Préface d’Udo Schöning

7 PRÉFACE

Claude Fauriel (1772-1844) est méconnu de quelques- uns et inconnu de la plupart. Il fut pourtant à son époque un savant renommé, dont les vastes connaissances histo- riques, linguistiques et littéraires ont impressionné certains contemporains importants, comme elles peuvent nous impressionner encore aujourd'hui. En outre, il faut constater que cet érudit, bien qu'il ait toujours accordé plus d'intérêt et d'importance à la recherche qu'aux publications, a sus- cité de fortes impulsions dans de nombreux domaines de recherche, préparant ainsi le terrain à plusieurs disciplines. Cependant, son rôle de précurseur multiple est souvent ignoré de ceux même qui continuent, d'une manière ou d'une autre, son travail. Et bien que son érudition et ses études, d'une envergure sans aucun doute exceptionnelle, aient fini par lui valoir la première chaire de littérature étrangère de la Sorbonne, les travaux sortis de sa plume — pourtant souvent publiés à titre posthume —semblent marqués une fois pour toutes de stigmates.
Ses talents et ses mérites furent loués par un Charles- Augustin Sainte-Beuve, un Ernest Renan, un Augustin Thierry, ou un August Wilhelm Schlegel. Cela n'empêche pas que ce professeur, quand il n'est pas ignoré complètement, soit surtout évoqué pour ses égarements. On pourrait se demander pourquoi. En tout cas  :s'occuper aujourd'hui à nouveau de Claude Fauriel est non seulement une question
8 ii HISTOIRE DE LA POÉSIE PROVENÇALE
de justice, mais prouve aussi l'intérêt concernant tout ce qui touche à l'histoire de la pensée historique en France et en Europe, ainsi qu'à l'histoire des disciplines qui en ont résulté.
Cette réimpression de l'Histoire de la poésie proven~-ale de Fauriel est née dans le contexte d'une collaboration avec Geneviève Espagne, dont le premier fruit est un colloque consacré au personnage de Claude Fauriel, organisé en décembre 2011 à Amiens. Il y a donc regain d'intérêt pour un des premiers historiens de la littérature de l'ancienne France. On en comprend aisément la raison  : il existe, en effet, une philologie romane avant la philologie romane. Une forme de philologie qui naît dès avant même Paulin Paris et dont il faut tenir compte pour comprendre le chemin que prendra la discipline vers le milieu du xlxe siècle. Le fait que cette Histoire paraisse aujourd'hui dans la collection des Magirtralia, consacrée à ceux qui ont « fait » la langue et la littérature médiévale en tant que discipline universitaire, atteste que Fauriel a toute sa place parmi les fondateurs de notre profession.


GSttingen, juillet 2011 Ud0 SCH~NING