces trois anthologies dont il a été tenu compte – tout en sachant qu’il est peu probable que Boissy ait participé à la réalisation des deux éditions de 1758 : outre le fait qu’il s’agit d’éditions réalisées à l’étranger, elles coïncident avec l’année de la mort de l’auteur, ce qui suggère une réalisation immédiatement après son décès par deux libraires qui cherchent à tirer profit de la curiosité du public, français mais surtout européen.
L’ensemble des éditions publiées au xviiie siècle, qu’il s’agisse d’œuvres individuelles ou de collections, présente un certain nombre de particularités linguistiques ou orthographiques, liées à l’état de la langue et aux pratiques de l’époque. Celles-ci ayant été corrigées tacitement, conformément à l’usage des Classiques Garnier, il est utile d’en donner ici une description.
Ainsi, « tems » a été corrigé en « temps », tandis que l’alternance -ant (sg.) / -ans (pl.) a été gommée. Au lieu du système « amant/amans », « sentiment/sentimens », on trouvera donc « amant/amants », « sentiment/sentiments ».
La conjugaison des verbes à l’imparfait et au conditionnel, ainsi que le présent du verbe « connaître », sont encore orthographiés en -oi- au 39xviiie siècle, alors même que la prononciation, surtout à Paris, a déjà évolué vers la réduction complète de la diphtongue. On retrouve également cette orthographe pour les noms de peuples (Anglois, François). Elle a été remplacée tacitement par les formes modernes en -ai- : parlerois > parlerais ; étoit > était, connois > connais, etc., sauf si ceci signifie sacrifier la rime de certains vers.
« Sçavoir » et ses différentes formes conjuguées, ou ses dérivés, ont été orthographiés « savoir ».
Dans la plupart des cas, les éditions consultées ne dissimilent pas entre « plutôt » et « plus tôt ». On trouve « bienvenu » écrit en deux mots (« soyez le bien venu »), ainsi que les graphies « tout-à-fait » et « long-tems ». De façon similaire, les adverbes sont reliés à l’adjectif qu’ils modulent au moyen d’un trait d’union (« très-sensible »), et on trouve la même pratique au sujet de certaines conjonctions et pronoms (« malgré-vous »).
À l’instar d’autres auteurs de son époque, Boissy n’utilise pas des majuscules uniquement en début de phrase ou pour les noms propres de personnes et de lieux. Toute une série de notions et termes en reçoivent, qui prennent une valeur presque allégorique grâce à la capitalisation : dans Le Français à Londres, le Marquis évoque ainsi Paris comme « le centre du beau Monde et de la Politesse ». Pour faciliter la lisibilité, il a paru toutefois utile de rétablir l’usage moderne, d’autant plus que, entre les premières éditions des textes de Boissy, réalisées à la fin des années 1720 et au début des années 1730, et les dernières éditions dans la décennie 1750, les pratiques évoluent et le nombre de majuscules diminue. Cependant, la majuscule des substantifs au vocatif a été conservée ; il s’agit le plus souvent d’appellatifs de politesse (« Monsieur » ou « Madame »), mais ceci concerne également les titres des personnages (« Marquis », « Baron », « Comte »), qui fonctionnent dans certaines pièces comme des noms propres.
En revanche, les particularités syntaxiques et lexicales ont été préservées. Dans certains cas, Boissy pratique encore l’antéposition du pronom personnel complément devant le premier verbe, régisseur du syntagme verbal : « Lisette l’irait redire » (L’Amant de sa femme, sc. 6), « Si vous l’alliez trouver moins belle ? » (idem, sc. 10). Toutefois, dans les mêmes pièces on trouve également l’usage moderne : « vous allez me haïr » (ibidem, sc. 21). Il n’y a pas eu d’uniformisation sur ce point. 40De même, l’emploi de formes verbales pronominales comme « s’oser » (Admète et Alceste, v. 746), ou l’emploi du pronom indéfini à la place du numéral (« il peut s’en trouver quelqu’un qui ait la discrétion que vous souhaitez ») ont été préservés.
Reste enfin le sujet de la ponctuation. Conformément à l’usage de la collection, celle-ci a été reproduite à l’identique, sauf en cas d’erreurs évidentes (point ou point-virgule à la fin d’un vers, alors que la phrase commencée continue au vers suivant) et quand elle ne correspond pas à nos usages modernes. Dans tous ces cas, les corrections ont été opérées tacitement.
- CLIL theme: 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN: 978-2-406-09905-5
- EAN: 9782406099055
- ISSN: 2261-575X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09905-5.p.0035
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-09-2020
- Language: French