![André Suarès en pleine lumière - [Introduction]](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/YaeMS01b.png)
[Introduction]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : André Suarès en pleine lumière
- Pages : 427 à 428
- Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 109
Les mythes sont un aspect important de la pensée de Suarès. Très présents dans ses œuvres théâtrales et poétiques, ils le sont tout autant – quoique de façon plus diffuse – dans ses œuvres critiques et philosophiques. C’est que Suarès ne les voit pas comme un simple matériau littéraire offert à d’incessantes variations : à ses yeux, les légendes léguées par les Grecs traduisent des vérités de vie profondes et par là-même atemporelles : elles ne sont donc pas un ornement mais l’aliment vital de la pensée. Ainsi les mythes permettent-ils à Suarès d’interroger l’amour, le rapport au temps – la condition humaine en général ; mais ils lui servent aussi de masques grâce auxquels se peindre lui-même sans en avoir l’air et livrer ses tourments les plus secrets.
Conscient de l’importance accordée par Suarès aux mythes, Yves-Alain Favre a consacré à cette question le troisième (et dernier) volume de la collection « Suarès » dans la série parue entre 1973 et 1983 dans la Revue des Lettres modernes1. L’intérêt des dix études réunies dans ce volume est de montrer que les mythes qui habitent la pensée de Suarès ne sont pas seulement d’origine grecque, mais qu’ils sont aussi bibliques, et même modernes : Yves-Alain Favre y traite notamment des mythes de Don Juan et de Faust.
Dans notre thèse sur La Culture classique d’André Suarès, nous avons travaillé, entre autres aspects, sur la présence des mythes grecs dans l’œuvre de Suarès, et mis en valeur non seulement leur abondance, mais aussi la variété de leur traitement littéraire et la multiplicité de leurs fonctions. L’exploitation systématique des inédits a permis de mettre en évidence le fort regain d’intérêt de Suarès pour les mythes grecs à la fin de sa vie.
Il reste néanmoins beaucoup à dire non seulement sur le traitement de certaines figures traditionnelles (le mythe de Psyché par exemple), mais aussi sur la présence d’autres « mythes » littéraires, notamment ceux issus des univers wagnériens et shakespeariens. Les personnages évoqués dans les opéras du compositeur allemand et plus encore dans les pièces du dramaturge anglais (pensons à Ariel, Rosalinde ou Isolde) 428sont en effet tout aussi récurrents sous la plume de Suarès que ceux issus de la mythologie gréco-romaine.
Non content d’avoir exploité toute sa vie bien des figures empruntées aux mythes les plus divers, Suarès s’est enfin montré lui-même créateur de mythes – plus que tout, celui de Jan-Félix Caërdal, le magnifique Condottière.
Antoine de Rosny
1 L ’ Univers mythique de Suarès, Paris, La Revue des Lettres modernes, Minard, 1983.