Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Frontières du théâtre. Mélanges offerts à Daniel Mortier
- Pages : 367 à 372
- Collection : Rencontres, n° 413
- Série : Littérature générale et comparée, n° 32
Résumés
Anne-Rachel Hermetet, « Daniel Mortier et les études de réception »
Daniel Mortier a consacré une part importante de ses travaux aux études de réception. Cette contribution, qui ouvre le volume, en dresse le bilan scientifique. Les principaux apports de ses recherches dans ce domaine sont ici examinés et resitués par rapport aux sources théoriques dont ils se réclament.
Ariane Ferry, « Les Reines de Normand Chaurette (1991) ou l’envers féminin d’Henry VI et Richard III. Transfictionnalité et frontières de genres »
La transfictionnalité implique le passage d’une frontière entre deux époques, deux langues, deux dramaturgies. Les Reines, continuation paraleptique de Richard III par le Québécois Normand Chaurette, est une réécriture chorale dont le héros éponyme a été éliminé au profit de six voix de femmes, dont l’émancipation transfictionnelle ne passe pas par une action alimentant un récit parallèle à celui de la fable élisabéthaine, mais par la centralité de leurs discours, omniprésents, incontournables.
Chantal Foucrier, « Don Juan ou l’Abuseur désabusé. Aspects de la démythification dans quelques réécritures théâtrales du xxe siècle »
D’Edmond Rostand à Bertolt Brecht, les réécritures du mythe font éclater le scénario originel du pécheur châtié en variations tragi-comiques alliant carnavalisation et critique sociale et qui soulignent la déshéroïsation de Don Juan, devenu séducteur pitoyable (Ghelderode, Montherlant), idéologue obsessionnel (Shaw), amant suicidaire (Horváth, Frisch). En questionnant l’illusion théâtrale, celles-ci déplacent le rapport du mythe au surnaturel vers la relation de l’individu au réel, à soi et à la mort.
368Karl Zieger, « Figaro divorce d’Ödön von Horváth. Beaumarchais dans l’Allemagne des années 1930 ? »
Cette étude éclaire l’œuvre théâtrale d’Ödön von Horvàth (1901-1938) à partir de sa réécriture-suite du Mariage de Figaro, inspirée de La Mère coupable. Créée en 1937, Figaro divorce place les personnages de Beaumarchais dans une temporalité telle que le spectateur puisse reconnaître le climat politique et social des années 1930 en Allemagne. La pièce peut aussi être lue comme le contrepoint humaniste du didactisme de Bertolt Brecht auquel la critique l’a souvent opposé.
Guy Ducrey, « Un théâtre sans frontières. Tchékhov dans le cinéma turc contemporain »
En s’appuyant sur Mustang (2015), film turc inspiré des Trois sœurs de la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven, on interroge ici la capacité d’adaptation à d’autres lieux et d’autres arts de la dramaturgie d’Anton Tchékhov. Comme le théâtre de l’auteur russe, le film porte sur les sociétés enlisées, confites en traditions et broyant les énergies de la jeunesse. À considérer en parallèle l’œuvre du Russe et celle de la jeune cinéaste, Tchékhov peut apparaître comme une clé herméneutique pour notre temps.
Milagros Torres, « Danser, écrire, aimer. Leçons métaphoriques dans deux comedias d’apprentissage de Lope de Vega (El Maestro de danzar et El Dómine Lucas) »
Ce travail explore la figure comique du maître feint, maître de danse et professeur d’écriture, dans El Maestro de danzar et El Dómine Lucas, comedias du premier théâtre de Lope où l’apprentissage comique est un pilier de la construction dramatique (utilisation du déguisement, mécanismes comiques liés à l’érotisme). On y découvre une dramaturgie fondée sur le principe de plaisir, largement inspirée par la Commedia dell’Arte et caractéristique d’un grand nombre de comedias urbaines du dramaturge.
Isabelle Krzywkowski, « Les Avant-gardes historiques et leur public »
En dépit des clichés, les avant-gardes historiques n’ont ni voulu être ni été un art pour l’élite. L’étude conjointe de leur réception, de leurs positionnements 369et de leurs pratiques démontre leur conscience aiguë des media et d’un public qu’elles inventent. Loin de viser au seul succès de scandale, leur réflexion a débouché sur diverses propositions et une « poétique de la réception », nouvelle condition de l’action artistique, qui constitue l’avant-garde comme un régime spécifique de l’art.
Anna Saignes, « “Sturbe de morue” ou “foutre de loutre”. À propos des deux traductions françaises des Cordonniers de Stanisław Ignacy Witkiewicz »
La traduction de la pièce de Stanisław Ignacy Witkiewicz intitulée Les Cordonniers [Szewcy] est un défi face aux difficultés que posent la traduction du théâtre, celle de cette pièce comme la traduction littéraire en général. Le texte a fait l’objet de deux versions françaises presque contemporaines. En comparant les solutions proposées par les traducteurs, ce travail s’attache à mettre en évidence deux approches de la traduction du texte dramatique et interroge les limites de la traductibilité au théâtre.
Yves Chevrel, « Quand le mort prend la parole. Les niveaux de voix dans Die neuen Leiden des jungen W. (Les Nouvelles Souffrances du jeune W.) »
Die neuen Leiden des jungen W., ouvrage d’Ulrich Plenzdorf paru en 1972-1973 dans la République démocratique allemande, représente un cas intéressant d’autothanatographie, qui prend comme point de départ la mort inexpliquée d’Edgar Wibeau. En étudiant les relations formelles entre les trois niveaux de voix qui s’expriment dans ce texte (les proches du jeune Wibeau ; E. Wibeau lui-même ; Werther, le héros de Goethe) l’article interroge le projet littéraire et politique de l’auteur.
Robert Kahn, « La défense danoise. Benjamin et Brecht jouent aux échecs sous le poirier »
La célèbre amitié de Walter Benjamin et de Bertolt Brecht est évoquée à travers les parties d’échecs qu’ils jouèrent durant leur exil danois (1934-1938). L’article analyse leur pratique du jeu – Brecht étant le plus souvent vainqueur sur l’échiquier – et leur confrontation à propos de Kafka dans laquelle le lecteur d’aujourd’hui admire plutôt les « coups » de Benjamin. L’étude replace enfin le jeu d’échecs dans l’œuvre des deux amis, La Vie de Galilée et la première des « Thèses sur le concept d’Histoire ».
370Dominique Goy-Blanquet, « Les vies parallèles de Coriolan »
Grand lecteur de Shakespeare, Bertolt Brecht voulait insuffler une vie nouvelle au théâtre et commença une adaptation de Coriolan, reprise par ses assistants après sa mort. L’œuvre enrichit ainsi le feuilletage de textes qui sépare leur Coriolan de sa source principale, Les Vie parallèles de Plutarque. Élément central de la réflexion : le peuple n’a pas besoin de héros. Shakespeare avait-il besoin de Brecht ? C’est la question posée par cet article qui étudie les métamorphoses successives de ce texte.
Myriam Dufour-Maître, « Brecht-Corneille. Quelques notes sur la lecture “parallèle” de Brecht et de Corneille, 1954-1969 »
L’article interroge l’influence qu’ont pu avoir les débuts du brechtisme en France sur l’interprétation de Corneille, dramaturge d’Histoire s’il en fut, mais qui, paradoxalement, a moins intéressé les brechtiens comme Roland Barthes ou Roger Planchon que n’ont pu le faire Racine et Molière. Le travail de Bernard Dort, Hubert Gignoux, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub a pu ébranler l’édifice critique du « héros cornélien », mais reste privé d’une réelle attention au rôle politique des héroïnes.
Pascal Vacher, « Quand l’actualisation tue l’actualité. Dominique Pitoiset met en scène La Résistible ascension d’Arturo Ui pour les présidentielles de 2017 »
Dominique Pitoiset monte La Résistible ascension d’Arturo Ui fin 2016, avec Philippe Torreton dans le rôle-titre. Le spectacle se veut en prise sur l’actualité politique marquée par l’élection présidentielle à venir. Paradoxalement, l’entreprise engagée de Dominique Pitoiset vide la pièce de son éventuelle efficacité politique, l’actualisation mise en œuvre ici consistant en réalité en un gommage de l’Histoire qui supprime un des piliers de la distanciation brechtienne.
Sophie Lucet, « À la frontière des genres. Le 14 Juillet de Romain Rolland et de Firmin Gémier, un mystère patriotique ? »
Le 14 Juillet de Romain Rolland s’affranchit de la tradition mélodramatique et spectaculaire héritée d’une historiographie négative sur la Révolution. S’appuyant sur de récents travaux soulignant l’intérêt pionnier de la réflexion 371de l’auteur autour d’un authentique « théâtre du peuple », l’étude met en relation ses essais antérieurs et la genèse du 14 Juillet, où se cristallisent les termes de la refondation idéologique et esthétique d’un théâtre historique consacré à la Révolution.
Régis Salado, « Marivaux hors les murs, enjeux d’un déplacement (sur L’Esquive d’Abdellatif Kechiche) »
L’Esquive d’Abdellatif Kechiche (2003) confronte deux mondes culturellement distants, celui d’adolescents vivant en banlieue parisienne et celui du Jeu de l’amour et du hasard. À rebours de l’interprétation dominante, selon laquelle le cinéaste établirait un parallèle entre les valets de Marivaux et les jeunes de la cité, tous victimes des conditionnements sociaux (Pierre Bourdieu), cet article met en avant les possibilités de « jeu » et les stratégies de « ruse » (Michel De Certeau) explorées par le film.
Kerstin Hausbei, « En-deça de la théâtralité. Nathan ! ? de Nicolas Stemann »
Partant du constat que le théâtre est un phénomène historiquement et culturellement variable, l’article postule que tout jeu avec sa frontière conduit le spectateur à interroger sa propre conception du théâtre dans sa dimension esthétique, médiale et politique. Ce phénomène, fréquent dans le théâtre contemporain allemand, est analysé ici à travers l’exemple de Nathan ! ?, conçu et mis en scène par Nicolas Stemann à partir de textes de Gotthold Ephraïm Lessing et Elfriede Jelinek.
Chantal Édet-Ghomari, « Adapter au théâtre Seul dans Berlin de Hans Fallada »
Cet article porte sur l’adaptation théâtrale par Luk Perceval du roman de Hans Fallada Seul dans Berlin [1947] présentée en 2014 au théâtre Nanterre-Amandiers. Première adaptation théâtrale de ce roman polyphonique d’un écrivain resté en Allemagne pendant la période nazie, l’œuvre suscite la curiosité tant du lecteur que du spectateur par les questions qu’elle pose. Quels sont donc les choix du metteur en scène pour que ce passage soit à la fois fidèle mais aussi très contemporain ?
372Mireille Brangé, « Les Damnés, de Visconti à Van Hove, cinéma, théâtre, politique. Triomphe et limites de l’ambiguïté »
En 2016, Ivo Van Hove met en scène à la Comédie française le scénario des Damnés, le film de Luchino Visconti (1969). Ce faisant, il poursuit sa pratique originale du traitement d’un scénario de cinéma comme texte théâtral. Sur scène, il utilise aussi la vidéo, subvertit des moyens apparemment cinématographiques et accomplit la remédiation du cinéma par le théâtre. Mais cette indéfinition réussie se heurte à une ambiguïté politique non assumée.
Jean-Pierre Morel, « Ryszard Kapuściński, “metteur en scène” de la décolonisation du monde ? »
Dans ses reportages sur les mouvements de libération et de décolonisation du xxe siècle, l’écrivain polonais Ryszard Kapuściński a souvent noté la part de mise en scène qui entre, avec des conséquences funestes, dans les régimes d’oppression et les luttes pour l’émancipation. Non content de la dénoncer, il lui a opposé, par divers moyens de narration, de composition et d’interprétation, une autre forme d’expérience sensible du monde, transformant ainsi son écriture et ses points de vue personnels.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-09181-3
- EAN : 9782406091813
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09181-3.p.0367
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/07/2019
- Langue : Français