Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Balzac penseur
- Pages: 417 to 423
- Collection: Encounters, n° 414
- Series: Nineteenth century studies, n° 44
Résumés
Francesco Spandri, « Introduction. Les ressources de l’abstraction »
La fiction balzacienne est une fiction qui pense, la critique l’a bien montré : vouloir séparer le contenu théorique de la forme serait porter atteinte à une indivision profonde qui transforme l’un et l’autre. Mais on peut envisager cette confrontation du philosophique et du narratif sous l’angle non de l’énonciation, mais de l’énoncé, en considérant l’abstraction comme motif propre du récit. C’est à l’élucidation de cette perspective que sont consacrées les pages de cette contribution.
Paolo Tortonese, « Balzac et la querelle des analogues »
On connaît l’intérêt qu’eut pour Balzac la controverse opposant les naturalistes Georges Cuvier et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire autour de 1830. La discussion critique a beaucoup porté sur la préférence accordée par Balzac aux théories défendues par l’un ou par l’autre. Mais pour reprendre aujourd’hui cette discussion, mieux vaut se demander à quel carrefour la pensée de Balzac peut rencontrer en même temps celle de Geoffroy et celle de Cuvier.
Francesca Pagani, « L’imaginaire des fluides chez Balzac »
La physique des fluides joue un rôle majeur dans l’imaginaire balzacien : en puisant dans les savoirs du passé – notamment le mesmérisme – Balzac réinvente une pensée scientifique qui assure la compréhension des phénomènes de l’univers. En évoquant quelques-unes des applications de cette « science », l’article propose une lecture de la théorie des fluides en tant que déclinaison de la « recherche de l’absolu » dans l’œuvre de Balzac.
418Claire Barel-Moisan, « Penser le magnétisme : science, fantastique et ironie »
Des œuvres de jeunesse, comme Le Centenaire, aux derniers grands romans-feuilletons tel Le Cousin Pons, Balzac construit grâce à la fiction une pensée du magnétisme évolutive, ambiguë et contradictoire. Le fantastique du romantisme noir laisse place à un discours scientifique étayé, mais la quête d’un système philosophique ambitieux se voit problématisée par le traitement réaliste et ironique du magnétisme : dans la coexistence entre adhésion et ironie se dessine la permanence d’une fascination.
Anne-Marie Baron, « “La Démarche de la pensée”, ou la métaphore vive »
Théorie de la Démarche est un essai philosophique qui analyse métaphoriquement la démarche de la pensée. Balzac emprunte ses images aux lexiques de la physiologie, de la végétation, de la féminité, du magnétisme et de la génération. Il préfigure « la métaphore vive » de Paul Ricœur pour rendre compte d’une expérience existentielle et spirituelle. Ces allégories constituent le fondement dynamique de sa philosophie et de son œuvre romanesque où « l’idée devenue personnage est d’une plus belle intelligence ».
Vincent Bierce, « Penser la foi : une réponse balzacienne ? »
Il s’agit de montrer comment Balzac pense la foi comme un sentiment religieux qui doit nécessairement s’appuyer sur un culte, et comment il propose toute une réflexion sur la croyance en tant qu’elle a des implications sociales : au sein de la représentation balzacienne, les idées religieuses deviennent alors des choses sociales, et l’expression sentiment religieux se trouve constamment transférée dans la sphère politique et associée à une représentation littéraire de type « réaliste ».
Aude Déruelle, « Balzac penseur de l’histoire ? »
La question du sens de l’histoire est centrale chez les contemporains de Balzac, historiens ou philosophes. Le romancier ne croit toutefois ni dans la doctrine du progrès, ni en l’idée d’un sens de l’histoire intelligible, qui transcenderait les événements et les destins singuliers : l’herméneutique balzacienne se déploie dans l’immanence des significations. Étonnamment, Balzac n’a pas une lecture providentialiste de l’histoire, ce que révèle l’analyse de L’Envers de l’histoire contemporaine.
419Jean-Marie Roulin, « Le retour, du dispositif fictionnel à l’anthropologie historique »
Nourri entre autres par l’expérience historique vécue entre 1789 et 1815 par les soldats et les émigrés, le schème du retour s’impose comme un paradigme fondamental de la pensée au début du xixe siècle. Dans l’œuvre de Balzac, le retour ne commande pas seulement le système des personnages reparaissants, mais constitue un trait fondamental de l’homme et de la société, ainsi que le montrent notamment Le Lys dans la vallée, Une passion dans le désert, Les Chouans et Le Colonel Chabert.
Chantal Massol, « Pensée et métaphore du corps social »
Moyen de domination des Temps modernes, et apanage du sujet individuel, « la pensée » se laisse difficilement prendre en compte, chez Balzac, par la métaphore organiciste : sa place comme sa fonction dans le corps social, dès lors qu’il faut l’y inscrire, se révèlent problématiques et instables. C’est la pertinence du modèle du chef-tête qui se trouve ainsi interrogée et le discours imaginatif balzacien porte témoignage du processus de « désincorporation » qui fait suite à la Révolution française.
Fabrice Wilhelm, « Balzac : une théorie du mensonge ? Quelques hypothèses autour du Colonel Chabert »
Fabrice Wilhelm étudie les conséquences de la crise de la paternité sur les représentations du mensonge dans La Comédie humaine. La tragédie de Chabert ne révèle-t-elle pas l’imposture de l’héroïsme moderne ? Le véritable héros n’est-il pas condamné à passer pour un imposteur dans une société où les Tartuffe sont considérés comme des héros ? Est-il possible à partir de cette hypothèse de poser les fondements d’une théorie balzacienne du mensonge ?
Susi Pietri, « La “pensée du don”. Figures de la donation de l’art et du savoir dans La Comédie humaine »
La donation de l’art et du savoir se déploie dans l’œuvre balzacienne par une pluralité de figures alternatives à l’échange marchand, du don sacré au don partagé, du don hiérarchisé au don néfaste. La Comédie humaine devient ainsi une immense exploration narrative de la « pensée du don » : de ses 420ambivalences constitutives, de ses possibles problématiques, de ses tensions prodigieusement multiformes.
Roland Le Huenen, « Balzac et la question du génie »
Estimant qu’artistes et savants sont susceptibles de maîtriser un égal pouvoir d’invention et de création, Balzac étend à ces derniers la prérogative du génie que la tradition réservait jusqu’alors aux seuls artistes. Bien qu’inné, ce talent exceptionnel demande à être entretenu par un travail constant et opiniâtre et par la foi en sa mission, sans lesquels les œuvres tant des uns que des autres perdraient de leur prodigieux éclat au point de s’abîmer dans l’échec.
Henri Scepi, « Penser la peinture : Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac »
Cet article revient sur un célèbre texte de Balzac pour y cerner la façon dont le discours sur la peinture s’y élabore dynamiquement et se fait le support d’une pensée de la création artistique placée sous un double regard : celui de la démesure romantique et celui de la régularité classique. Au discours impétueux de Frenhofer est ainsi opposée la parole silencieuse de Poussin – témoin capital d’une scène inaugurale qui est aussi pour lui une contre-leçon.
Takayuki Kamada, « La pensée du livre chez Balzac »
Dans la perspective d’une fusion du spiritualisme et du matérialisme, Balzac élabore une réflexion à la fois artistique et technique sur la mise en forme de la pensée, et il la met à l’épreuve d’une menace de défaillance et d’une confrontation aux aléas éditoriaux. Notre article propose un examen des manifestations les plus remarquables d’une telle aventure dans ses textes discursifs, dans ses romans et surtout dans ses gestes de création.
Boris Lyon-Caen, « Un moment “littéraire” de la pensée : le statut de la connaissance dans la Physiologie du mariage »
Qu’advient-il à la pensée lorsqu’elle se donne pour une connaissance du temps conjugal ? À quelles (con)torsions cette visée et cette circonstance engagent-elles ? Tel est le problème examiné dans la présente contribution, à propos et à partir de la Physiologie du mariage. Nous y suggérons qu’à la 421faveur d’un dispositif énonciatif assez baroque, l’analyse tourne à l’anecdote. Scénarisation déterminante, pour Balzac : ce moment « littéraire » de la pensée constitue une matrice essentielle de La Comédie humaine.
Pierre Glaudes, « Rêves de terreur : Balzac, penseur politique dans Les Deux Rêves »
Les Deux Rêves est une mise à l’épreuve de propositions politiques. Ce conte expose une doctrine autoritaire faisant l’apologie de la force comme condition de l’unité du corps social. Les données de la fiction établissent la continuité de cette doctrine, de la tradition monarchique et catholique au jacobinisme. Mais le récit obéit en vérité à une logique dilemmatique : la pensée y est prise entre la fermeté des principes et la conséquence implacable de leur application, qui leur confère un caractère utopique.
Patrizia Oppici : « “Un sang irréparablement versé”. Relire La Bourse à la lumière de l’Essai sur le don de Marcel Mauss »
Dans ce conte Balzac développe une réflexion anthropologique qui s’apparente à la pensée contemporaine issue du célèbre essai de Mauss. L’analyse montre comment dans La Bourse, objet qui n’est pas sans évoquer le lieu des transactions financières, se croisent les motifs de l’échange et de l’argent, de la perte et de la réparation, dans un tissu social dont les fils brisés par l’histoire ne peuvent être réparés que par une mise en scène symbolique axée sur le circuit du don.
Jacques-David Ebguy, « “Faire penser son lecteur”. À quoi reconnaît-on le philosophique balzacien ? »
Notre article examine, à partir d’un corpus restreint, en quoi consiste la nature et l’écriture du philosophique chez Balzac. Œuvre centripète, structurée autour d’une Idée, l’étude philosophique ne cesse, en même temps, de déplacer et d’effacer les limites entre les domaines. Parfois, surgit un Sens en rupture avec l’ordre du monde. Par la dramatisation de sa propre énonciation, l’œuvre se montre fidèle à ce qu’est la pensée – une confrontation emportée au Dehors – et fait penser son lecteur.
422Christèle Couleau, « Lire, c’est penser peut-être à deux ? De la fiction à la réflexion – La lecture entre modélisation et modalisation »
Comment la pensée vient-elle au lecteur ? Trois déclencheurs semblent privilégiés par Balzac. Les adresses du narrateur invitent explicitement le lecteur à prolonger, par la réflexion, le sens du texte. La démultiplication des possibles narratifs est propice à l’immersion, cette expérience fictive élargie lui permettant d’anticiper ou d’affiner ses propres choix de vie. Enfin des espaces textuels s’offrent à une véritable réappropriation, la vie venant alors nourrir le texte.
Laélia Véron, « Penser l’esprit avec Balzac : discours et métadiscours »
Le narrateur balzacien est sujet discoureur et sujet théoricien, situation particulière qui remet en cause l’autonomie du métadiscours par rapport au texte romanesque. Nous étudions ce rapport complexe entre discours et métadiscours à propos de l’esprit, notion marquée par des enjeux extra-discursifs spécifiques à l’époque, qui dépasse les oppositions entre sérieux/théorique et fictif/pratique. La pensée balzacienne de l’esprit n’est pas séparable de sa réalisation romanesque, poétique et pragmatique.
Andrea Del Lungo, « Balzac penseur post-mortem. Sur le recueil des Maximes et pensées paru chez Plon en 1852 »
Cet article est consacré au premier recueil de maximes et pensées extraites de l’œuvre de Balzac, qui n’a jamais attiré l’attention de la critique en dépit de son importance dans l’infléchissement de la réception de l’œuvre et dans la construction d’une doxa de la pensée balzacienne, sous le signe du système et de l’unité, qui en valorise la portée morale. La conclusion de l’étude montrera cependant que cette tentative ne parvient pas à effacer le caractère réversible et contradictoire de la pensée.
Éric Bordas, « Balzac théoricien ? »
Balzac penseur de la connaissance par la représentation romanesque fut-il un théoricien ? Développa-t-il un discours théorique dans son œuvre ? À cet égard, les textes des Études analytiques sont un piège ironique dont le propos est précisément de subvertir la tenue d’un discours théorique dans sa 423durée. Il n’est pas certain que Balzac ait jamais développé un discours théorique strict ; en revanche on peut lire La Comédie humaine comme un espace de représentation saturé, non de théories, mais de théorique.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07980-4
- EAN: 9782406079804
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07980-4.p.0417
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-15-2019
- Language: French