Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Femmes et philosophie des Lumières. De l’imaginaire à la vie des idées
- Pages: 399 to 405
- Collection: Masculine/ Feminine in Modern Europe, n° 26
Résumés
Laurence Vanoflen, « Introduction. Le genre et la philosophie des Lumières »
L’oubli tenace, dans le canon, de femmes qui ont participé, parfois très activement, aux débats des Lumières, reflète la difficile inscription, en France, des problématiques du genre en littérature. Il faut donc s’interroger à nouveaux frais sur les modes d’insertion des femmes dans la vie intellectuelle de leur temps : quels champs de pensée couvre leur réflexion ? comment ont-elles négocié avec les contraintes de genre pour publier ? Comment les lire sans reconduire des catégories piégées ?
Huguette Krief, « Émilie du Châtelet et le problème du mal dans les Examens de la Bible. 1742 »
Dans ses Examens de la Bible, Émilie du Châtelet dénonce les contradictions des Écritures. Faisant le procès de Dieu, parce qu’il a autorisé le mal sur terre, elle attaque l’interprétation chrétienne selon laquelle le scandale du mal est vaincu par la passion du Christ. Femme des Lumières, Émilie a la certitude que tout doit être discuté, de la physique à la morale, de la métaphysique à la théologie. Commentant la Bible avec cet esprit hétérodoxe, elle désacralise le Dieu vivant des Chrétiens.
Marc André Bernier, « Mme d’Arconville et la question des limites de l’esprit humain »
La philosophie criticiste des Lumières a voulu déterminer un usage légitime de la raison pour écarter les spéculations métaphysiques du champ du savoir. Chimiste, G. d’Arconville s’en inspire afin de distinguer sa pratique de l’alchimie. Toutefois, penser la pensée du sujet connaissant, ses limites comme ses promesses, amène aussi le criticisme à s’interroger sur les réalités morales et leur représentation : la femme de lettres est donc bien placée pour réfléchir sur les limites de l’esprit humain.
400Julie Candler Hayes, « Les Réflexions hazardées d’une femme ignorante de Marie de Verzure. Épistémologie de la morale »
Les Réflexions hazardées d’une femme ignorante (1766), parues anonymement, allient grands sujets moralistes et examens des mœurs contemporaines, souvent selon une optique physiocratique. Ni obscure ni ignorante, leur auteure, Marie Pannier d’Orgeville (1712-1770), épouse d’un financier, conseiller du roi, place notamment au centre de son livre des questions épistémologiques : le rapport entre introspection et observation d’autrui, et la nature de l’entendement humain, dans deux essais d’inspiration sensualiste.
Rotraud von Kulessa, « La philosophie du bonheur au féminin. La philosophie morale entre stoïcisme et épicurisme »
L’article livre une réflexion sur le sujet de la philosophie du bonheur au féminin telle qu’elle apparaît dans trois œuvres d’auteures du xviiie siècle : les Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny, le Discours sur le bonheur d’Émilie du Châtelet et Le Magasin des adolescentes de Marie Leprince de Beaumont. Outre la question du bonheur au féminin, les trois textes posent le problème de l’existence de la femme philosophe.
Lorenzo Rustighi, « émigrées ou colonisées ? Images de l’autre dans l’écriture féminine au xviiie siècle »
Cet article se propose de déterminer deux moments distincts dans l’histoire de l’écriture féminine au xviiie siècle autour de deux figures du rapport à l’autre : la colonisation et la migration. Des histoires de femmes colonisées, chez Octavie Belot, Anne-Marie Du Boccage et Françoise de Graffigny, inscrivent la réflexion sur leur propre marginalité dans le champ du savoir, avant que le tournant historique des rapports patriarcaux à la fin du siècle ne les délégitime radicalement.
Odile Richard-Pauchet, « Diderot et le langage des femmes. Un paradigme utopique »
La correspondance de Diderot et ses Entretiens avec Catherine II montrent la prédilection du philosophe pour la compagnie féminine : Mme d’Épinay, Mme Necker, la princesse Daschkoff, sa propre fille Angélique Diderot, ou 401Mme d’Aine, toutes parlent une langue qu’il perçoit comme proche du cœur et non dénaturée. Il théorise d’ailleurs dans Sur les femmes (1772) le bénéfice qu’il en retire, au risque de minorer pour elles la nécessité d’une éducation solide, et d’une vie sociale à l’égale des hommes.
Mélinda Caron, « Affinités créatives. Amitié, philosophie et écriture dans le cercle de Louise d’Épinay »
Dans le cercle de Louise d’Épinay, l’amitié et la connivence semblent avoir joué un rôle déterminant dans la création, comme en témoignent sa correspondance avec l’abbé Galiani et les articles de la Correspondance littéraire de Grimm. Considérer ce groupe, dans ses échanges et ses dynamiques, ses affects et ses pratiques permet donc de mieux comprendre la participation de Louise d’Épinay à la vie intellectuelle des Lumières, qui fut plus active et soutenue que les sources disponibles ne le montrent.
Frédéric Marty, « Louise Dupin, de la réfutation de l’Esprit des lois à l’Ouvrage sur les femmes. Une pensée des Lumières »
Cet article s’intéresse aux différents modes de participation à la vie des idées de Louise Dupin (1706-1799), qui tient selon Rousseau l’« un des salons les plus brillants de Paris » vers 1740. Dans la réfutation de l’Esprit des lois, entreprise avec son mari, elle se montre réformiste. Dans son œuvre personnelle, l’Ouvrage sur les femmes, restée à l’état de manuscrits inédits, elle défend l’égalité des sexes ; son approche critique et encyclopédique la montre fidèle aux principes des Lumières.
Jeanne Chiron, « Émilie face à l’Émile. La philosophie éducative critique de Louise d’Épinay »
Cet article envisage Les Conversations d’Émilie comme une réponse à l’Émile (1762) de Rousseau sur l’éducation du premier âge de l’enfance. Dans ce qui est à la fois un anti-Émile et un nouvel Émile, Épinay passe au crible de l’expérience les propositions éducatives trop spéculatives de son prédécesseur. Elle vise, selon ses mots, à « jeter les fondements permanents et solides pour une éducation générale et raisonnée ».
402Magali Fourgnaud, « Fanny de Beauharnais. La verve ironique d’une mondaine philosophe »
Oubliée par l’histoire littéraire après le xixe siècle, Fanny de Beauharnais (1737-1813) participe par ses contes aux débats philosophiques de la fin du xviiie siècle. Amie d’Olympe de Gouges, elle développe des réflexions autour de l’éducation, de la liberté des femmes et de l’égalité des sexes. Sa volonté d’émancipation s’exprime par l’ironie, notamment dans Volsidor et Zulménie, conte pour rire, moral si l’on veut, philosophique en cas de besoin (1776), et La Marmote philosophe (1810).
Isabelle Tremblay, « Dialoguer avec les philosophes en 1818. Le Dictionnaire critique et raisonné de Félicité de Genlis »
Grâce à son Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la Cour et des usages du monde (1818), qui devait s’intituler Dictionnaire anti-philosophiste, Félicité de Genlis poursuit le dialogue avec les philosophes sur des notions qui leur sont chères, dont le luxe. Toutefois, Genlis partage avec ceux qu’elle accuse d’immoralité le projet de transformer l’éducation, la volonté de défendre les bienfaits de la raison et l’esprit critique vis-à-vis de l’ordre établi afin de proposer des réformes.
Valérie Cossy, « Une critique éclairée des livres selon Isabelle de Charrière, Jane Austen et Mary Shelley »
La critique de la culture écrite a joué un rôle fondateur dans la pensée féministe du xxe siècle de Virginia Woolf, Hélène Cixous à Judith Butler. Mais les romans d’Isabelle de Charrière, Jane Austen et Mary Shelley, Sainte Anne, Persuasion et Frankenstein, commentent déjà le poids des représentations romanesques existantes, qui maintiennent l’inégalité des deux sexes. Lectrices de romans, ces héritières des Lumières critiquent ainsi paradoxalement la culture dont elles se sont nourries.
Ramona Herz-Gazeau, « Réseau clandestin, lectures et échanges philosophiques de Marie Leprince de Beaumont »
Les écrits apologétiques et éducatifs de Marie Leprince de Beaumont sont fondés sur des échanges et un réseau philosophiques étendus comme le 403montrent trois sources d’inspiration évoquées dans Les Américaines : la tradition clandestine, autour du Traité des trois imposteurs, le best-seller philosophique De l’esprit, et une affaire religieuse locale. On voit ainsi comment l’écrivaine participe et fait participer ses lecteurs et lectrices aux débats philosophiques de son siècle.
Kim Gladu, « Les voies détournées de la pensée philosophique féminine. L’exemple de Mme Belot »
Occupation littéraire jugée accessible et moyen de subsistance, la traduction fait partie des genres pratiqués par les femmes au xviiie siècle. Octavie Belot (1719-1804) offre un exemple éloquent de la manière dont elles purent ainsi jouer un rôle de médiatrices dans la diffusion d’idées philosophiques, et intervenir dans les débats contemporains par le biais des préfaces, dans les Mélanges de littérature angloise (1759) et l’Histoire de Rasselas, prince d’Abyssinie, de Samuel Johnson (1760).
Françoise Gevrey, « La baronne de Vasse, une femme des Lumières au carrefour des genres et des cultures »
Cornélie Wouters, baronne de Vasse, tint un salon à Paris dans les années qui précèdent la Révolution. Connue pour des traductions de l’anglais, mais aussi pour des romans, des contes, et des ouvrages de morale dans un style plaisant, elle revendique une forme de liberté et d’autorité pour les femmes. Elle expose aussi des idées favorables à plus de justice sociale, s’engageant en faveur des Juifs devant l’Assemblée constituante et défend un cosmopolitisme aux visées pacifistes.
Cristina Trinchero, « Une princesse inédite à l’âge des Lumières. Joséphine de Lorraine Armagnac (1753-1797) »
Trait d’union entre France et Italie, Joséphine de Lorraine Armagnac (1753-1797), épousa Victor Amédée, cousin du roi de Sardaigne et prince de Carignan. Passionnée de littérature, d’histoire et de pensée antique et moderne, en relation avec les élites intellectuelles de Turin, de Parme et de Milan, elle confie ses réflexions à des cahiers à circulation restreinte mais conservés. Elle illustre la condition des femmes des lettres « impubliables » et silencieuses, en raison de leur rôle officiel.
404Mariana Teixeira Marques-Pujol, « Voyage et conscience de soi. être femme de lettres en Angleterre au xviiie siècle »
De part et d’autre du xviiie siècle, Lady Mary Wortley Montagu et Mary Wollstonecraft ont écrit deux récits de voyage en forme de lettres : les Turkish Embassy Letters et les Letters Written During a Short Residence in Sweden, Denmark, and Norway (1796). Outre l’intérêt porté aux mœurs et à l’altérité par ces deux femmes si différentes, ces deux textes témoignent, par leur histoire éditoriale, de l’émergence de la femme de lettres en Angleterre au xviiie siècle.
Marianne Charrier-Vozel, « Mme Riccoboni, philosophe malgré elle ? »
Auteure de romans sentimentaux à succès, Mme Riccoboni croit en la vertu de l’identification des lecteurs à une héroïne édifiante pour lutter contre les préjugés et les privilèges attachés à une classe sociale. Se méfiant d’une parole qui exalte l’esprit de parti, elle n’a pas écrit de traité philosophique, mais sa correspondance avec Robert Liston montre la richesse et les nuances de sa pensée et dont les valeurs sont l’amitié et le bonheur.
Pierre Blanchard, « De la querelle des femmes à la guerre des satires. Les combats de Constance de Théis »
Dans le contexte de la querelle des femmes auteurs, suscitée par le poème de Lebrun en 1797 qui permet à la parole misogyne de s’exprimer librement, Constance Pipelet compose l’Épître aux femmes. Ce poème à succès fait dériver la querelle du cadre littéraire vers une défense générale des femmes. Mais son audace réside aussi dans le recours à une forme littéraire exclusivement masculine, la satire.
Caroline Jacot-Grapa, « Jodin et les grands hommes. De Diderot à David »
L’actrice Marie-Madeleine Jodin adresse ses Vues législatives pour les femmes, publiées en 1790, à l’Assemblée nationale. Ce plaidoyer pour les droits civiques des femmes met en relation des points névralgiques des mœurs et du droit, prostitution et divorce, contestant la culture virile de son temps et « l’esprit de domination » que les hommes de l’Assemblée sont invités à résilier. Elle s’y attaque aux figures de l’héroïsme républicain immortalisées par David et exposées aux « salons d’art ».
405Véronique Le Ru, « Olympe de Gouges. Une femme “publique” ? »
Souvent vue comme un simple pastiche de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) d’Olympe de Gouges, mérite une lecture philosophique. Contestant l’asymétrie entre les expressions « homme public » et « femme publique », ou dévoyée, Olympe de Gouges y invente en effet un nouveau sens de l’universel, plus réservé à la seule moitié du genre humain qui, dans la langue française, bénéficie du double sens du terme homme.
Alessandra Doria, « Nous. L’énonciation politique de soi des femmes en Révolution »
Dans les écrits féminins de 1789 le pronom « nous » est employé pour désigner la totalité des femmes comme source du message. Avec cette modalité énonciative, les femmes éclairées expérimentent des identités collectives politiques dont les figurations se modifient au fil du processus révolutionnaire. Ces représentations de soi sont liées à l’évolution du concept de « souveraineté nationale », qui désigne, successivement, le monarque, les représentants puis le peuple en armes.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-09600-9
- EAN: 9782406096009
- ISSN: 2261-5741
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09600-9.p.0399
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Language: French