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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Yves Bonnefoy ou l’expérience de l’Étranger
  • Pages : 3 à 4
  • Réimpression de l’édition de : 1998
  • Collection : Archives des lettres modernes, n° 271
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406057123
  • ISBN : 978-2-406-05712-3
  • ISSN : 0003-9675
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05712-3.p.0008
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/12/2017
  • Langue : Français
8 avant-propos
Tu n'es pas ce que tu vois, ce que tu saisis, ce que tu es, me dit l'Étranger, car tu disparaîtras un jour sans que cela cesse d'être. Ces eaux se referme- ront
Et il s'ensuit, me dit-il encore, que ces eaux non plus ne sont pas, car que sont-elles sans toi, gui en es distinct, gui n'es pas ? Tu n'es pas et je ne suis pas.
[...]
L'Étranger se tient immobile, sur le seuil. Pazle-t-i17 Mais non, c'est moi, dans le temps qu'il ouvre, otl je glisse, otl ma pazole devient, toute vacuité
qu'elle soit et sans origine, mon seul espoir, mon seul l;Ye. (I, 323)
Ces lignes, extraites de l'essai :«L'Étranger de Giacometti », contiennent un aveu, et cet aveu est celui d'une expérience et d'une épreuve qui s'étendent à l'ensemble de l'oeuvre poétique de Bonnefoy. Si le pobte a voulu identifier la parole à l'espoir, la parole à l'être, c'est pazce que l'être n'est pas d'emblée donné dans les mots, — et plus encore c'est pazce qu'il y a, à l'origine de la parole poétique, une profonde scission entre l'être et les mots. Quelle est cette scission, d'où vient cette séparation sur laquelle une oeuvre se fonde et se développe, en devenir toujours, comme ce à quoi elle doit remédier ?Nous essayerons de répondre à cette question qui est celle de l'itinéraire d'une pazole propre, assumée par un sujet qu'elle dissimule autant qu'elle le révble.
Une expérience de l'unité est la vocation la plus haute de cette poésie :c'est qu'à l'origine les mots ont un sol, les mots ont un centre, ils sont une terre. Cependant l'aeuvre elle-même n'a de cesse de se faire, de se construire, de s'élaborer selon
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9 une dualité :car l'expérience de l'Étranger, on le verra, est celle d'une rupture ontologique, d'une intrusion de l'absence dans l'évidence pleine du monde. Il faudra donc se demander si les impératifs contradictoires de l'être et du néant, de la réalité et du rêve, ou encore du personnel et de l'universel peuvent, par le truchement de la poésie, être résolus ou dépassés.
L'enfance du poète, telle qu'elle est remémorée dans certains de ses textes en prose, sera explorée selon trois directions principales —trois directions qui se rejoignent pour n'en faire qu'une seule — le rapport au lieu, le rapport à la langue, le rapport à la mère. Nous entrerons ensuite dans le vif de l'expérience de ('Étranger pour assister à la dissimulation puis à l'émergence de cette figure de l'Étranger dans les poèmes eux-mêmes. La métamorphose ou la transfiguration de cette expérience négative sera analysée en respectant l'ordre chrono- logique de parution des recueils, de Du mouvement et de l'immobilité de Douve (1953) à Début et fïn de la neige (1991). Nous mettrons en évidence l'évolution d'une poétique dans le temps, et cela eu égard à l'événement biographique, à l'épreuve existentielle, à la réalité personnelle et infigurable qui en est le fondement. Nous verrons que cette évolution se manifeste, de façon privilégiée, par la récurrence de certains thèmes obsession- nels ainsi que par une ouverture graduelle, mais problématique, de la langue poétique elle-même au référent, au monde du dehors. Enfin, nous reparcourrons le devenir de l'ceuvre en déplaçant la question, pour comprendre les implications de cette figure et de cette épreuve de l'Étranger dans le rapport du poéte au visible et, en particulier, à la peinture.






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